«On ne fait pas de la politique pour soi»

Vaud • «Je suis une injustice au départ, c’est ce qui m’a donné la force de lutter contre les injustices», affirme Nicolas Morel, candidat au législatif lausannois, à propos du handicap qui le force à se déplacer en chaise roulante. Rencontre

Nicolas Morel sur un stand du POP, à Lausanne, en pleine campagne électorale.

C’est au stand du POP, place de la Palud, à Lausanne que je retrouve Nicolas Morel. Le parti en campagne prépare un risotto participatif, proposant aux citoyens d’apporter les aliments et d’aider à concocter le repas, autant dire qu’il a du monde. Mais cela ne le gêne absolument pas, car hormis le fait qu’il soit dans un fauteuil roulant, la première chose que j’aperçois chez ce militant actif, c’est une certaine facilité à aller vers les autres et à engager le dialogue. A 33 ans, après de nombreuses années de luttes syndicales et politiques dans divers partis de gauche, c’est au POP qu’il a posé ses bagages il y a quelques mois. Il dit y avoir rapidement trouvé sa place, et admet que dans un plus petit parti on s’intègre facilement du fait qu’il est très ouvert et qu’on peut participer à presque toutes les réunions, ce qui permet de faire énormément de rencontres.

Actuellement dans la course au conseil communal de Lausanne où il rêve de siéger pour y défendre les milieux populaires et les plus précarisés, il ne dissimule pas son mécontentement face à la majorité rose-verte lausannoise qui désire cacher les roms, les toxicomanes et la prostitution. «Si le POP n’est pas là qui les défendrait?» s’interroge-t-il. Et de rajouter: «Aujourd’hui, il faut bien comprendre qu’il n’y a plus que le POP qui défend les milieux populaires.»

«La logique voudrait que toute la gauche se préoccupe de ce sujet»

Ce formateur d’apprentis chez Bobst parle très ouvertement de son handicap, parfois avec humour et autodérision. «A mes apprentis, j’essaie d’inculquer la question des rapports de force qui traversent la société et des expériences de vie, car il n’y a pas que le travail sur cette terre.» Sa place, il dit l’avoir trouvée au sein de cette société à travers son activité professionnelle, ses engagements militants, son autonomie dans son appartement, où il vit seul, et l’acceptation des autres relativement à sa différence. «Je suis né comme ça, je suis une injustice au départ, je ne peux pas le changer, c’est ce qui m’a donné la force pour lutter contre les injustices», clame-t-il. Ce n’est pas pour autant qu’il va faire de la cause des handicapés un combat prioritaire, car pour lui «on ne fait pas de la politique pour soi». Si des projets vont dans ce sens, il les soutiendra toutefois et y apportera sa vision, son expérience. Comme il le rappelle, la logique voudrait que toute la gauche se préoccupe plus de cette thématique. Il avoue que pas mal d’efforts ont été faits ces dernières années même si cela prend beaucoup de temps. Et de citer l’exemple des bus lausannois mal équipés ou de l’ascenseur de la Maison du Peuple, qui n’est pas suffisamment grand pour accueillir un fauteuil roulant. «En général je n’ai pas de difficulté dans ma vie quotidienne, si on s’en donne les moyens on trouve toujours des solutions pour contrer les problèmes», conclut-il toutefois.

Admiratif de Luc Recordon et Ueli Leuenberger

Très solidement ancré à gauche, il entre à Unia lorsqu’il commence son apprentissage d’informaticien dans l’industrie des machines. «Pour moi il était logique d’adhérer à un syndicat à ce moment de ma vie, car dans une entreprise, on se rend compte des différentes classes sociales, des inégalités de répartition des richesses et des conditions de travail des gens», se souvient-il. Peut-être aussi par filiation, car son père, mécanicien dans l’industrie des machines, avait déjà milité à la FTMH puis à Unia. Nicolas Morel se rend toutefois compte que dans un syndicat, on ne peut agir que sur le monde du travail. A 18 ans, il rejoint donc la jeunesse socialiste, pour défendre d’autres combats. Au bout de quelques années il quitte le PS pour rejoindre les Verts, à cause, ou grâce à Luc Recordon et Ueli Leuenberger. «J’ai une très grande admiration pour ces deux personnages, qui ont été des figures importantes pour la gauche, car ils représentaient l’aile gauche des Verts et étaient même beaucoup plus à gauche que les socialistes». Il regrette aujourd’hui que cette aile gauche des écologistes, depuis le départ de Ueli Leuenberger à la tête du parti, soit mise de côté au profit d’une politique de «bobos» plus centriste et purement environnementaliste. «Pour moi les écologistes devraient tous être anticapitalistes, c’est pourquoi je m’engage pour l’éco-socialisme», argue-t-il.

Bruce Springsteen et les documentaires sur les migrants

Quant à ses loisirs, ils tournent toujours autour de ses engagements. Comme il aime à le rappeler, «ta manière de vivre reflète toujours ton idéal politique». Il est fan de Bruce Springsteen, de Noir désir et de HK et les Saltimbanks, groupe français très engagé politiquement qu’il a eu l’occasion de voir récemment lors d’une manifestation de soutien aux réfugiés du collectif R à la maison de quartier Sous-gare de Lausanne. Sinon, il se plonge très volontiers dans des documentaires télévisés sur les migrants. Cet actif partisan d’une politique au service des plus précaires passe aussi beaucoup de son temps libre dans des conférences ou débats car tout l’intéresse! Mais son plus grand rêve serait de pouvoir se rendre en septembre en région parisienne, à la fête de l’huma (festival organisé chaque année par le journal l’Humanité.)