La France maintient la «taxe tampon» contre Georgette Sand

La chronique féministe • Le synode de la famille accouche d'une souris et la France maintien une taxe sur les tampons hygéniques!

Le synode sur la famille qui s’est terminé dimanche 25 octobre a accouché d’une souris: l’église va se montrer plus tolérante, ou moins rigide, au choix, envers les homosexuel-le-s et les couples divorcés remariés. Ils n’iront donc plus en Enfer et seront même réintégrés dans la sainte Eglise catholique et universelle, amen. Sans surprise et sans illusion ni naïveté, on n’a pas avancé d’un iota sur la question de l’ordination des femmes et du mariage des prêtres, ce qui éviterait probablement bien des drames de pédophilie. A défaut, de nombreux serviteurs de l’Eglise ont des relations homosexuelles, comme l’a affirmé le père Krystztof Olaf Charamsa, 43 ans, membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi (un comble), en faisant son coming out samedi 3 octobre, veille du début du synode. Par son geste, il voulait que l’Eglise ouvre les yeux sur les gays croyants et comprenne que l’abstinence totale et la vie sans amour qu’elle exige n’est pas humaine. Chapeau bas! Le pape François ne manque pas de courage non plus, puisqu’il a déclaré: «Si une personne est homosexuelle et cherche vraiment le Seigneur, qui suis-je pour la juger?»

Pendant que 360 prélats (tous des hommes) discutaient de la famille à Rome, en Suisse, Christophe Darbellay, politicien homme, poussait Eveline Widmer-Schlumpf, politicienne femme, dans les orties, et en France, les députés rejetaient un texte porté par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale sur la TVA frappant les tampons et autres protections hygiéniques. L’amendement «contre la taxe tampon», qui avait été accepté en commission, demandait que le taux actuel de 20% soit ramené à 5,5%. Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, relayait la demande du collectif Georgette Sand, forte d’une pétition ayant recueilli plus de 17’000 signatures en février. Pourtant, cette mobilisation et les 17’000 signatures ont été balayées par une majorité d’hommes, de machos (n’est-ce pas un pléonasme?) de l’Assemblée nationale (73% d’hommes sur 577 député-e-s), qui ont dû se dire: «Qu’est-ce que c’est que ces histoires de bonnes femmes?» Les tampons continueront donc d’être taxés au taux maximum, point.

Le taux de 5,5%, dit «réduit», concerne les produits de première nécessité, notamment l’eau et les boissons sans alcool, les produits alimentaires, les appareillages pour handicapés, les livres, les maisons de retraite, les cantines scolaires, les œuvres d’art, les préservatifs masculins et féminins. Curieusement, on accorde le taux réduit pour les préservatifs, sans ségrégation de sexe (merci pour nous!), mais pas pour les protections hygiéniques contre les menstrues, qui règlent la vie des femmes de l’adolescence à la ménopause, et les rend aptes à procréer. Dans les «arguments» du rejet figure le fait que les mousses à raser pour les hommes sont également taxées à 20%. Cette liste, pleine d’absurdités et de «trous», comme celles concernant les taux de 20%, 10%, 2,1%, date en bonne partie des années 1950. Même le savon n’est pas considéré comme un article de première nécessité.

Économiquement, la mesure pour les protections hygiéniques est évaluée à 55 millions d’euros en France. Georgette Sand a calculé que cette dépense représente quelque 1500 euros dans la vie de chaque femme. Dans un précédent article (21.11.14), j’avais parlé de la «taxe rose»: les femmes paient plus cher un certain nombre d’objets: coiffeur, rasoirs, pressing (un chemisier coûte davantage à laver et repasser qu’une chemise d’homme), etc. Ce qui représente plus de 1000 € par an, soit une centaine de francs par mois. Comme les femmes gagnent déjà 20% de moins que les hommes, elles sont doublement pénalisées et l’écart se creuse.

Une femme utilise, en moyenne, 12’000 protections hygiéniques au cours de sa vie. Les textiles sanitaires, couches, tampons, serviettes et protège-slips représentent plus de 8 % des ordures ménagères, soit 33 kg par habitant et par année. Non recyclables en raison de la cellulose ou du plastique qu’ils contiennent, ces produits sont enfouis ou incinérés et contribuent à la production de méthane, un gaz à effet de serre.

Depuis quelques années, des protections périodiques plus «écolo» (éponge de mer, serviettes en tissu) sont apparues. Un produit se démarque: la «coupe menstruelle», qui a la forme d’une petite cloche terminée par une tige, pour pouvoir la retirer. Lavable et réutilisable, cette membrane de silicone s’insère comme un tampon pour recueillir le sang menstruel. Elle est plus saine que les tampons, qui peuvent causer des mycoses et assécher la muqueuse. Une coupe coûte entre 20 et 30 euros et a une durée de vie de 10 ans environ.

Très répandue dans les pays anglo-saxons, la coupe menstruelle est méconnue en France. Les utilisatrices en entendent parler par le bouche-à-oreille et passent commande sur Internet ou dans des magasins bio. Le marché est pourtant prometteur. Bien souvent, c’est par les utilisatrices que le corps médical apprend l’existence de la coupe; les pharmacies ne sont pas démarchées et ne peuvent donc pas informer leurs clientes. Pour Marianne Buhler, gynécologue à Paris, cette méconnaissance n’est pas une surprise. «L’utilisation des coupes menstruelles ne pose aucun problème sous réserve d’une bonne hygiène. Mais c’est une question très peu abordée en consultation. La raison est culturelle: en France, on ne connaît pas son corps et on considère que les menstruations sont sales.»

Au point de ne pas considérer les tampons comme des produits de première nécessité? Dans l’Ancien Testament (comme dans le Coran), l’homosexualité est une «abomination» et les femmes indisposées sont «impures». On n’a guère évolué depuis lors.