Des élues au National aux nues de «Playboy»

La chronique féminisite • Parmi les résultats, la Grisonne Magdalena Martullo-Blocher, 46 ans, entrepreneuse, fille de celui qui pollue l’atmosphère politique depuis plus de trente ans, a été élue. Ainsi donc, la Suisse connaît le même genre de scénario familial que la France, avec Jean-Marie Le Pen, sa fille Marine et sa petite-fille Marion Maréchal-Le Pen. Peut-être verrons-nous un jour arriver un des trois enfants de Magdalena sur le devant de la scène politique. Misère...

Bon ben voilà, ce que nous craignions s’est malheureusement réalisé: l’UDC a fait une poussée spectaculaire de 11 sièges, grosso modo au détriment des Verts et des Verts libéraux.

Avec les 3 sièges de plus du PLR et ceux d’extrêmes diverses, la droite dure détient désormais 101 sièges sur 200, soit la majorité absolue, et pourra faire ce qu’elle veut ou presque. Cela augure mal du futur, en tout cas des quatre prochaines années. Il y aura forcément des attaques contre tout ce qui est social, culturel et environnemental, ce dont pâtissent en premier lieu les femmes.

Il y a 64 élues au National, contre 58 en 2011, c’est-à-dire une (légère) avancée de 29% à 32%, chiffre encore en-dessous du seuil de 33%, qui permet de peser dans les décisions. Je ne comprends pas comment des femmes peuvent voter UDC, pire, s’engager pour ce parti, dont l’idéologie fascisante veut les renvoyer à la maison. C’est comme porter le voile (ou la burka) en Occident: ces femmes acceptent et affichent leur soumission à leurs oppresseurs. Rappelons que les femmes ne sont que 18% sur les listes UDC et 14% sur celles du PLR, qui fait donc pire que l’extrême droite.

Penchons-nous sur les résultats par canton. Sans surprise, les cantons primitifs, qui n’ont qu’un représentant, ont élu un homme (Uri, Obwald, Niedwald, Glaris, les machistes Appenzell Rhodes Intérieures et Extérieures), Schwytz a quand même élu une femme sur 4, mais Zoug 0 sur 3. Deux autres cantons n’ont aucune femme parmi leurs représentant-e-s: le Jura (0 sur 2) et Neuchâtel (0 sur 4). Une honte! D’autant que le Jura est le premier canton à avoir ouvert un Bureau de l’égalité. Le plus féministe est Zurich, avec 14 femmes sur 35, soit 40%. Vaud, avec 6 femmes sur 18, atteint ce fameux tiers, Fribourg, 2 femmes sur 7, donc 28% de femmes, le Valais, 2 femmes sur 8, et Genève, 3 sur 11 ont respectivement 25% et 27% de représentation féminine, ce qui est encore largement insuffisant.

Un autre constat est extrêmement intéressant. Si l’on considère quels partis représentent les 64 élues, on obtient des chiffres très différents de la répartition suisse. Le premier gagnant est le PS, avec 25 représentantes, soit 39% (18% au niveau national); si l’UDC arrive en 2e position avec 10 élues, il ne représente plus que 17% (avec la Lega, un siège) contre 29,4% au niveau national, les femmes PDC sont 9, 14% (contre 11,6%), les PLR 7, 11% (16,4%) les Vertes 5, 8% (7%), les Vertes libérales 3, 5% (4,6), enfin, 2 du Parti Evangélique et une seule PBD ferment la marche.

En résumé, les politiciennes défendent majoritairement des idées de gauche, 30 à 33, selon qu’on inclut les Vertes libérales, soit la moitié, 15% se situent au centre. La droite dure (UDC + PLR) ne représente du coup plus que 28%. Cela conforterait ma conviction que les femmes s’engagent davantage pour le bien commun que les hommes, et nous prépareraient une société plus humaine. Ce constat encourage à exiger que les femmes, à l’avenir, figurent pour moitié, de manière alternée, sur les listes des partis, et qu’on mette en place un système établissant la parité. Mais j’imagine que les partis de droite, par essence machistes, s’y opposeront de toutes leurs forces et de tous leurs indécents moyens financiers.

Parmi les résultats, la Grisonne Magdalena Martullo-Blocher, 46 ans, entrepreneuse, fille de celui qui pollue l’atmosphère politique depuis plus de trente ans, a été élue. Ainsi donc, la Suisse connaît le même genre de scénario familial que la France, avec Jean-Marie Le Pen, sa fille Marine et sa petite-fille Marion Maréchal-Le Pen. Peut-être verrons-nous un jour arriver un des trois enfants de Magdalena sur le devant de la scène politique. Misère…

Laissons un moment ces résultats consternants pour aborder un tout autre sujet, quoi que…
Malgré mon âge respectable, je suis encore parfois d’une naïveté grandiose. Récemment, nous avons appris que dès le mois de mars prochain, Playboy, dans le cadre d’une refonte du magazine, ne publierait plus de photographies de femmes nues, une pratique qui avait pourtant fait sa renommée.

Ayant entendu cette brève à la radio, je me suis d’abord dit que le rédacteur en chef ou le propriétaire de «la revue qui ne se lit qu’à une main» avait compris qu’une société égalitaire ne peut pas se fonder sur la marchandisation d’un des deux sexes. Et je me réjouissais déjà de ce progrès des mentalités. Puis j’ai lu des articles abordant le sujet. Un respect des femmes? Une prise de conscience que leur marchandisation est indigne d’une société évoluée? Que nenni! Il s’agit d’une pesée d’intérêts financiers. Comme si, dans ce début de 21ème siècle, les décisions que prennent les entrepreneurs, les chefs d’Etat, les banksters pouvaient avoir une autre raison et un autre but que bassement pécuniaires.

En effet, Playboy a perdu 2,6 millions d’euros en 2014. La revue, créée en 1953, qui tirait 5,6 millions d’exemplaires au temps de sa gloire en 1975, n’atteint plus que 800’000 exemplaires. Cette décision est prise dans le cadre d’une économie de marché qui segmente les activités humaines et les comportements. La revue se trouvait directement en concurrence avec la pornographie gratuite, ce qui n’est pas commercialement porteur, et la privait d’une diffusion sur des réseaux sociaux. Elle acquiert ainsi le «PG-13 – Parents strongly cautioned», précieux sésame qui lui ouvre désormais les portes des très pudibonds mondes de Twitter, Instagram et Facebook. Ces réseaux «respectables» s’alignent sur un dénominateur commun des usagers, dont un groupe minoritaire mais intransigeant qui pourchasse la nudité, jusque dans les œuvres d’art. Premier effet: le site de Playboy aurait quadruplé le nombre de visites, passant de 4 millions à 16, tout en rajeunissant son audience de 47 à 30 ans. Respect des femmes? Vous voulez rire! Le pognon, uniquement le pognon.

Pour voir s’instaurer une société respectueuse, qui considère les femmes comme des êtres humains, des partenaires et des interlocutrices valables, il va falloir encore beaucoup et longtemps lutter…
Huguette Junod