Paul Dukas n’est pas l’homme que d’une seule œuvre

Musique • Méconnue, la symphonie que le compositeur français a écrite en 1896, sera au programme du Sinfonietta à Lausanne.

L’Apprenti sorcier est l’œuvre la plus connue de Paul Dukas et le film d’animation Fantasia de Disney l’a rendu plus célèbre encore. Mais le compositeur français, né en 1865 et mort en 1935, n’a pas écrit que ce poème symphonique. Il est vrai qu’il a peu publié parce que, perfectionniste, très exigeant vis-à-vis de lui-même, il a préféré détruire un certain nombre de pièces. Si l’on connaît deux autres titres La Péri, un ballet, et son opéra Ariane et Barbe-Bleue, on entend assez rarement sa Symphonie, dont il existe du reste un remarquable enregistrement dirigé par Armin Jordan à la tête de l’OSR (chez ERATO).

«Avec le cœur plus qu’avec la tête»
Compositeur, critique musical et professeur, Paul Dukas, qui ne cachait pas son aversion pour l’avant-garde musicale, incitait ses élèves (parmi eux Messiaen, Duruflé, Baud-Bovy) à s’exprimer «avec le cœur plus qu’avec la tête». Il se situe entre romantisme et impressionnisme (il était ami de Claude Debussy). Français, né à Paris, mort à Paris, mais marqué par la culture germanique, il occupe en quelque sorte une place charnière entre le 19e et le 20e siècle.

Fils d’un banquier et d’une pianiste, orphelin de mère à cinq ans, il raconte dans une notice pour le dictionnaire de la musique de Riemann: «Naturellement, je n’étais pas destiné à faire de la musique et c’est seulement vers ma quatorzième année que je commençais à manifester quelques dispositions sérieuses…Je ne savais rien et comme je ne montrais de goût pour rien en dehors de la musique, on résolut de me la faire apprendre.» Il semble qu’il fut un élève un peu récalcitrant et qu’il apprit plus par lui-même que dans ses cours! Tout à la fois progressiste et conservateur, il écrit un jour: «J’appartiens au passé qu’on liquide». Est-ce pour cela qu’à partir de 1912, il n’écrit plus rien? Pourtant il fut au premier rang des compositeurs français de son temps.

Une seule et unique symphonie
Paul Dukas est en début de carrière quand sa symphonie, la seule qu’il ait éditée, est créée en janvier 1897 aux Concerts de l’Opéra. Elle suscita des réactions diverses, décriée par les uns qui lui reprochent de «se traîner dans l’ornière classique de Beethoven», admirée par d’autres qui relèvent «la forme nette et la belle tenue musicale.» En trois mouvements, dont les deux premiers sont marqués con fuoco, d’une durée de 40 minutes, elle a de l’ampleur, une remarquable orchestration, une riche polyphonie, avec quelques audaces d’écriture qui font son originalité.

La verve rythmique, les contrastes dans les changements de climats, lyriques ou conquérants, créent une sorte d’urgence qui parcourt tout le premier Allegro. L’Andante espressivo développe de longues phrases en un chant méditatif pour culminer dans un grand envol médian et s’en retourner à l’émotion initiale avant un finale, Allegro spiritoso, fougueux, entraînant, joyeux mais avec ici et là une touche de nostalgie. A entendre le 26 janvier au Métropole à Lausanne par le Sinfonietta sous la direction de Alexander Mayer, après l’ouverture La pie voleuse de Rossini et une pièce de Respighi.

Lausanne, Métropole, 26 janvier, 20h.