Compassion et indignation d’un croyant engagé

Hommage • Dans sa fidélité à ce qu’il croyait, le pasteur Jan de Haas, actif à Lausanne puis à Moudon, a été une interpellation constante dans l’Eglise.

Etre avec les autres là où ils sont, résume le ministère de celui que certains membres de la commission de consécration, jadis, ont eu de la peine à accepter: il était de cette génération de «soixante-huitards» qui osaient les remises en question. Et, pensez donc, il venait pieds nus dans des sandales, sans cravate, à ses examens! Je n’oublierai jamais la remarque désobligeante du conseiller d’Etat alors ministre de l’école et des cultes, quand il a vu Jan de Haas arriver à la Cathédrale de Lausanne pour le culte de consécration avec une robe pastorale qui n’avait pas les mètres superflus et le patron conforme à une certaine tradition! Après la cérémonie suivait, toujours selon la tradition (intouchable en bien d’autres points encore parce qu’«on avait toujours fait comme ça»), un repas qu’on qualifiera de fort distingué et sans doute plutôt coûteux à l’Hôtel de la Paix. Jan de Haas demanda la parole. Il posa simplement la question: si Jésus venait, que penserait-il!

Jan de Haas posait les vraies questions et n’attendait pas des autres qu’ils y répondent. Il s’engageait, lui. Au nom d’une foi qu’il ne voulait pas imposer, mais qu’il offrait sans craindre qu’on la refuse. Donner, partager, écouter. D’abord écouter, le soir, sur les escaliers de l’église Saint-Laurent de Lausanne où les paumés de la ville attendaient Godot.
Et puis, il a passé la main, travaillé pour l’Entraide protestante, avant de reprendre une paroisse, celle de Moudon, dont l’église dès lors sera ouverte tout le temps à tous: il se soucie des migrants, crée des contacts, ouvre une épicerie du cœur, bref vit dans une paroisse ce même partage engagé avec les autres quels qu’ils soient. Sans jamais juger, seulement reconnaître en chacun cette part d’humain, ce visage dans lequel se rencontre ce à quoi il croit: l’amour christique. Il savait goûter la vie, la nature, la beauté, la lumière. Il était de ces êtres qu’on est heureux d’avoir connu, qu’on soit croyant ou non, de ceux qui, parce qu’ils existent, laissent briller une espérance.