Don Quichotte reprend les armes dans La Mancha

Espagne • Pour protéger sa nature préservée et son agriculture locale, toute la région de Ciudad Real se bat contre un mega-projet d’extraction de terres rares.

Ce n’est pas contre des moulins à vent que se bat aujourd’hui le fier et chevaleresque Don quichotte de la Manche, mais contre une entreprise minière, Quantum Minería SL, qui envisage d’exploiter un projet minier à ciel ouvert sur 27’000 hectares de terres agricoles dans la province de Ciudad Real, au centre de l’Espagne. L’objectif de l’entreprise madrilène est d’extraire des terres rares, soit une série de métaux utilisés dans la fabrication de produits de haute technologie. Parmi celles-ci, la monazite, dont on extrait du thorium, un élément radioactif, dont l’ingestion provoque des cancers du pancréas, du poumon et du sang. L’extraction et le raffinage des terres rares occasionnent aussi des rejets d’éléments toxiques dans l’environnement lors de ces opérations: des métaux lourds, de l’acide sulfurique, et même de l’uranium.

Craintes pour la faune

«Dans cette région, l’eau est un bien précieux et rare, mais Quantum Minería SL prévoit d’utiliser près de 500 millions de litres par an qu’il faudra multiplier par dix pour l’ensemble des 10 projets d’extraction», dénonce la plate-forme «Oui à une terre vivante», qui s’oppose, depuis trois ans, au projet. L’association craint aussi la dispersion de la radioactivité en cas de vent, ce qui pourrait affecter la santé des habitants de la région. Sur son site Facebook, l’association rappelle qu’à Baotou en Chine, premier producteur mondial de terres rares, les habitants près de la mine ont dû être évacués, ou qu’à Montain Pass aux USA, une fuite d’eau radioactive a été décelée. Elle explique aussi que les alentours des villages Valdepeñas, Manzanares, Torrenueva ou Torre de Juan Abad sont riches en faune protégée, comptant notamment sur la présence d’animaux comme le vautour noir, l’aigle impérial ou le lynx ibérique. Pour finir, la plateforme estime aussi que le projet peut mettre en danger le modèle socio-économique de la région, basé sur l’agriculture et une industrie de transformation qui produit du vin et de l’huile d’olive de qualité avec sa propre dénomination d’origine.

3000 manifestants

En 2013, huit premiers permis d’extraction ont été octroyées à Quantum par la présidente de la Junte des communautés de Castille-La Manche, María Dolores de Cospedal, du Parti populaire. En 2015, le nouveau gouvernement socialiste régional d’Emiliano García-Page n’est pas revenu sur la décision et a même octroyé deux permis supplémentaires. Face à cet entêtement des autorités, la plate-forme a organisé fin mai une manifestation à Torrenueva, qui a réuni près de 3’000 personnes et 300 tracteurs. «On n’avait jamais vu une marche aussi massive dans cette zone», a souligné Vicente Luchena de l’organisation Ecologistes en action de Ciudad Real. Une pétition en ligne a aussi été lancée pour en finir avec un projet «sans équivalent en Europe et qui transformera Campo de Montiel en laboratoire expérimental».

Du fait de l’opacité administrative des autorisations d’exploitation, l’association a aussi déposé plainte auprès du Défenseur du peuple (ombudsman), qui lui a donné raison et ouvert une enquête. Dernier événement en date, la réunion qui a réuni l’association et Podemos le 28 septembre dernier à Ciudad Real. A cette occasion, le parti de la gauche alternative s’est engagé à porter le débat au parlement espagnol