Une stratégie globale pour affaiblir les syndicats

commentaire • La criminalisation de l’action syndicale à laquelle nous assistons depuis plusieurs mois n’est qu’une étape de plus dans la stratégie de libéralisation totale de l’économie et du marché du travail, appelée de leurs vœux par les libéraux de tous bords.

Le but de la criminalisation de l’action syndicale à laquelle nous assistons depuis plusieurs mois est de réduire à néant les dernières velléités de régulation et de contrôle. Et cette évolution n’est pas qu’une spécificité française, même si les arrestations (Air France) et les condamnations (Goodyear) ont jeté une lumière crue sur la brutalité que cette stratégie peut revêtir à l’encontre des travailleur-euse-s.

Le pouvoir pour le pouvoir

La France connaît à ce titre une expérience gouvernementale particulière qui redorera, par comparaison rétrospective, le bilan des gouvernements sous Mitterrand ou celui de Jospin. C’est dire. Le trio Hollande-Valls-Macron, non content d’avoir vidé le code du travail de sa substance, d’avoir renfloué le patronat à coup de milliards ou d’avoir flexibilisé le travail sur le dos des salarié-e-s, s’en prend aux militant-e-s syndicaux par la voix de son Premier ministre, matamore d’opérette, et organise leur arrestation ou leur condamnation. Autant de confirmations de la servilité de cette gauche en perdition. Car il s’agit évidemment de signaux adressés au patronat et à la finance. Ces gesticulations n’ayant d’autre but que de garantir le maintien au pouvoir. Pour en faire quoi? Rien ou presque… le pouvoir pour le pouvoir.

La libre circulation, sujet de toutes les crispations

En Suisse aussi, sans en arriver pour l’instant à des extrémités du genre, la pression augmente sur les travailleur-euse-s et leurs représentant-e-s. Cette stratégie de la tension a pour toile de fond la situation politique du pays, tiraillée entre son besoin (celui de son économie pour être précis) de rapports économiques étroits avec L’UE et sa tentation de liquider, dans les négociations en cours, les mesures d’accompagnement arrachées de haute lutte par les syndicats depuis 2004. La libre circulation étant le sujet de toutes les crispations, y compris à gauche et dans le monde syndical.

Le dispositif actuel aurait pourtant besoin d’être renforcé et les moyens mis à disposition des contrôles considérablement augmentés. Le genre de revendication qui donne des boutons aux franges les plus dures du patronat, alliées avec l’extrême droite. Le premier parti du pays ne cache pas ses ambitions à ce niveau: contrôle strict de la migration, libéralisation totale de l’économie, flexibilité maximum sur le marché du travail, fin des contrôles (salaires, conditions de travail) pratiqués par les syndicats ou l’Etat. Voilà ses objectifs. Ce qui aboutirait à une dégradation massive des conditions de travail et à un dumping salarial généralisé.

Les syndicats, un repère de migrants mal intentionnés

Cette vision de la société est accompagnée d’une campagne publique et médiatique sur le rôle néfaste que jouent les syndicats dans les rapports économiques et sociaux en Suisse.

La stratégie traditionnelle de l’UDC consiste, pour convaincre le peuple de la validité de ses propres propositions, à décrédibiliser tous ceux qui y sont opposés. Donc les syndicats sont un repère de migrants mal intentionnés qui ne défendent que des intérêts particuliers et non l’intérêt collectif des travailleurs du pays.

Mener des luttes et les gagner

A ce titre, la votation du 28 février est aussi à classer au rang des pressions exercées sur les travailleur-euse-s et leurs représentants. Si la vague de criminalisation qui touche les militant-e-s syndicaux-ales se poursuit, on peut imaginer aisément le sort réservé aux travailleur-euse-s dont l’action syndicale pourrait se trouver en contradiction avec la loi.

Les militant-e-s syndicaux-ales ont toujours été la cible d’attaques et de pressions sur leur lieu de travail: menaces, avertissements, limitations des possibilités de progression professionnelles et bien entendu licenciements. Ces situations que subissent encore quotidiennement des milliers de femmes et d’hommes sont aujourd’hui intégrées à une stratégie globale visant à affaiblir durablement le mouvement syndical. L’expérience a déjà été menée avec succès, en Angleterre sous Thatcher par exemple.

Face à cette vague, le mouvement syndical n’a d’autres choix que de réaffirmer ses valeurs, notamment que le syndicat est l’organisation de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs, indépendamment de leur nationalité. Nous continuerons donc d’avoir une lecture classiste de l’organisation de la société et des rapports économiques. Partant de là, il faut (re-)cultiver le sentiment d’appartenance des salarié-e-s. Et donc redonner des possibilités d’expansion à la solidarité. Celle-ci naît souvent des luttes menées en commun. Il faut donc également se donner les moyens de mener des luttes et de les gagner.

Pierluigi Fedele