Un succès pour la gauche

L'acceptation par le peuple de l'initiative pour des salaires minimaux constitue une victoire d'étape alors que se prépare la campagne fédérale.

L’acceptation par le peuple de l’initiative pour des salaires minimaux
constitue une victoire d’étape alors que se prépare la campagne fédérale.

En faisant passer en votation
l’initiative « Un Jura aux salaires
décents », la gauche jurassienne
a remporté une importante victoire
le 3 mars. Contre l’avis du gouvernement
et du Parlement, les Jurassiens
ont accepté de créer une base légale
pour instaurer des salaires minimaux
dans les secteurs et entreprises
non-signataires d’une CCT. La
Chambre de commerce et d’industrie
a fait campagne avec l’argument
habituel qu’un salaire minimum tirerait
les salaires vers le bas. Mais les
Jurassiens ont tout de même suivi la
gauche et les syndicats en acceptant
le texte par 54,25% des suffrages.
Des trois districts, seul celui de Porrentruy
a refusé l’initiative, mais de
justesse.

Quand les jeunes bougent, les choses changent

L’initiative avait été déposée en 2009
par la Jeunesse socialiste et progressiste
jurassienne (JSPJ), qui rassemble
de jeunes militants proches
du PS et du POP. « Un jour, à la fin
2007, quelques joyeux drilles décidaient
de remédier au plus vite à une
injustice criarde : un travail à 100%
qui ne rapporte pas suffisamment
pour vivre. L’idée était née », explique
Sébastien Lapaire, l’un des initiants.
« Après plusieurs mois de palabres et
les conseils avisés de Jean-Claude
Rennwald, l’initiative était lancée. La
récolte de signatures a été longue et
pénible. Et il fallut trois ans et demi,
et donc deux Parlements successifs,
pour constater sa validité juridique,
donner son avis et la soumettre au
peuple ce 3 mars avec le succès qu’on
sait. Six ans pour faire bouger les
choses… Mais ne rien faire aurait été
insupportable ! »

Dans le Jura comme à Neuchâtel,
la droite traîne les pieds

Six ans et ce n’est sans doute pas terminé.
L’initiative laisse libre le Parlement
à majorité de droite de fixer les
montants des salaires minimaux en
suggérant les deux tiers des salaires
médians nationaux des branches
économiques. Un délai de deux ans
est aussi laissé aux entreprises pour
conclure une CCT. Il y a fort à parier
que la droite n’invoque la liberté économique
garantie par le droit fédéral
pour ne pas mettre en oeuvre le texte.
A Neuchâtel, quinze mois après le
vote pour un salaire minimum, le
conseiller d’Etat en charge de l’Economie,
Thierry Grosjean, traîne ainsi
les pieds. Dans un arrêt rendu en
2010 à la suite de la tentative d’invalidation
de l’initiative genevoise pour
le droit à un salaire minimum, le Tribunal
fédéral soulignait que les montants
des salaires minimaux par secteur
économique « devront se situer à
un niveau relativement bas, proche
du revenu minimal résultant des systèmes
d’assurance ou d’assistance
sociale, sous peine de sortir du cadre
de la politique sociale pour entrer
dans celui de la politique économique
et, donc, d’être contraires à la
liberté économique », ce qui rendait
le texte « très difficile à mettre en
oeuvre ». La lutte n’est donc pas terminée,
mais le vote jurassien constitue
une victoire d’étape et donne
confiance à la gauche alors que se
prépare la campagne pour l’initiative
fédérale déposée par les syndicats.

Jérôme Béguin

La droite jurassienne perd les votations sur toute la ligne

Outre l’initiative cantonale « Un
Jura aux salaires décents », les
Jurassiens ont accepté les trois objets
fédéraux.

L’acceptation de l’arrêté sur la
politique familiale ne faisait guère de
doute puisque seule l’UDC, faible
dans le canton, la combattait. L’initiative
Minder était combattue par le
PLR et le PDC, mais ceux-ci ont été
désavoués par une bonne partie de
leur électorat puisqu’avec 77,1% de
suffrages favorables le Jura est en
tête des cantons suisses. La surprise
vient de la nette approbation de la
révision de la Loi sur l’aménagement
du territoire (62,8%). Seules trois
petites communes ajoulotes l’ont
refusée. Pourtant, PLR, PDC et
UDC la combattaient, ainsi qu’entre
autres l’Association des maires du
district de Delémont, emmenée par
Pierre Kohler, après un vote unanime.
Mais les communes qu’ils
administrent ont été tout aussi unanimes
à les désavouer !

Jean-Pierre Kohler