«Le mépris ne peut pas constituer une attitude constructive pour un canton»

Neuchâtel • Dans un contexte de tensions avec le PS, le POP a annoncé récemment qu’il présenterait Nago Humbert, fondateur et ancien président de Médecins du Monde, comme candidat au Conseil d’Etat neuchâtelois. Interview.

Nago Humbert est un homme apprécié dans le canton de Neuchâtel. Le citoyen de Cortaillod, président fondateur de Médecins du Monde, chef de service de l’unité de soins palliatifs pédiatriques au Centre hospitalier Ste-Justine de Montréal et professeur à la faculté de médecine de l’université de Montréal, déjà candidat il y a quatre ans, avait réalisé un bon résultat de 31%. Il convient de le relier aux résultats globaux des autres candidats, notamment socialistes, de la liste de la gauche plurielle. Cette année, le POP refuse de s’apparenter avec les socialistes en raison des divergences profondes qui divisent les deux formations politiques. Nous avons interrogé Nago Humbert dans le contexte de cette nouvelle configuration.

Vous vous remettez en piste après 4 ans. Quelle est votre motivation principale?
Nago Humbert L’envie de participer tout de même au débat démocratique neuchâtelois alors que toute la presse et les grands partis estiment que le gouvernement actuel doit être reconduit. L’annonce faite par les cinq ministres actuels de se représenter en bloc m’a également incité à m’impliquer à nouveau. La politique arrogante conduite par les ministres socialistes durant ces quatre années ne m’est pas supportable.

Je suis convaincu qu’il faut introduire le doute en politique. Il faut aussi faire revivre le débat et rechercher des solutions plus fondamentales pour le bien de toute la population, avec sa contribution. Je ne partage pas la position des élus qui savent ce qui est bon pour les autres, sans jamais les écouter. Le mépris ne peut pas constituer une attitude constructive pour un canton. Dans le Haut du canton, il y a une souffrance réelle et le Conseil d’Etat en est en grande partie responsable. Dans le cas de la votation sur HNE par exemple, je m’interroge sur ce que feront les adeptes de la solution de centralisation si l’initiative pour deux hôpitaux autonomes est approuvée. Accepteront-ils la décision populaire?

La politique, c’est aussi de la pédagogie. Or, le gouvernement actuel ne fait pas preuve de pédagogie dans sa pratique. Au lieu de tenter de comprendre la souffrance d’une partie de la population, il n’offre que des réponses technocratiques dénuées d’empathie, ce qui crée encore plus un sentiment d’injustice. Quel que soit le résultat de la votation, il faudra du temps pour refermer la plaie et j’ai l’impression qu’il n’y aura que des perdants.

Il y a 4 ans, vous étiez en liste avec notamment les trois socialistes qui ont été élus. Aujourd’hui, vous vous retrouvez sans eux….
Certainement que l’ambiance politique n’est plus la même. Les socialistes ont bien géré le canton, mais dans un état d’esprit que je ne partage pas. Le soir de leur élection, j’estimais d’ailleurs, et je l’ai exprimé, que nous avions perdu les élections avec le passage à droite du parlement. Eux ont fêté la victoire! Ce n’est pas ma conception de la pratique politique. J’ai toujours considéré que la politique se faisait au parlement. Je suis conscient que pour les ministres socialistes cela n’a pas été facile, mais j’aurais espéré qu’ils se démarquent plus en dénonçant parfois l’absurdité des décisions de la droite du Grand Conseil, notamment lorsqu’elle s’attaquait aux plus démunis de notre société par des mesures antisociales.

Le POP ne sera pas apparenté au PS. Il lui en coûtera certainement un ou des sièges. La droite se retrouvera renforcée. Dans ce cas, comment justifier votre présence éventuelle au gouvernement?
C’est vrai que cela peu paraître paradoxal. Ma situation ne serait pas plus agréable que celle des camarades socialistes et je ne tiens pas à me soumettre aux diktats de la droite qui iraient à l’encontre de mes valeurs basées, entre autres, sur la,justice sociale. Nous prendrons une décision politique après le premier tour qui sera basée sur les résultats du parlement. Je partage l’idée popiste que le gouvernement devrait être désigné par le Grand conseil afin d’avoir plus de clarté en politique, soit un gouvernement de même couleur politique que le parlement. Malheureusement, le système actuel met l’accent sur les candidats au Conseil d’Etat, sur les personnalités plutôt que sur les programmes ou des réflexions politiques. Nous nous y soumettons toutefois, car c’est à cette occasion qu’il est possible d’exprimer nos positions.

Mais quelle peut-être l’utilité d’un représentant du POP au Conseil d’Etat dans le cas de figure d’une majorité de droite au Grand conseil?
Pour moi, il s’agit d’une question de pratique de gouvernement, une question d’attitude. Je suis convaincu que la position d’un ministre est de rassembler et de trouver les solutions communes pour faire avancer le canton et les causes humaines.

Vous passez une partie de votre année au Québec, pensez-vous néanmoins pouvoir suivre de près les événements politiques cantonaux passés et à venir?
Quotidiennement, je suis les activités de mon canton et j’y vis plus de quatre mois par année. Ce qui s’y passe me concerne au plus haut point et je me sens donc tout à fait compétent pour participer à cette élection en toute connaissance de cause.

Estimez-vous que vos expériences professionnelles vous seront utiles pour assumer des responsabilités gouvernementales?
Dans l’humanitaire, nous recherchons à répondre aux réalités du terrain. Notre approche pour améliorer l’accès aux soins est basée sur le partenariat dans une attitude non colonialiste, en évitant d’arriver avec l’arrogance de ceux qui savent ce qui est bon pour les victimes. Une politique responsable devrait aller dans le même sens. A la faculté de médecine, où j’enseigne, nous avons mis au point depuis quelques années la méthode du patient-partenaire, pour que le malade ne soit pas considéré comme un objet de soins, mais comme un partenaire dans la prise en charge de sa pathologie. On pourrait essayer le citoyen-partenaire dans notre canton.

La gestion des crises fait partie de mon quotidien depuis plus de 25 ans tant sur le terrain humanitaire que dans ma pratique clinique et dans des conditions parfois violentes puisqu’elles sont souvent liées à la souffrance et à la mort.

Quel est l’apport fondamental de votre candidature?

Le pouvoir ne m’intéresse pas, il s’agit de prendre ses responsabilités pour favoriser une collectivité dans le sens de la justice sociale. La droite s’occupe très bien de défendre les privilégiés de notre société, alors que le fossé entre les riches et les pauvres se creuse de façon violente. Cependant, on juge une société à sa façon de s’occuper des plus démunis.

«Le mépris ne peut pas constituer une attitude constructive pour un canton»

Nago Humbert est un homme apprécié dans le canton de Neuchâtel. Le citoyen de Cortaillod, président fondateur de Médecins du Monde, chef de service de l’unité de soins palliatifs pédiatriques au Centre hospitalier Ste-Justine de Montréal et professeur à la faculté de médecine de l’université de Montréal, déjà candidat il y a quatre ans, avait...

Nago Humbert est un homme apprécié dans le canton de Neuchâtel. Le citoyen de Cortaillod, président fondateur de Médecins du Monde, chef de service de l’unité de soins palliatifs pédiatriques au Centre hospitalier Ste-Justine de Montréal et professeur à la faculté de médecine de l’université de Montréal, déjà candidat il y a quatre ans, avait réalisé un bon résultat de 31%. Il convient de le relier aux résultats globaux des autres candidats, notamment socialistes, de la liste de la gauche plurielle. Cette année, le POP refuse de s’apparenter avec les socialistes en raison des divergences profondes qui divisent les deux formations politiques. Nous avons interrogé Nago Humbert dans le contexte de cette nouvelle configuration.
Vous vous remettez en piste après 4 ans. Quelle est votre motivation principale?
Nago Humbert L’envie de participer tout de même au débat démocratique neuchâtelois alors que toute la presse et les grands partis estiment que le gouvernement actuel doit être reconduit. L’annonce faite par les cinq ministres actuels de se représenter en bloc m’a également incité à m’impliquer à nouveau. La politique arrogante conduite par les ministres socialistes durant ces quatre années ne m’est pas supportable. Je suis convaincu qu’il faut introduire le doute en politique. Il faut aussi faire revivre le débat et rechercher des solutions plus fondamentales pour le bien de toute la population, avec sa contribution. Je ne partage pas la position des élus qui savent ce qui est bon pour les autres, sans jamais les écouter. Le mépris ne peut pas constituer une attitude constructive pour un canton. Dans le Haut du canton, il y a une souffrance réelle et le Conseil d’Etat en est en grande partie responsable. Dans le cas de la votation sur HNE par exemple, je m’interroge sur ce que feront les adeptes de la solution de centralisation si l’initiative pour deux hôpitaux autonomes est approuvée. Accepteront-ils la décision populaire? La politique, c’est aussi de la pédagogie. Or, le gouvernement actuel ne fait pas preuve de pédagogie dans sa pratique. Au lieu de tenter de comprendre la souffrance d’une partie de la population, il n’offre que des réponses technocratiques dénuées d’empathie, ce qui crée encore plus un sentiment d’injustice. Quel que soit le résultat de la votation, il faudra du temps pour refermer la plaie et j’ai l’impression qu’il n’y aura que des perdants.
Il y a 4 ans, vous étiez en liste avec notamment les trois socialistes qui ont été élus. Aujourd’hui, vous vous retrouvez sans eux….
Certainement que l’ambiance politique n’est plus la même. Les socialistes ont bien géré le canton, mais dans un état d’esprit que je ne partage pas. Le soir de leur élection, j’estimais d’ailleurs, et je l’ai exprimé, que nous avions perdu les élections avec le passage à droite du parlement. Eux ont fêté la victoire! Ce n’est pas ma conception de la pratique politique. J’ai toujours considéré que la politique se faisait au parlement. Je suis conscient que pour les ministres socialistes cela n’a pas été facile, mais j’aurais espéré qu’ils se démarquent plus en dénonçant parfois l’absurdité des décisions de la droite du Grand Conseil, notamment lorsqu’elle s’attaquait aux plus démunis de notre société par des mesures antisociales.
Le POP ne sera pas apparenté au PS. Il lui en coûtera certainement un ou des sièges. La droite se retrouvera renforcée. Dans ce cas, comment justifier votre présence éventuelle au gouvernement?
C’est vrai que cela peu paraître paradoxal. Ma situation ne serait pas plus agréable que celle des camarades socialistes et je ne tiens pas à me soumettre aux diktats de la droite qui iraient à l’encontre de mes valeurs basées, entre autres, sur la,justice sociale. Nous prendrons une décision politique après le premier tour qui sera basée sur les résultats du parlement. Je partage l’idée popiste que le gouvernement devrait être désigné par le Grand conseil afin d’avoir plus de clarté en politique, soit un gouvernement de même couleur politique que le parlement. Malheureusement, le système actuel met l’accent sur les candidats au Conseil d’Etat, sur les personnalités plutôt que sur les programmes ou des réflexions politiques. Nous nous y soumettons toutefois, car c’est à cette occasion qu’il est possible d’exprimer nos positions.
Mais quelle peut-être l’utilité d’un représentant du POP au Conseil d’Etat dans le cas de figure d’une majorité de droite au Grand conseil ?
Pour moi, il s’agit d’une question de pratique de gouvernement, une question d’attitude. Je suis convaincu que la position d’un ministre est de rassembler et de trouver les solutions communes pour faire avancer le canton et les causes humaines.
Vous passez une partie de votre année au Québec, pensez-vous néanmoins pouvoir suivre de près les événements politiques cantonaux passés et à venir?
Quotidiennement, je suis les activités de mon canton et j’y vis plus de quatre mois par année. Ce qui s’y passe me concerne au plus haut point et je me sens donc tout à fait compétent pour participer à cette élection en toute connaissance de cause.
Estimez-vous que vos expériences professionnelles vous seront utiles pour assumer des responsabilités gouvernementales?
Dans l’humanitaire, nous recherchons à répondre aux réalités du terrain. Notre approche pour améliorer l’accès aux soins est basée sur le partenariat dans une attitude non colonialiste, en évitant d’arriver avec l’arrogance de ceux qui savent ce qui est bon pour les victimes. Une politique responsable devrait aller dans le même sens. A la faculté de médecine, où j’enseigne, nous avons mis au point depuis quelques années la méthode du patient-partenaire, pour que le malade ne soit pas considéré comme un objet de soins, mais comme un partenaire dans la prise en charge de sa pathologie. On pourrait essayer le citoyen-partenaire dans notre canton.
La gestion des crises fait partie de mon quotidien depuis plus de 25 ans tant sur le terrain humanitaire que dans ma pratique clinique et dans des conditions parfois violentes puisqu’elles sont souvent liées à la souffrance et à la mort.
Quel est l’apport fondamental de votre candidature?
Le pouvoir ne m’intéresse pas, il s’agit de prendre ses responsabilités pour favoriser une collectivité dans le sens de la justice sociale. La droite s’occupe très bien de défendre les privilégiés de notre société, alors que le fossé entre les riches et les pauvres se creuse de façon violente. Cependant, on juge une société à sa façon de s’occuper des plus démunis. n
Propos recueillis par
Alain Bringo