Eté 2016 : la burka, le niqab, le burkini

la chronique féministe • Durant l’été 2016, alors que des milliers de migrant-e-s, fuyant une situation désespérée, continuaient d’arriver en Europe par la mer, au risque de leur vie, dans l’indifférence générale, le monde était saisi par la frénésie des Pokémon et la France se focalisait sur l’apparition du burqini, maillot de bain pour femme constitué d’un pantalon et d’une tunique à manches courtes ou longues, parfois d’une capuche1.

Durant l’été 2016, alors que des milliers de migrant-e-s, fuyant une situation désespérée, continuaient d’arriver en Europe par la mer, au risque de leur vie, dans l’indifférence générale, le monde était saisi par la frénésie des Pokémon et la France se focalisait sur l’apparition du burqini, maillot de bain pour femme constitué d’un pantalon et d’une tunique à manches courtes ou longues, parfois d’une capuche1.

Cette tenue intervient en France après l’apparition du foulard (hidjab), qui a suscité une levée de boucliers autour d’écolières en 1989, et du niqab (voile intégral qui laisse apparaître les yeux) depuis une quinzaine d’années.

Je me souviens de ma réaction horrifiée, en 1996, quand les talibans prirent le pouvoir en Afghanistan. Tout ou presque était interdit: la musique, le théâtre, le cinéma, la télévision, les ordinateurs, la possession d’appareils photo, de magnétoscopes. Juchés sur des tanks, ils tiraient les bandes hors des cassettes audio. Les femmes durent porter la burka, un vêtement bleu ou marron qui recouvre tout le corps et dissimule les yeux derrière une grille de tissu. Elles n’avaient pas le droit à l’éducation ni celui de travailler. On voyait de temps en temps à la télévision ces fantômes qui rasaient les murs et je me demandais comment, à la fin du 20e siècle, on pouvait traiter les femmes de cette façon. Leur situation ne semblait pourtant pas troubler la conscience des Etats occidentaux. La «communauté internationale» les abandonnait à leur triste sort. Il n’en fut pas de même, en mars 2001, quand ces «fous de dieu» s’en prirent aux statues des grands bouddhas de Bamyan à coups d’explosifs. Leur règne prit fin et je me suis dit que les statues semblaient plus importantes que les femmes vivantes…

La burka est la version «moderne» du tchadri, vêtement traditionnel que portaient certaines femmes afghanes, notamment pachtounes, en ville comme à la campagne, depuis plus d’un millénaire; on le trouve aussi au Pakistan et en Inde. Le tchadri se distingue du voile intégral en ceci qu’il laisse voir les mains et les pieds. La situation des femmes a donc reculé de mille ans sous les talibans…

Enfermer les femmes dans une prison de tissu paraît aberrant à une sensibilité occidentale, insupportable quand cette pratique d’un autre âge est importée dans les pays européens. On ne me fera pas croire qu’une femme puisse «librement» décider de porter la burka ou le niqab. Ce voile intégral isole, étouffe, rend compliqué le moindre geste de la vie quotidienne. En outre, il affiche une idéologie sous-jacente: l’oppression des femmes par les hommes. Etrange attelage constitué par une femme enveloppée et son mari, certes barbu, mais en tenue décontractée. Lui marche sans contrainte, le visage découvert, et ne se gêne pas pour mater les formes visibles des femmes européennes. Le macho musulman a sa femme pour lui tout seul et la vue sur toutes les autres…

Dès le début, le foulard, la burka, le niqab et maintenant le burkini me hérissent le poil. Je ne supporte pas l’affirmation ostentatoire d’une religion qui considère les femmes comme des êtres inférieurs qu’il faut cacher et contrôler. Ni la doctrine qui la sous-tend: les femmes seraient sources de corruption pour les hommes, leurs cheveux, leur corps, leur peau, voire leurs yeux seraient des tentations permanentes pour les hommes, tels des bêtes en rut incapables de se retenir. Ces tenues dévoilent un désir de contrôle patriarcal de la sexualité féminine: il faut s’assurer, de manière visible et publique, de la pudeur de la femme, de sa virginité avant le mariage et de sa fidélité pendant le mariage. On prône l’inexpérience sexuelle, on nie le plaisir féminin et on impose la soumission de la femme à l’homme.

Après tant de luttes féministes, ces signes d’oppression font frémir. Je ne peux donc pas y adhérer. Des pays ont légiféré et interdit le port de la burqa et du niqab: la France et la Belgique en 2011, le Tchad, le Cameroun, le Tadjikistan, le Sénégal en 2015, le canton du Tessin le 1er juillet 2016. En France, où l’on recense 2000 cas, la loi semble difficilement applicable. Cette interdiction a en outre un effet pervers: elle suscite la résistance et la provocation. Des femmes portent le niqab, parfois contre l’avis de leur mari, pour se sentir importantes, puisqu’on parle d’elles. Comme le relève Elisabeth Badinter (cf. la Tribune de Genève des 3-4.9.16), c’est le comble de l’impolitesse et de l’indifférence d’aller se baigner à Nice en burkini après l’effroyable attentat de juillet. D’autres personnalités relèvent que sans burkini, ces femmes n’auraient pas accès à la mer et sans niqab, elles ne pourraient pas se promener à l’extérieur, mais seraient enfermées chez elles.

En Suisse, le Parlement devrait refuser l’interdiction nationale de se couvrir le visage. Mais le 15 mars 2016, l’initiative populaire fédérale «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage» a été lancée. Le peuple suisse votera donc probablement sur ce sujet. Nous assisterons au même tsunami que lors de la votation sur l’interdiction des minarets, qui ne concernait que trois projets, mais qui a profondément divisé la classe politique et le peuple. En outre, une fois de plus, les musulmans sans problèmes qui tentent de s’intégrer seront chargés de tous les maux de la création. Il y a cependant un domaine où l’on doit interdire tout signe religieux ostentatoire, c’est le fonctionnariat. Au nom de la laïcité, fondement des démocraties occidentales.

Il faudrait porter le combat sur un autre terrain: la lutte contre le salafisme, le financement des mosquées, la formation des imams, l’éducation des mâles musulmans. Comme de ceux de toutes les religions et de tous les pays…