Marc Vuilleumier – Marianne Huguenin: l’heure du bilan

Vaud • A quelques mois de la fin de leur carrière aux exécutifs de Renens et Lausanne – 20 ans dont 8 comme syndique à Renens pour Marianne Huguenin et 10 ans pour Marc Vuilleumier à Lausanne – rencontre/bilan avec deux grandes figures de la gauche radicale vaudoise.

Avec le départ de Marc Vuilleumier et Marianne Huguenin, le POP vaudois perd deux de ses figures les plus populaires.

Comment se passe une fin de législature?
Marc Vuilleumier Il y a bien sûr un pincement au cœur. C’est un poste très stressant mais qui apporte énormément, on y rencontre beaucoup de personnes très diverses, donc ça veut aussi dire se séparer de tout ce qui fait l’intérêt de ce poste.
Marianne Huguenin C’est vrai que c’est un moment bizarre. Mais il est temps de laisser la place à des forces vives, à de nouvelles personnes. Il y a donc quelque chose de positif. Après, ce n’est pas forcément relax, on aimerait laisser tous nos dossiers en ordre, planter le plus de clous possible pour l’avenir. Et bien sûr on est impliqué dans la campagne, on sait qu’il y a une responsabilité. Il y a l’envie d’aider et d’être présent. Quand on s’engage dans quelque chose on aimerait que cela se poursuive, il y a les valeurs pour lesquelles on s’est engagé et on a envie qu’elles perdurent.

Quel bilan tirez-vous de votre travail à Lausanne et Renens?
M.V. Il a trois choses dont je suis très fier. Tout d’abord, le maintien d’un équipement et d’un environnement populaires pour la piscine de Bellerive, qui avait du reste déjà été construite sous une municipalité de gauche. On y retrouve toutes les valeurs que je défends: du domaine public bien utilisé, très bien situé au bord du lac, et accessible à la population. Au moment de la rénover, on aurait pu en faire une piscine «bling bling», mais j’ai voulu garder l’aspect populaire du lieu, axé sur le sport, la famille et le mouvement. Ensuite, il y a bien sûr le terrain de foot du quartier des Boveresses. Il représente pour moi une vraie réponse de gauche aux problèmes de sécurité et à la mauvaise image dont souffrait ce quartier. Finalement, j’ai pris des mesures pour faire face aux plaintes et problèmes liés au mauvais comportement d’agents de police. J’ai mis en place une démarche éthique et déontologique qui a permis une baisse de la violence et des cas de racisme, et j’ai augmenté les postes d’agents. Tout ceci a amélioré l’image des policiers au sein de la population. Finalement, j’aimerais ajouter que lorsque j’ai repris le bureau lausannois pour l’intégration des immigrés (BLI), il était dans une situation sinistre. Je suis fier de l’avoir remis en état et d’avoir trouvé des subventions pour aider les associations qui soutiennent les étrangers.
M.H. Pour ma part, je garde le sentiment d’avoir pu faire exister Renens en boostant les infrastructures de transport, notamment le tram (qui reliera Renens à Lausanne, ndlr.) et la rénovation de la gare. Ce sont des projets qui n’étaient pas acquis d’avance. Il a fallu promouvoir Renens et l’Ouest lausannois, qui passaient encore pour une banlieue sans intérêt. Je suis aussi fière d’avoir réalisé des consultations en amont du projet de tram, ce qui nous a évité de grosses oppositions. Pour le reste, je parlerai en «nous», car le bilan n’est pas que le mien. Je dirais que nous avons rattrapé l’énorme retard qu’il y avait en termes d’offre pour la petite enfance, créé une politique de la jeunesse et de l’intégration et fortement augmenté l’offre culturelle. Pour prendre un exemple très concret: la taxe poubelle. La Fourmi rouge (section renanaise du POP&Gauche en mouvement, ndlr.) et moi-même nous sommes opposés de façon très déterminée à une taxe forfaitaire. Quant à la proposition d’une taxe au sac, nous avons souhaité qu’elle soit socialement juste, écologique et simple et avons mis en place une subvention pour rendre cette taxe à la population. Pas mal de communes nous envient ce système. A Renens, nous avons effectué un passage en douceur à ce niveau, avec beaucoup d’information aussi.

Comment avez-vous vécu l’expérience de popiste au sein d’un exécutif? Comment se sont passées vos relations avec la base et les représentants de la gauche au parlement?
M.H. C’est parfois assez compliqué. Ce n’est pas comme au législatif où on fait partie d’un groupe. On se retrouve seul au sein de l’exécutif avec des collègues d’autres partis. Être Municipal devient un job à plein-temps, on est responsable d’un département, on doit y faire des alliances. Je défends l’idée qu’il ne faut pas faire compromissions, mais qu’on nous a élus pour faire des compromis, réaliser des choses, et pour cela, il faut des alliances! La responsabilité est très importante. En étant élu vous devenez responsables de tous les habitants d’une ville, même de ceux qui n’ont pas voté pour vous. Pour ma part, je n’ai cependant pas l’impression d’avoir fait des choses contraires à mes valeurs. J’ajouterai finalement qu’il est très important de laisser aux membres popistes du parlement leur force d’opposition. Nous devons accepter de nous faire remettre en question.
M.V. Pour moi, cela a été dur sur certains dossiers, surtout quand je m’occupais de la police. J’ai eu des choix très difficiles en termes de conscience politique. Lors d’un premier mai, jour hautement symbolique pour la gauche, j’ai jugé bon d’envoyer la police interpeller des manifestants, ce fut un des jours les plus difficiles de ma carrière de Municipal. Les manifestations ont été pour moi une source de tensions. D’une manière générale c’est un travail où on est très seul. Le parti ne s’est pas toujours retrouvé dans ce que je faisais et j’aurais pour ma part parfois souhaité être plus soutenu. D’une façon générale, je dirais que le compromis est très important. Soit on adopte un caractère pur et dur, mais dans ce cas on n’accomplit rien, soit on cherche des alliances qui permettent de mettre en place des choses importantes. Finalement, nous avons aussi une responsabilité envers nos collaborateurs. A la police, par exemple, il y a 700 employés qui attendent de vous que vous réalisiez, proposiez et meniez à bien des projets.

Quel regard portez-vous, l’un et l’autre sur le travail de l’autre?
M.H. Marc a été un municipal très populaire dans tous les milieux sportifs. Une de ses grandes réalisations est le stade du quartier des Boveresses. Il a aussi su rester debout malgré les difficultés au niveau de la police. Même si je pense qu’on n’a pas du tout assez mis en avant ce qu’il y a fait. Par exemple, il a organisé des rencontres entre les sans-papiers et la police, ce n’est pas rien! En termes d’intégration, il a aussi beaucoup fait avancer les choses.
M.V. Je dirais pour ma part que Marianne a fait perdre à Renens son image de cité-dortoir un peu mal famée. Elle y a redonné un coup de lustre au niveau du social, des équipements publics et des transports. Faire tout ceci dans une ville de 20’000 habitants en gardant ses valeurs, chapeau!

Vous allez passer d’un agenda rempli à beaucoup de temps libre. Vous avez déjà des projets?
M.H. J’ai envie de garder un moment pour souffler. Dormir, aller au cinéma, à la montagne et voir ce qui viendra après! J’aimerais aussi faire de la politique autrement. Il y a mille façons différentes de s’engager.
M.V. Bien sûr il y a un peu l’angoisse de l’heure vide. Mais comme Marianne, je n’ai pas envie de remplir toutes les cases vides. Cela dit, je sais déjà que je vais m’engager dans ce qui fait partie de mon ADN, à savoir des responsabilités dans des EMS (Etablissements médico-sociaux pour personnes âgées). J’aimerais aussi suivre des cours de philosophie, sans aucune prétention, juste pour mon plaisir. J’espère surtout garder de l’intérêt pour les choses simples, faire les courses et cuisiner, partir en week-end, aller voir des expositions.