Les médias, la démocratie et les petits partis

LA chronique de Jean-Marie Meilland •
Membre d’un petit parti cantonal de gauche radicale, la Gauche valaisanne alternative, je suis avec mes camarades confronté à un problème inhérent à une petite formation politique. Bien que notre organisation existe depuis plusieurs années et que nous ayons déjà participé à plusieurs élections aux niveaux fédéral, cantonal et communal, de nombreux-ses concitoyen-ne-s ignorent encore notre existence. Le nom de Gauche que nous portons peut certes expliquer pour certains notre manque de visibilité, du moment que les médias parlent toujours de gauche pour désigner le PS et les Verts. Mais le problème dépasse largement cette affaire de nom...

Membre d’un petit parti cantonal de gauche radicale, la Gauche valaisanne alternative, je suis avec mes camarades confronté à un problème inhérent à une petite formation politique. Bien que notre organisation existe depuis plusieurs années et que nous ayons déjà participé à plusieurs élections aux niveaux fédéral, cantonal et communal, de nombreux-ses concitoyen-ne-s ignorent encore notre existence.

Le nom de Gauche que nous portons peut certes expliquer pour certains notre manque de visibilité, du moment que les médias parlent toujours de gauche pour désigner le PS et les Verts. Mais le problème dépasse largement cette affaire de nom. Contrairement aux partis plus importants, nous avons beaucoup de peine à faire connaître nos propositions. Nous avons quelquefois l’occasion de passer dans les médias (Nouvelliste, radio, télévision), mais nous n’avons quasiment jamais l’occasion de présenter notre programme. Les journalistes nous interrogent sur notre participation aux élections, sur le score que nous ambitionnons. Mais à part les stratèges des autres partis et les journalistes politiques, qui peut bien s’intéresser à ce genre de question? Si des concitoyens voulaient voter pour nous, ce ne serait sans doute pas parce que nous projetons de faire 1,5 ou 2% des voix, ce qu’ils soutiendraient chez nous, ce seraient des points de vue utiles, des solutions différents de ceux défendues par les autres partis. Si les journalistes nous interrogent sur des thèmes ou nous invitent à des débats, ils choisissent le sujet qui d’ordinaire ne nous convient pas (c’est par exemple un sujet sur lequel nous sommes d’accord avec le PS ou alors un sujet hors de nos préoccupations et sur lequel nous n’avons pas grand-chose à dire). Quand parfois on nous donne carte blanche (comme j’eus l’occasion de l’avoir il y a peu), il faut boucler l’article en une douzaine de lignes et dans ces conditions on ne peut guère être convaincant. Et si la presse ne nous accorde pas la parole, il nous reste la lettre de lecteur, ce qui est très bien pour les citoyens que nous sommes, mais bien peu pour le parti que nous représentons.

Si l’on veut améliorer le processus démocratique en prenant les citoyens pour des adultes qui s’intéressent d’abord aux propositions politiques, et non à la loterie électorale, il faudrait introduire de nouveaux usages. Tous les médias d’information générale (journaux quotidiens, radio, télévision) pourraient avant chaque élection diffuser des articles, émissions et spots d’égale longueur ou durée pour chaque parti participant à la campagne. On pourrait envisager par exemple une demi-page dans la presse écrite, une émission de vingt minutes à la radio, un spot de dix minutes à la télévision. La question reste ouverte de savoir s’il faudrait les présenter une seule ou plusieurs fois. Ces contributions seraient produites par les partis, sans intervention des journalistes, pour que chaque force politique puisse librement proposer ce qui lui importe selon ses priorités et choisir ce qui lui semble le meilleur moyen de le faire connaître. Les médias pourraient décider d’offrir gratuitement ces espaces comme participation à l’amélioration du processus démocratique. Mais s’ils ne voulaient pas s’en charger, on pourrait songer à des parutions payantes. Dans ce cas pourtant, à moins que soient appliqués des tarifs préférentiels liés au caractère non commercial de l’activité politique, les dépenses risqueraient d’être trop élevées pour certaines petites formations. C’est pourquoi il serait alors bienvenu d’introduire un financement public modique des partis (par exemple de 20.000 francs à chacun), ce qui serait précieux pour les petits partis sans coûter cher aux contribuables.

Il faut noter que cette façon de faire ne priverait en rien les journalistes de leur totale liberté de traiter par ailleurs les questions politiques comme ils l’entendent.

On n’aurait d’autre part une situation d’égalité entre partis qu’au moment du passage des articles et émissions produits par eux; pour le reste, les partis plus importants continueraient de profiter de leur position favorable, soit parce qu’ils ont plus de ressources pour leur propagande, soit parce qu’ils figurent souvent dans les pages rédactionnelles, à cause de leurs nombreux élus et des multiples occasions où ils interviennent dans les débats, soit parce que de toute manière la loi les protège efficacement notamment par le très antidémocratique quorum. Elle ne garantirait pas automatiquement un meilleur écho aux petites formations dissidentes, mais au moins, face aux résultats, on saurait que l’électeur aurait écarté des idées et des propositions après les avoir connues, et que son désintérêt ne serait pas le fruit de la seule méconnaissance. Elle permettrait l’exercice de la concurrence non faussée (qu’affectionnent les libéraux), et chaque parti serait en tout cas partiellement responsable du succès ou de l’échec qu’il rencontrerait, faire une bonne présentation et un bon spot n’étant le monopole de personne, même si les grands partis ne perdraient pas les atouts de leur plus grande expérience et de la notoriété de beaucoup de leurs représentants.
Cette solution minimale semble être juste, peu exigeante et facile à réaliser. Sans intervention de l’Etat (sauf éventuellement pour le versement d’une aide financière sur laquelle les députés devraient se prononcer), la balle est dans le camp des médias qui pourraient décider d’apporter cette petite pierre pour un meilleur fonctionnement d’une démocratie centrée sur les projets, et non sur les personnes et les calculs électoralistes. Il faudrait bien sûr pour cela que ceux qui gèrent notre système régional pensent que tout n’y va pas pour le mieux et qu’il est perfectible: l’observation de notre vie politique depuis quelques années devrait rendre cette option possible.

Voilà une idée intéressante, sur laquelle je n’ai pu trouver d’informations plus détaillées:
«La plupart des lois ou règlements électoraux exigent l’accès et un traitement équitables pour ceux qui désirent diffuser leurs annonces d’élection. À titre d’exemple, la loi de la Nouvelle-Zélande défend à un diffuseur d’offrir ou de donner à un parti politique ou à un candidat du temps d’antenne plus favorable que celui offert à tout autre parti ou candidat.»*

* Infos sur le site http://aceproject.org/ace-fr/topics/ei/eif/eif08/eif08a