Revenu de base inconditionnel et salaire à vie, deux modèles qui s’opposent

RBI • Quelques précisions à propos de notre article sur le RBI de la semaine dernière.

En première page de Gauchebdo n°16, daté au 15 avril 2016, dans l’article consacré au revenu de base inconditionnel, il est écrit: Ce projet d’allocation universelle, soutenue dans l’Histoire par deux courants aussi divers que des marxistes (comme Bernard Friot en France), des libertariens ou des écologistes radicaux (comme André Gorz), prévoit l’instauration d’une rente mensuelle, estimée selon le comité d’initiative à 2’500 francs, suffisante pour vivre, versée individuellement à chaque personne, de la naissance à la mort, quels que soient ses autres revenus ou sa fortune. L’affirmation que Bernard Friot, l’auteur de Puissance du salariat, soutient cette initiative n’est pas exacte. Le concept développé par cet auteur n’est pas un «revenu» individuel inconditionnel, mais un salaire à vie, un salaire continue versé depuis l’âge de 18 ans jusqu’à la fin de la vie.

La première différence oppose les deux concepts «revenu» et «salaire».

Le concept «revenu de base inconditionnel» part de l’idée que la somme versée à chacune/chacun serait un (re)venu, c’est-à-dire des sommes qui (re)viendraient d’un lieu qu’on évite de nommer pour ne pas fâcher les exploiteurs du travail humain. Il s’agit de sommes gigantesques que les capitalistes contrôlent parce que leur pouvoir sur les choses leur donne le pouvoir sur les êtres humains. Le concept «revenu de base inconditionnel» évite la vraie question, la propriété capitaliste que Bernard Friot appelle propriété lucrative. Le concept «salaire à vie» part d’une réalité incontestable, le salaire n’est pas un (revenu) mais le produit du travail humain. Il rejette donc l’idée que le profit tiré du parasitage des activités humaines au travers de la propriété lucrative soit la forme ultime de la richesse, mais il reconnaît que le travail humain est la source de toutes les formes de richesses, par conséquent que tant le travail humain que son produit doivent entièrement rester sous contrôle des travailleuses/travailleurs. Cela conduit directement à la reconnaissance que le travail hors emploi tant des femmes que des hommes est aussi producteur de richesse. Bernard Friot ne se contente pas de lancer une idée à l’encan, mais il travaille à formuler ce que pourrait être une société libérée de l’emploi capitaliste. La notion de salaire à vie ouvre évidemment sur d’autres manières de créer de la richesse, d’autres rapports à la propriété, notamment le remplacement de la propriété lucrative par la généralisation de la propriété d’usage. Il s’appuie sur de l’existant, du «déjà là», par exemple la généralisation du statut de la fonction publique remplaçant l’emploi capitaliste, etc. La conception de Friot, que nous partageons très largement, s’oppose donc à celle qui fonde l’initiative sur le Revenu de Base inconditionnel. La première porte un projet d’émancipation du travail, de création et de partage égalitaire de la richesse sociale, sur la base d’une revendication simple et subversive dont la réalisation commence ici et maintenant. Elle contribue à l’unification du salariat et, au-delà de celui-ci, de l’ensemble du bloc du travail, de tous-tes celles et ceux qui produisent, sous domination et exploitation, sans même être salarié-e-s. Ce projet d’émancipation, le Revenu de Base inconditionnel ne l’assure pas. En fait, il en assure le déni.

Christian Tirefort, membre de Réseau Salariat et du Mouvement vers la Révolution Citoyenne MvRC

Aristides Pedraza, membre du Réseau Salariat, syndicaliste SUD

Bernard Friot donnera une confférence sur le thème du salaire à vie le 17 mai à 18h30 à l’Uni de Genève.