Mobilisation pour une CCT en béton

Suisse romande • Le 18 novembre, les plâtriers, électriciens, couvreurs, étancheurs ou menuisiers descendront dans rues des villes de Suisse romande pour réclamer une nouvelle CCT dans le second œuvre, qui les protège contre une flexibilisation accrue.

La hache de guerre est déterrée entre syndicats et patronat dans le second œuvre. Depuis le début de l’année se déroule en effet une véritable partie de poker menteur entre partenaires sociaux à propos du renouvellement de la CCT du secteur, qui arrivait à échéance à la fin d’année.

Dans le jeu du patronat, une flexibilisation accrue du travail, soit l’augmentation de la flexibilité horaire, l’instauration de la semaine de six jours et la limitation au maximum des augmentations de salaires. Dans celui des syndicats, les revendications ont trait à une augmentation des salaires et des indemnités de repas (de 17 à 20 francs), une meilleure reconnaissance des diplômes étrangers et surtout un renforcement des protections contre la sous-enchère salariale.

«Le renforcement des contrôles est indispensable. Ils sont totalement insuffisants dans un contexte de libre circulation néolibérale et de marchandisation de la main-d’œuvre. Il faudrait notamment augmenter le contrôle des entreprises et instaurer un régime de sanctions réellement dissuasif», explique Lionel Roche, responsable du secteur artisanat d’Unia Vaud, qui a participé en septembre dernier à la lutte victorieuse chez Alpen Peak. La mobilisation contre cette entreprise neuchâteloise qui utilisait des travailleurs polonais à bas coûts a ainsi permis de récupérer 62’000 francs de salaires impayés grâce à une grève de 15 jours.

Choc entre partenaires sociaux
Après un round de négociation sur la CCT en février, puis un autre en juin, le choc entre partenaires sociaux s’est produit à la sortie de l’été. «Fin septembre, les patrons ont exigé, pour continuer de négocier, que nous renoncions à nos revendications en matière d’augmentations de salaire. A défaut, ils menaçaient de dénoncer la CCT. La délégation syndicale leur a alors expliqué qu’elle était prête à accepter de prolonger la CCT d’une année pour permettre aux négociations de se poursuivre sereinement, mais qu’elle n’avait évidemment pas de mandat pour renoncer aux revendications fixées par les travailleurs. Les patrons ont alors décidé de mettre leurs menaces à exécution et ont dénoncé unilatéralement la CCT. Un diktat patronal est donc à l’origine de la situation actuelle», explique Lionel Roche.

Cette décision unilatérale a mis le feu aux poudres et a été vivement dénoncée par les syndicats Unia et Syna. «Au 1er janvier 2017, les conditions de travail ne seront plus garanties pour 25’000 salarié-e-s. Cet acte irresponsable attisera le dumping salarial. Avec cette résiliation, ce sont entre autres les salaires minimaux, le treizième salaire, la cinquième semaine de vacances et les protections accrues contre le licenciement des travailleurs de plus de 50 ans qui ne seront plus garantis. Cette situation ouvre grand la porte au dumping salarial et à la loi de la jungle», ont ainsi critiqué conjointement les syndicats le 17 octobre dernier.

Risque de discours populistes, racistes et xénophobes
Ce vide conventionnel va attiser la concurrence effrénée entre employeurs, avec des risques de sous-enchère salariale qui péjoreront en premier lieu les travailleurs. «Dès janvier 2017, les nouveaux engagements pourront se faire avec des conditions de travail au rabais, ce qui provoquera très rapidement une pression intenable sur l’ensemble des entreprises. Celles-ci devront démanteler les conditions de travail pour rester dans la course. Ce sont avant tout les salariés de la branche, déjà soumis à des conditions de travail rudes, qui en feront les frais», estiment ainsi Unia et Syna.

Face à ce risque, la nécessité d’une CCT protectrice est primordiale. «Les patrons – comme les ouvriers – ont besoin d’une CCT étendue qui s’applique à toutes les entreprises et à tous les travailleurs, y compris à celles et ceux qui viennent de l’étranger pour travailler à bas coût. Mais le patronat veut une CCT au rabais sur le plan social et salarial. Il pratique un double discours. D’un côté, il affirme vouloir un texte qui le protège contre la concurrence déloyale d’entreprises qui pratiquent le dumping et le travail au noir, et de l’autre, il prétend ne pas avoir les moyens financiers de renforcer les contrôles d’entreprises et les droits des travailleurs. Il veut le beurre et l’argent du beurre. Il refuse de se donner les moyens de ses ambitions. Ce n’est pas crédible et surtout, c’est très dangereux: cela ouvre grand la porte à tous les discours populistes, racistes et xénophobes qui séduisent de plus en plus les travailleurs résidant en Suisse», assène Lionel Roche.

Face à cette situation, les syndicats en appellent à la mobilisation de tous les salariés de la branche pour défendre leur CCT ce vendredi 18 novembre dans les grandes villes de Suisse romande. «Nous espérons que les actions de cette journée permettront de créer un rapport de force suffisant pour ren­­forcer nos positions le moment venu à la table des négociations. Comme les maçons avant eux, les travailleurs du second œuvre doivent se mobiliser pour se faire respecter, défendre leur CCT et faire reculer les patrons», conclut Lionel Roche.