Bernie Sanders, le socialiste que personne n’attendait si haut

Etats-Unis • Le sénateur du Vermont, candidat atypique à l’investiture démocrate à la présidentielle, a fait sensation en arrivant presque ex aequo avec Hillary Clinton lors de la primaire de l’Iowa. Par Bruno Odent (l’Humanité).

Sanders marque sa distance avec l’élite du parti démocrate, dont Hillary Clinton est une figure symbole. (DR)

Qui aurait parié un cent sur les chances de Bernie Sanders de remporter la primaire de l’Iowa quand il a décidé, en avril 2015, de participer en indépendant à la course à la présidentielle, côté démocrate? Sans doute pas lui-même qui déclarait, lundi soir, à l’issue du scrutin: «Il y a neuf mois, quand nous sommes venus dans ce bel État, nous n’avions pas de structure politique, pas d’argent, pas de reconnaissance…» Et pourtant, le sénateur du Vermont est la véritable sensation de la consultation qui inaugure la saison des primaires au sein des deux grands partis états-uniens. Il s’en est fallu de quelques voix – voire de tirages au sort dans des assemblées d’électeurs (caucus) où existait une égalité parfaite entre les deux candidats – pour qu’il ne l’emporte sur la grandissime favorite, Hillary Clinton. Il est vrai que le candidat socialiste avait déjà réussi à créer la surprise en rassemblant des foules et en obtenant des sondages de plus en plus favorables.

Sanders, la constance en politique
Le « phénomène Sanders », tel que le décrit désormais la presse états-unienne, exprime une révolte face à un spectaculaire creusement des inégalités qui s’est poursuivi durant la période Obama. En effet, si le chômage officiel a reculé, le taux d’activité – soit la part de la population en âge de travailler ayant un emploi effectif – n’a pas cessé de diminuer. Et les salaires subissent une érosion continue. La précarisation touche ou menace ainsi une part importante des travailleurs et des classes moyennes. Fidèle à ses idées progressistes depuis toujours, le sénateur du Vermont (74 ans) incarne l’honnêteté et la constance en politique. Des valeurs qui ont pu résonner avec l’aspiration des électeurs démocrates à changer enfin la donne politique dans le pays. L’indépendant Sanders marque sa distance avec l’élite «si facilement corruptible» du parti démocrate, dont Hillary Clinton est une figure symbole. Il veut augmenter le salaire minimum, taxer les hauts revenus, rendre les universités accessibles à tous (quand les étudiants doivent s’endetter de plus en plus lourdement pour accéder à l’université).

Parfaitement atypique, le candidat Sanders prétend mettre à contribution Wall Street pour organiser une véritable redistribution des richesses «au profit des 99 %» de la société civile. Pour financer sa campagne, le sénateur du Vermont sait qu’il ne peut compter que sur sa popularité et le désir de promouvoir les idées qu’il développe. Il s’appuie sur les dons, de «petites sommes qui font les grands fleuves», dit-il, versés par ses supporters, pour financer une campagne très coûteuse. Même si lui ne donne pas dans le matraquage débridé des spots télévisés, à l’instar de sa concurrente démocrate ou des candidats républicains dans la course parallèle à la Maison-Blanche. Selon le centre pour l’intégrité publique (CPI), quelque 837 millions de dollars auraient d’ores et déjà été versés aux différents candidats des primaires par le biais d’organismes collecteurs géants baptisés «super PACs». Les records de dépenses électorales des précédents scrutins (environ 1 milliard de dollars) sont assurés d’être pulvérisés.

Rubio, le credo très conservateur
Côté républicain, malgré cette avalanche de «money», les jeux ne paraissent pas faits non plus. Donald Trump, le milliardaire d’extrême droite qui caracolait en tête des sondages, a trébuché en arrivant seulement en seconde position (24% des voix). Il est distancé de quatre points par Ted Cruz, qui a mené toutefois campagne sur les mêmes thèmes que lui, fondant sa différence sur une posture de missionnaire évangéliste très appréciée par les conservateurs locaux. Il n’est pas sûr que ce candidat intégriste religieux constitue le plus grand danger pour Trump. Par contre, Marco Rubio, qui le talonne (23% des voix) et fait mieux que prévu, pourrait constituer une menace beaucoup plus sérieuse. Le sénateur de Floride bénéficie, en effet, du soutien de la direction du parti républicain, en mal de désigner un postulant à la fonction suprême moins extrémiste. Même si Rubio, fils d’immigré cubain, s’est installé dans la course à l’investiture en tenant un credo très conservateur. Il a annoncé ainsi qu’il s’opposerait de toutes ses forces à la ratification par le Congrès du processus de normalisation engagé avec Cuba et, à tout le moins, à la levée de l’embargo commercial.