HNE: c’est la dernière qui sonne!

12 février • Les Neuchâtelois choisiront entre l’initiative pour deux hôpitaux autonomes et complémentaires et le contre-projet qui veut regrouper les soins aigus à Neuchâtel au détriment de la Chaux-de-Fonds.

Une centaine de conseillers communaux, cantonaux et nationaux, venus du Haut comme du Bas du canton ont appelé à voter en faveur de l’initiative.

L’heure est grave. C’est sur le thème musical de The Final Countdown que, dans une vidéo, plusieurs conseillers communaux de La Chaux-de-Fonds et du Locle encouragent les électeurs à soutenir l’initiative «Pour deux hôpitaux sûrs, autonomes et complémentaires». «Centraliser toutes les urgences sur un site unique est un non-sens économique et sanitaire et va surtout à contre-sens de la modernité», assène le conseiller national du POP et conseiller communal du Locle, Denis de la Reussille. «Non à un contre-projet pharaonique qui fait fi des millions notamment investis dans l’hôpital de La Chaux-de-Fonds», renchérit Miguel Perez, représentant écologiste à l’exécutif du Locle.

Mais que veut donc le texte d’initiative? Il exige le maintien d’un site hospitalier de soins aigus de base, associé à un Centre de traitement et de réadaptation (CTR), dans chacune des deux agglomérations du canton (sur le Littoral et dans les Montagnes), avec concentration des spécialités chirurgicales sur un seul site. L’initiative stipule aussi que chacun des sites est autonome d’un point de vue financier, décisionnel et stratégique. Travaillant en synergie, les deux hôpitaux devront comprendre au minimum des urgences médico-chirurgicales 24h/24, un service de médecine avec soins intensifs (ou au minimum, avec soins continus) et des blocs opératoires ouverts 24h/24.

Pour finir, l’Etat doit aussi veiller à ce que chaque établissement dispose de moyens financiers suffisants permettant de maintenir un budget équilibré. «En 2013, les Neuchâtelois ont déjà montré leur volonté de maintenir deux hôpitaux et de favoriser la proximité plutôt que la centralisation à outrance», rappelle le député popiste, Théo Bregnard. «En Suisse, la moyenne est d’un hôpital pour 57’000 habitants. A La Chaux-de-Fonds, nous sommes dans la cible. Les exemples des hôpitaux de Saint-Imier ou Moutier qui sont parfaitement rentables malgré un bassin de population inférieur à la moyenne sont aussi là pour le prouver», estime le conseiller communal de La Chaux-de-Fonds.

«Il n’y aurait aucune alternative»
Cette proposition de deux hôpitaux de proximité, soutenue par le POP, les Verts, solidaritéS, l’UDC et le PDC, est combattue par le Conseil d’Etat et une majorité du Grand Conseil neuchâtelois, qui ont proposé un contre-projet. Appuyé par le PS et le Parti libéral-radical, celui-ci prévoit que l’Hôpital neuchâtelois (HNE), établissement cantonal de droit public fondé en 2006, comprenne dorénavant deux sites de compétences spécifiques, l’un en soins aigus à Neuchâtel, et l’autre en réadaptation à La Chaux-de-Fonds. Les soins palliatifs seront intégrés au site de traitement et de réadaptation dans les Montagnes neuchâteloises.

Le contre-projet envisage aussi de créer trois policliniques, dans les Montagnes neuchâteloises, à Neuchâtel et au Val-de-Travers, qui serviront de «portes d’entrée dans l’HNE». Pour La Chaux-de-Fonds, le Conseil d’Etat prévoit de mettre sur la table 175 millions pour construire un CTR dans le Haut du Canton. A cette somme volumineuse s’ajoutent encore 65 autres millions pour agrandir l’hôpital Pourtalès à Neuchâtel. Le gouvernement estime que cette réorganisation dégagera des économies de fonctionnement de l’ordre de 12 millions de francs par année.

Pour le Conseiller d’Etat socialiste et chef du département de la santé, Laurent Kurth, ce plan est le seul à même «d’assurer rapidement et durablement l’avenir de HNE», prétendant que l’initiative ramènerait le canton 15 ans en arrière. «Le contre-projet permettra d’investir pour conserver des compétences, des emplois, des revenus, de la formation et un renforcement de l’hôpital», assure, de son côté, le chef de projet HNE-Demain, un gestionnaire venu d’une société de consulting privée. Bref, il n’y aurait aucune alternative.

«La suffisance de la direction d’HNE et le mépris qu’elle affiche envers les personnes pensant autrement pose problème», récrimine Alain Bringolf, ancien député et conseiller communal popiste de La Chaux-de-Fonds, qui considère que la votation «opposera les tenants du service public et ceux des affaires». «Le modèle du Conseil d’État n’améliorera pas réellement la situation financière, tout en supprimant plus d’une centaine de postes», tranche le comité d’initiative.

Enrayer la fuite des médecins
Pour Theo Bregnard, la votation s’avère aussi hautement problématique du fait que l’on ne sait pas ce qu’il adviendra de l’actuel hôpital de La Chaux-de-Fonds rénové pour plusieurs millions et qui possède des blocs opératoires flambant neufs, et du centre de traitement et de réadaptation du Locle. «Laurent Kurth a simplement dit que l’on verra le moment venu et qu’un bâtiment peut toujours se vendre», précise Alain Bringolf. «On nous promet un CTR, qui apparaît surdimensionné à La Chaux-de-Fonds, mais on ne sait même pas où, alors que notre initiative prévoit d’exploiter les structures existantes en réseau, avec des investissements raisonnables», souligne, de son côté, Théo Bregnard. Dans le système actuel de concurrence entre hôpitaux, il est tout à fait plausible qu’un groupe privé – on pense à GSMN Neuchâtel (Genolier), qui compte déjà sur la clinique Montbrillant dans la Cité horlogère – s’intéresse à l’hôpital chaux-de-fonnier ou en tout cas ses patients. «Un groupe privé s’occupe par essence des soins qui rapportent, en laissant les coûts aux collectivités publiques», prévient Théo Bregnard.

Le popiste considère aussi que le maintien de deux sites est la meilleure solution pour enrayer la fuite des médecins et des patients. «La fermeture de la maternité à La Chaux-de-Fonds a, par exemple, conduit les patientes à s’orienter vers Saint-Imier. Dans le budget cantonal, cet exode global représente une charge de 60 millions par année. Nous pouvons mettre un frein à ce mouvement avec notre initiative», plaide Théo Bregnard. «Trente médecins sont partis de l’hôpital de La Chaux-de-Fonds pour rejoindre des structures plus petites. C’est en proposant des bonnes conditions de travail et une assurance pour leur avenir qu’ils resteront», précise encore le Chaux-de-fonnier. «Notre initiative est la seule à même de maintenir deux sites et de les faire vivre», conclut un Théo Bregnard très motivé.