Une brigade suisse d’hommage, de mémoire et de solidarité s’est rendue cet été au Nicaragua

Nicaragua • Plus de 50 militant-e-s ont visité le Nicaragua cet été, de Somotillo à La Dalia, passant par Matagalpa et parcourant San Marcos et La Trinidad ou encore Managua. La brigade commémorative «30 ans, hommage et solidarité», a participé à trois commémorations particulièrement émouvantes.

A Somotillo, un hommage vibrant a été rendu à Maurice Demierre devant la tombe où est enterré le coopérant suisse de l’organisation Frères Sans Frontières (aujourd’hui E-CHANGER), originaire de Bulle. La cérémonie était animée par ses anciens collaborateurs et le maire de la petite ville.

Maurice Demierre est décédé le dimanche 16 février 1986 suite à une embuscade aux environs de Somotillo, tout près de la frontière hondurienne. Lors de cette attaque d’un groupe contre-révolutionnaire venu d’une base située de l’autre côté de la frontière, il est mort sur le coup. Avec lui ont également succombé cinq paysannes qui rentraient dans leurs villages, après avoir visité leurs proches mobilisés dans l’armée populaire sandiniste (EPS). Selon l’aveu d’un participant à cette embuscade ultérieurement capturé par l’EPS, Maurice n’était pas visé spécifiquement. Cette nuit-là, le camion aurait dû être conduit par le coordinateur régional des communautés chrétiennes de base, auquel les «contras» ne pardonnaient pas son engagement en faveur de la révolution populaire sandiniste. Le voyant fatigué, Maurice avait pris le volant à sa place…

Les brigadistes suisses – avec leurs collègues italiens et français – ont également assisté à deux autres commémorations, dans le Département de Matagalpa. Il y a exactement 30 ans y étaient assassinés, lors d’une embuscade tendue par les contre-révolutionnaires, les internationalistes Yvan Leyvraz (Suisse), Joël Fieux (France) et Berndt Koberstein (Allemagne), ainsi que deux techniciens et militants sandinistes qui se trouvaient dans le même convoi. Ces internationalistes, rappelle Blandón, qui fut le chauffeur de Yvan Leyvraz, débordaient de courage. «A ce moment, dans cette zone forestière de Matagalpa circulaient pas moins de 7000 contre-révolutionnaires, équipés des meilleures armes alors existantes, grâce à l’appui des Nord-Américains». Tous savaient qu’ils couraient d’énormes risques, lors de chaque mouvement, de chaque voyage… mais ils n’ont jamais interrompu leur travail.

La douleur n’affaiblit pas les convictions

«L’objectif de la Brigade est de commémorer tous nos camarades internationalistes tombés au Nicaragua. Tant à Somotillo que, des mois plus tard, à La Zompopera», dans la région forestière située au nord du Département de Matagalpa, a souligné Gérald Fioretta. Ce militant genevois, l’un des principaux promoteurs de la Brigade, a vécu avec sa famille, durant une grande partie des années 1980, dans cette région du Nicaragua. «Cela, sans oublier notre hommage ému aux milliers de victimes nicaraguayennes. Car le prix le plus élevé de cette inégale et injustifiée guerre d’agression fut payé par le peuple de ce pays», a-t-il encore déclaré.

La douleur des années 1980 n’est pas parvenue à affaiblir la conviction des plus de 200 paysans qui ont participé aux commémorations ce 28 juillet à La Dalia. Ni celle des centaines de personnes qui, avec les brigadistes suisses, se sont rendus au cimetière de Matagalpa, le même jour, pour le second hommage de la journée, organisé par la mairie de Matagalpa, l’organisation partenaire ODESAR et la brigade helvétique.

En 2006, il n’y avait encore que cinq médecins généralistes et moins de 100 enseignants dans le district de la Dalia. Il y a maintenant un hôpital avec une salle d’opération ainsi qu’un laboratoire, un service de radiologie et plus de 30 médecins (dont plusieurs spécialistes), qui la plupart consultent dans les villages au moins quelques jours par semaine. La région compte également 850 enseignants, une école secondaire menant à la maturité, mais aussi une Haute Ecole Technique. A voir tout cela, on peut croire que la mystique qui nous animait il y a 30 ans est encore vive et l’on a envie de crier le slogan si populaire alors: «Maurice, Yvan, Joël sont des morts qui ne meurent jamais!»