La vulgarité de Trump ou la revanche des machos

la chronique féministe • En revenant de voyage en Bosnie-Herzégovine, j’apprends les dernières infamies de Donald Trump, candidat des Républicains à la campagne présidentielle étasunienne.

Non seulement il ment comme il respire, non seulement il propose un «programme» dont l’application serait catastrophique pour les Etats-Unis et le monde, non seulement il méprise les minorités, mais il se conduit comme un goujat envers les femmes. Nous avions déjà eu droit à un scénario de ce genre avec un ex-candidat à la présidentielle française: Dominique Strauss-Kahn. Mais avec Trump, on a gravi un échelon de plus dans la vulgarité misogyne.

Il y a d’abord eu ses propos invraisemblables concernant une journaliste qui l’avait contrarié. «On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son… où que ce soit», avant de la traiter de folle une demi-douzaine de fois en 48 heures. Puis un enregistrement de propos sexistes et méprisants sur les femmes à qui l’on peut faire ce qu’on veut quand on est une star (la star, c’est lui, donc), comme la saisir par la chatte. Enfin, les plaintes de plusieurs femmes qu’il aurait harcelées ou agressées sexuellement, des faits susceptibles de tomber sous le coup de la loi.

Le New York Times, ainsi que d’autres médias, se sont intéressés à ces femmes. Quelques témoignages:Dans un avion: «Il était comme une pieuvre, ses mains étaient partout». Lors de concours de beauté dans le domaine de Trump «Il me pousse contre un mur et met ses mains partout sur moi.» «C’est à ce moment-là qu’il s’est retourné vers moi, m’a donné une accolade et m’a embrassée sur la bouche.» «C’était plutôt un pelotage appuyé. Plus qu’un simple attouchement. C’était très près du centre de mes fesses. J’étais abasourdie.» A la sortie d’un ascenseur de la Trump Tower, à New York en 2005. «Après avoir simplement fait connaissance et échangé une poignée de main, il m’a embrassée directement sur la bouche.» «Trump a fermé la porte derrière nous. Je me suis retournée, et en l’espace de quelques secondes, il était en train de me plaquer contre le mur et d’enfoncer sa langue dans ma gorge.» «Il ne veut probablement pas que je raconte l’histoire de cette époque quand il me pelotait continuellement les fesses et m’invitait dans sa chambre d’hôtel.» Ces faits ont eu lieu entre 1993 et 2013. A l’évidence, il s’agit d’un comportement habituel du personnage et naturellement, comme ils le font tous, il nie et prétend qu’il s’agit d’un coup des Clinton et des médias.

La diffusion de l’enregistrement de 2005 a provoqué une tempête. Des personnalités de son parti expriment leur désapprobation et retirent leur soutien. En face, la candidate démocrate Hillary Clinton martèle désormais le message que barrer la route à Donald Trump est un devoir moral. «Les femmes ont le pouvoir de stopper Trump», affirme-t-elle. Il a également reçu jeudi une volée de bois vert de Michelle Obama: «Il ne s’agissait pas de discussions de vestiaire. Il s’agissait d’un homme puissant s’exprimant librement et ouvertement sur un comportement de prédateur sexuel. […] Quel que soit le parti auquel on appartient, démocrate, républicain ou indépendant, aucune femme ne mérite d’être traitée de cette façon.» L’acteur Robert de Niro est monté sur le ring: «Il est d’une stupidité tellement flagrante. C’est un voyou, un chien, un porc, un escroc, un menteur professionnel.»

Mais Trump continue à se rendre dans les villes et les quartiers défavorisés en promettant le paradis. Comment les USA en sont-ils arrivés là? Un sociologue fait une comparaison avec les réseaux sociaux: on ne croit plus aux versions officielles, on affirme n’importe quoi sans preuve, et tout devient bon à prendre. En outre, le comportement machiste et méprisant de Trump envers les femmes reflète celui de quantité d’hommes qui le trouvent «normal». Il y a même des femmes qui le pensent et le disent.

Ces faits semblent avoir servi de révélateur: de nombreuses femmes se mettent à parler, racontent le sexisme au quotidien, les moqueries, les gestes déplacés. Les femmes qui ont dénoncé Trump aux Etats-Unis, mais aussi en France, des politiciennes se sont regroupées pour dire que ces pratiques sont d’un autre âge. En Suisse s’est créé «Schweizer Aufschrei» (cri, protestation): des femmes s’expriment sur Twitter, racontent ce qu’elles vivent au quotidien et disent «ça suffit, ces pratiques ne sont pas normales, il faut les dénoncer.»

Dans le Tribune de Genève du 17 octobre, quatre politiciennes témoignent du sexisme ordinaire, des gestes déplacés, au National comme aux Etats. Quelques perles: «A quand des photos de toi nue?» demande-t-on à Mattea Mayer (PS/ZH). Une journaliste propose à Yvonne Feri (PS/AG) de coucher avec lui. «Des avances, j’en ai reçu de conseillers nationaux mais aussi de sénateurs», dit Claudine Esselva (PLR/BE). A quoi il faut ajouter les commentaires sur l’habillement, la garde des enfants. Les femmes politiques doivent constamment se justifier. Elles se font reluquer dans la salle des pas perdus. Ou bien on les intimide en les traitant d’incapables, ou bien encore, on les traite avec condescendance. «On finit par faire le dos rond», explique Liliane Mary Pasquier. «Au parlement, c’est une ambiance de caserne», selon Isabelle Moret, qui relève la violence des réseaux sociaux à l’égard des femmes et s’étonne que ceux qui gèrent les sites laissent faire. Elles parlent aussi de la responsabilité des médias, qui font encore des remarques sur leur physique, minimisent leurs propos et surtout, ne donnent pas suffisamment la parole aux femmes, qui représentent 30% d’élu-e-s. Ce pourcentage n’est jamais respecté dans les médias. La méfiance envers les femmes, surtout quand elles font de la politique, domaine longtemps réservé aux hommes, la misogynie pour ne pas dire la haine sont universelles.

Pour conclure, donnons la parole à Nicole Bacharan, dans Libération: «Il faut croire que Trump s’appuie sur un ressentiment d’une partie de la population qui avait envie d’entendre ça, de le dire. C’est extrêmement inquiétant. Son succès tient en partie à une fascination pour le mâle dominant. Il y a quelque chose de très sexuel dans le phénomène Trump.»