Un vent mauvais

il faut le dire • Un vent mauvais souffle sur l’Europe. Un article du Monde paru lundi passé et titré «Royaume-Uni: le Brexit peut-il ne pas se produire?» recensait toutes les initiatives, stratégies et autres manœuvres permettant de ne pas tenir compte du vote du peuple anglais. En toute décontraction, le «quotidien de référence» se livrait à une attaque contre la démocratie qui laisse abasourdi.

L’histoire semble devoir se répéter. En 2005, le peuple français avait mal voté sur le projet de constitution européenne; trois ans plus tard, le texte était tout de même approuvé, en passant cette fois-ci par le parlement.

Bien que possédant une culture démocratique élaborée, la Suisse n’est pas à l’abri de pareilles poussées anti-démocratiques: l’initiative RASA, qui propose d’annuler le vote du 9 février (elle ne contient qu’un seul mot: «abrogés»), en est un exemple particulièrement frappant. Le postulat est toujours le même: le peuple n’a pas compris, le peuple a été trompé, le peuple a cédé aux fameuses «sirènes populistes», il faut donc le faire revoter, autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que le bon résultat sorte des urnes. De fait, les mots de Brecht sont passés du registre de la boutade à celui de la description du réel: le peuple a trahi la confiance des autorités, et devra travailler dur pour la regagner.

Dans l’imaginaire collectif, les forces opposées à la démocratie s’apparentent aux nazis, aux fascistes, aux hooligans ultraviolents, à des figures terrifiantes rappelant les «heures les plus sombres». La réalité est autre: les attaques les plus virulentes, ou les plus sournoises, viennent de la presse unanime, des milieux financiers, des universités, des cabinets d’avocats, des people, des artistes. Les attaques contre la démocratie, qui ne sont jamais qu’une haine millénaire des possédants contre les «classes dangereuses», viennent de milieux hautement respectables et qui jouissent d’un monopole de fait de l’expression dans l’espace public.

Où l’on constate, une fois encore, que la démocratie n’est jamais acquise, qu’elle doit être défendue bec et ongles, dans son principe, et indépendamment des résultats, parfois aberrants, qu’elle peut produire.