30 ans après, Viol-Secours a encore du pain sur la planche

Genève • «Sous couvert d'égalité, on observe de plus en plus souvent une mise en symétrie des violences faites aux femmes et aux hommes, qui occulte le fait que celles-ci s’inscrivent au cœur d'un système social traversé par des rapports de pouvoir», dénonce l'association Viol-Secours, qui fête ses 30 ans. Eclairage.

Deux des affiches de l'exposition. A gauche, de Coline Guggisberg, à droite de Carole Brumann (Atelier La copirate rit).

Du 26 au 28 novembre, l’association genevoise Viol-Secours fête ses 30 ans. Fondée en 1985 dans un élan féministe, elle avait été créée pour répondre au manque de lieux de soutien pour les femmes victimes de viols et est devenue pionnière en matière de lutte contre les violences sexuelles, en dénonçant des réalités taboues comme le harcèlement sexuel au travail ou le viol conjugal. «Aujourd’hui encore, nous gardons cet héritage combatif. Au niveau institutionnel, il y a une tendance générale à perdre un discours de type politique, en termes de rapport de genre, sur les violences. Nous collaborons avec d’autres associations et collectifs pour le maintenir. Nous travaillons également beaucoup par le moyen de la solidarité, la création de liens et l’échange de stratégies», explique Lorraine Astier Cholodenko, l’une des travailleuses.

Aujourd’hui, l’association, qui suit une centaine de femmes par an via ses permanences, estime qu’il y a encore du pain sur la planche, voire de plus en plus. Lorraine Astier Cholodenko rappelle ainsi que les chiffres sur les violences faites aux femmes se basent souvent sur le nombre de dénonciations déposées auprès de la police, ce qui tend à minimiser le phénomène, de nombreuses femmes n’osant pas faire la démarche de porter plainte. «La honte et la culpabilité demeurent la norme», constate-t-elle.

«Il faut maintenir le terme d’agresseur»
Elle dénonce en outre une tendance de plus en plus forte, sous couvert d’égalité hommes-femmes, à mettre un pied d’égalité les violences faites aux femmes et celles vécues par les hommes, tout en présentant le problème en termes de rapports interindividuels où chacun aurait une responsabilité partagée. Pour la permanente, cette évolution tend à masquer que «les violences s’inscrivent au cœur d’un système social traversé par des rapports de pouvoir, où les femmes ont une position sociale de dominées». Elle appelle ainsi à maintenir le terme d’«agresseurs» et à rappeler que les victimes de violence continuent à être en large majorité des femmes. «Sans cela, l’identification des violences et la reconstruction pour les femmes qui en sont victimes est rendue de plus en plus difficile», ajoute-t-elle.

Et de déplorer que des institutions ou associations contribuent à véhiculer ce type de confusion, en parlant comme le fait l’association genevoise VIRES, de «sujets auteurs de violence», terme qui occulte le fait qu’une majorité desdits sujets sont des hommes agresseurs, ou en accueillant au même endroit des femmes victimes de violences et des hommes agresseurs, comme le foyer genevois Le Pertuis par exemple. Autant de structures qui, selon la permanente, contribueraient à occulter la réalité des violences faites aux femmes.

Des affiches dans les rues de Genève
C’est à la Maison de quartier de la Jonction, choisie en raison de sa tradition militante, que l’association fête ses 30 ans. Au programme, une pièce de théâtre spécialement créée pour l’occasion, des ateliers sur la question du consentement, et une exposition. A noter que Viol-Secours participe également, avec d’autres associations, à la campagne «ça veut dire non!» de la ville de Genève. A partir du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, jusqu’au 9 décembre, des affiches réalisées par des jeunes collégiennes sur le thème du consentement seront visibles dans les rues de la ville.

programme sur www.viol-secours.ch