Cachez cette épaule que je ne saurais voir, ou les voies impénétrables du machisme politique

La chronique féministe • Voici que le président du Conseil des Etats, Raphaël Comte (PLR/NE) fustige Liliane Maury-Pasquier parce qu’elle porterait une tenue «indécente» laissant voir ses «épaules nues». En fait, il s’agit d’une sage robe blanche, sans manches, qui ne laisse apparaître que le début des épaules. En revanche, si j’ai bien compris, un décolleté vertigineux n’aurait pas été considéré comme «indécent». Les voies du machisme en politique sont impénétrables!...

Voici que le président du Conseil des Etats, Raphaël Comte (PLR/NE) fustige Liliane Maury-Pasquier parce qu’elle porterait une tenue «indécente» laissant voir ses «épaules nues». En fait, il s’agit d’une sage robe blanche, sans manches, qui ne laisse apparaître que le début des épaules. En revanche, si j’ai bien compris, un décolleté vertigineux n’aurait pas été considéré comme «indécent». Les voies du machisme en politique sont impénétrables!

Récemment, j’ai vu un documentaire sur la campagne présidentielle 2007 de Ségolène Royal. J’avais déjà lu, entendu, vu des moments de son ascension, mais jamais encore la campagne de la candidate dans sa totalité. J’en suis sortie encore plus consternée qu’avant.

Au début, on pourrait écrire «Il était une fois», tant son histoire ressemble à un conte de fées. Ségolène Royal rencontre François Hollande en 1978, quand elle intègre à l’ENA la fameuse promotion Voltaire, et adhère au Parti socialiste. Elle est en admiration devant son compagnon. Il est assis, discute, marche, serre des mains, monte à la tribune et Ségolène le suit, dans l’ombre du soleil vivant. Elle a pour lui les yeux de Chimène, François est son héros. Cela dure des années, ils s’aiment et font quatre enfants. Hollande devient premier secrétaire du Parti socialiste de 1997 à 2008, pendant la 3ème cohabitation et dans l’opposition. Il est député de la 1e circonscription de la Corrèze de 1988 à 1993, puis de 1997 à 2012. Mais il n’a jamais été ministre.

Ségolène Royal est conseillère du président François Mitterrand dans les années 1980.En mai 1988, elle demande à Mitterrand, le jour de son investiture pour son second septennat, une circonscription où elle pourrait se présenter lors des élections législatives du mois suivant. Elle obtient les Deux-Sèvres, réputée ingagnable pour la gauche. Mais elle est élue au second tour. Le 2 avril 2004, elle devient présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, fief du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Elle est ministre des gouvernements Pierre Bérégovoy, Lionel Jospin, et préside le Conseil régional de Poitou-Charentes dès 2004 (jusqu’en 2014).

Peu à peu, cette femme charismatique prend de l’assurance. Elle n’est plus dans l’ombre de François, mais capte la lumière des médias, et commence à faire de l’ombre aux «éléphants» du PS. Puis arrive la primaire en vue de l’élection présidentielle. Début 2006, ils sont 7 candidats: Bernard Kouchner, Laurent Fabius, François Hollande, Lionel Jospin, Jack Lang, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal. Le 16 novembre, jour du vote, il n’en reste que 3: Fabius, Strauss-Kahn, Royal, qui l’emporte avec 60,65% des voix, contre 20,7% à Strauss-Kahn et 18,7% à Fabius. Les deux mâles dominants sont humiliés par ce résultat. Et au lieu de soutenir leur camarade, afin de faire gagner la gauche contre Sarkozy, ils vont tout mettre en œuvre pour la faire échouer, préférant, les imbéciles, faire perdre la gauche plutôt qu’adouber une femme!

Le documentaire explique que les caciques de la politique se préparent pendant des années, voire des décennies pour parvenir au sommet. Il leur était donc insupportable qu’une candidate déboule de nulle part et gagne la primaire, marchepied pour la présidence.

Ségolène commence donc sa campagne. Sur les images, elle rayonne. Elle ne porte pas de masque figé mais sourit avec joie. Elle tient un discours inédit, parle de solidarité, de fraternité, de désirs, de participation, d’énergie. Elle crée un blog «desirdavenir.com», et propose aux blogueurs de créer le leur. Ainsi, elle tisse une toile à travers toute la France, un «Segoland».

Pendant qu’elle brille, les éléphants font la tête. Alors, ils vont lui faire barrage. Quand elle parle en public, ils sont bien au premier rang, mais ils ne la regardent pas, discutent entre eux, plaisantent. Avant le repas qui suit, Fabius, DSK chuchotent aux socialistes présents de ne pas s’asseoir à côté d’elle, pour la marginaliser. Ils balancent des petites phrases assassines (Fabius: «Mais qui va garder les enfants?»). Ils ne la soutiennent pas, au contraire, ils la sabotent, systématiquement. François Hollande refuse d’être son directeur de campagne. Pire, il se met en retrait et, blessé dans sa virilité, puisque sa compagne a passé devant lui, il séduit une autre femme, la vipérine Valérie Trierweiler.

La trahison est totale. Ségolène se retrouve seule, abandonnée par ceux qui auraient dû être ses alliés. Malgré tout, elle avance, elle rassemble, elle convainc. Le débat contre Nicolas Sarkozy ne tourne pas à son avantage, il faut dire qu’elle a affaire à un taureau particulièrement agressif. Et le dimanche 6 mai 2007, elle est battue, ne recueillant que 47% des voix. Mais elle apparaît souriante, monte sur le balcon de la rue Solférino, discute avec ses supporters pendant une demi-heure, parle de voler vers «d’autres victoires», leur tend le micro… On pourrait croire que c’est elle qui a gagné. Elle dira plus tard en public que si ses «camarades» socialistes l’avaient soutenue, elle aurait gagné.

Ce qui m’a frappée, dans ce documentaire, c’est le manque de fair-play, la fourberie, la bassesse des Fabius, Strauss-Kahn, Kouchner, Lang et autres éléphants à la peau épaisse. Ils me dégoûtaient. Préférer faire gagner la droite plutôt que de soutenir Ségolène, par orgueil, jalousie, désir de revanche, m’a paru le comble de l’ignominie. Ces hommes craignaient pour leur virilité. Comme s’il s’agissait encore et toujours de montrer qui a la plus grosse, ce qui écarte les femmes de ce jeu puéril.

J’ai repensé aux réactions des mêmes, quatre ans plus tard, lors de l’affaire DSK, accusé d’agression sexuelle contre la femme de ménage Nafissatou Diallo, dans l’hôtel Sofitel de New York. Ces hypocrites «stupéfaits» clamaient en chœur: «Il est incapable d’une chose pareille», alors que tout le monde connaissait sa sexualité débridée et ses excès violents. Les mâles politiques se serrent les coudes quand l’un d’eux est attaqué, sans égard pour la victime. «Il n’y a pas mort d’homme» selon Jack Lang, il ne s’agit que d’un «troussage de domestique» selon Jean-François Kahn, journaliste.

A vomir, dans les deux cas.