Hillary Clinton et les machos

La chronique féministe • Après les primaires organisées mardi 19 avril dans l’Etat de New York, que Donald Trump a remportées avec 60,5% des suffrages (contre 25,1% au gouverneur de l’Ohio John Kasich et 14,5% au sénateur ultra-conservateur du Texas Ted Cruz), et Hillary Clinton avec 57,9% des voix contre 42,1% au sénateur du Vermont Bernie Sanders, les jeux semblent faits. On se dirige vers une confrontation entre le Républicain Donald Trump et la Démocrate Hillary Clinton.

C’est une honte pour les Etats-Unis de se retrouver avec un Trump dans la finale pour la présidence. Signe tangible de la déchéance de nos sociétés occidentales? En France, un Hollande, usé par 4 ans d’un pouvoir aussi médiocre que le quinquennat de Sarkozy, serait battu par Marine Le Pen dès le premier tour. Il n’y a guère que l’Espagne, avec Podemos, l’Italie, avec Matteo Renzi et la Grèce, avec Syriza et Alexis Tsipras, qui donnent un peu d’espoir aux petites gens jamais écoutées mais qui prennent de plein fouet la brutalité du néolibéralisme et de la mondialisation. Malheureusement, on a vu comment l’Union européenne a méprisé la volonté populaire d’un pays qui remettait en cause des mesures d’austérité inhumaines.


Pour en revenir aux Etats-Unis qui, dans le meilleur comme dans le pire, ont toujours un coup d’avance sur l’Europe, Donald Trump représente tout ce qu’il y a de mauvais dans l’être humain: l’arrogance, le mépris des faibles, le populisme, l’ignorance masquée par le mensonge, le racisme et, bien entendu, le sexisme. Je ne lui trouve aucune qualité, sinon le fait d’être suffisamment riche pour ne pas être redevable à qui que ce soit.


Depuis la crise de 2008, provoquée depuis les USA par des banques scélérates, puis propagée dans le monde entier par d’autres banques scélérates, le pays, comme le reste du monde (même la Chine), connaît des difficultés. Chaque fois que l’économie vacille, il y a un fou qui se lève et prétend résoudre le problème en fustigeant l’étranger. Hitler accusait les juifs, la Pologne en veut aux réfugiés, les Le Pen aux étrangers en général et aux musulmans en particulier, même s’ils sont Français, l’UDC contre tout ce qui ne correspond pas au monde idéalisé du 19e siècle, selon les peintures d’Albert Anker dont raffole Blocher. Trump, lui, s’en prend aux Mexicains et aux musulmans. Il veut ériger un mur à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, à la place de l’actuel grillage, pour lutter contre l’immigration illégale et contre les trafics, et le faire payer par le Mexique, à grand renfort de menaces économiques. Il ne veut pas non plus des Syriens, propose de remplir à nouveau la prison de Guantanamo et d’y pratiquer la torture. Il préconise l’arrêt total de l’entrée des musulmans aux Etats-Unis, et leur fichage systématique, en surfant sur la vague anti-islam. Alors que les Américains étaient très partagés en 2011 sur la compatibilité de cette religion avec «les valeurs et le mode de vie» américains, une majorité (56%) estime désormais qu’elle ne l’est pas. Les Blancs protestants religieux sont les plus nombreux (73%) et les ouvriers blancs, 67% à penser ainsi. C’est dans ces deux électorats que Trump trouve un écho favorable. A côté de lui, la nauséeuse Sarah Palin, du Tea Party, paraît modérée!


On peut se demander comment un candidat aux propos si primaires, qui assène n’importe quoi sans connaître la complexité du contexte, si méprisant des «losers», suscite un tel engouement, connaît une telle popularité. C’est justement parce qu’il caresse les gens dans le sens du poil, qu’il flatte leurs plus bas instincts, comme le faisait Hitler, comme le font les partis d’extrême droite en Europe. Alors qu’un chef d’Etat digne de ce nom devrait au contraire œuvrer au vivre ensemble, à la défense des plus faibles, à la tolérance.


C’est ce que font, du côté démocrate, Bernie Sanders et Hillary Clinton. Sanders, même s’il échoue, aura eu l’immense mérite de réhabiliter, auprès des Américains, le socialisme, jusqu’alors considéré comme une insulte, voire un vice impardonnable, ainsi que l’ont montré les années sombres du maccarthysme et, récemment, les violentes réactions contre l’assurance maladie mise sur pied par Barack Obama.
Il y a huit ans, j’aurais souhaité qu’Hillary Clinton emporte les primaires démocrates, je la rêvais présidente «du pays le plus puissant du monde». Quand ce fut Obama, je me suis sincèrement réjouie qu’un Noir soit élu, ce qui semblait impensable dix ans auparavant. Et j’ai ravalé ma déception féministe.


Son heure pourrait être arrivée, ce qui me réjouirait, malgré ses attaches avec le système bancaire. Elle a démontré ses compétences dans ses diverses fonctions: sénatrice de l’Etat de New York de 2001 à 2009, secrétaire d’Etat de 2009 à 2013. Elle a toujours défendu la cause des femmes et des minorités. Avant sa vie politique, elle avait été désignée comme une des cent meilleures avocates des USA. Plusieurs milieux pensent qu’elle est plus intelligente que son mari Bill.


Sanders recrute auprès des jeunes, et s’il défend les pauvres, 75% d’entre eux ne votent pas. Hillary recrute auprès des personnes plus âgées, des femmes, des communautés noires et hispaniques. Un commentaire m’a particulièrement intéressée. Il semble que ses principaux adversaires soient les hommes blancs des Etats qui ont pratiqué l’esclavagisme et la ségrégation jusque dans les années 1960. Ils n’ont pas encaissé l’élection d’Obama et ne veulent pas non plus d’une femme. Comme si les Noirs et les femmes « usurpaient» un pouvoir qui leur reviendrait de droit divin.


Cette façon de penser, généralement inconsciente, on la retrouve partout. Les politiciennes détiennent toutes un stock de remarques misogynes qu’elles ont subies au cours de leur carrière. Une politicienne, on la juge d’abord sur sa coiffure et son habillement, ce qui n’est pas le cas pour les hommes. Souvenez-vous de la sortie de Laurent Fabius, également candidat, quand Ségolène Royal s’était proposée pour les primaires de 2006: «Qui gardera les enfants »


En résumé, dans l’inconscient de la majorité des mâles, les femmes devraient «rester à leur place» au lieu de faire de la politique, leur domaine réservé: plaire aux hommes, se taire, s’occuper de la maison et faire des enfants.