L’heure du rassemblement sonnera-t-elle enfin?

Neuchâtel • Pour la deuxième fois en quelques années, la population neuchâteloise a réaffirmé sa volonté d’une organisation hospitalière de proximité. Un choix qui va à l’encontre de la conception marchande de la santé imposée un peu partout.

Les partisans de l’initative pour deux hôpitaux ont manifesté leur joie à La Chaux-de-Fonds (pop ne)

C’est fait, le sort de l’hôpital neuchâtelois est jeté. Une majorité du peuple a décidé de son avenir, et elle a réaffirmé sa volonté d’une structure de proximité et à taille humaine. Ce choix s’oppose à celui des experts technocratiques qui n’appréhendent la santé publique que dans l’espace des normes libérales de l’économie de marché et selon les directives de la Confédération, qui plaident pour une mise en concurrence des hôpitaux. L’absurdité de mesures économiques libérales pour répondre aux besoins de la population semble commencer à faire son chemin. Cette votation marque peut-être le début d’une prise de conscience en ce sens.

Laurent Kurth sera-t-il remercié?
Les habitants des montagnes ont soutenu l’initiative pour deux hôpitaux par des scores impressionnants: plus de 80%, aussi bien au Locle qu’à La Chaux-de-Fonds, avec un taux de participation de presque 50%. Il serait pourtant erroné de n’expliquer le succès de l’initiative que par ces chiffres. Les résultats dans les vallées et sur le Littoral démontrent que 40% en moyenne des citoyennes et citoyens de ces régions ont également soutenu l’initiative.

Le conseiller d’Etat Laurent Kurth, ses collègues de l’exécutif, ainsi que la direction d’HNE accusaient le coup au soir de la votation. Ils semblaient surtout consternés, mais ne produisaient pas la moindre analyse sur les raisons ayant conduit à cette «journée noire pour le canton», selon les propos de la présidente du parti socialiste. Ils persistaient à affirmer que la votation du peuple était une erreur et qu’elle divisait le canton. Une certaine arrogance continuait ainsi à s’exprimer vis à vis d’un peuple qui soi-disant «ne comprend rien à la modernité». Ainsi, Laurent Kurth martelait que deux hôpitaux ne sont pas viables, sans parvenir à sortir de ses certitudes d’économiste. Sera-t-il remercié par une partie de ce même peuple lors des élections cantonales du 2 avril prochain? Ce n’est pas impossible.

Le conseil d’administration démissionne en bloc
Mercredi, un tournant positif semblait cependant s’amorcer dans l’attitude du Conseil d’Etat. Par voie de communiqué, il informait de la démission en bloc du Conseil d’administration d’HNE, comme l’avait du reste appelé de ses vœux Sylvia Morel, présidente du Conseil communal (exécutif) de La Chaux-de-Fonds. Il affirmait surtout être «résolu à rétablir rapidement un dialogue entre les partenaires que le débat hospitalier a opposés au cours des derniers mois». Dans ce but, les exécutifs du Locle et de La Chaux-de-Fonds ont été invités à une rencontre dans la semaine du 20 février.

Un groupe de travail devrait également être constitué à brève échéance. Celui-ci sera chargé d’émettre d’ici l’été des propositions conformes à l’initiative et de définir des modalités de transition. Il sera «présidé par une personnalité choisie en dehors des autorités cantonales et communales. Il devrait en outre être composé des membres de la conférence des directeurs communaux de la santé, d’un représentant du GTIH (Groupe de travail interpartis sur l’hôpital, soit les auteurs de l’initiative, ndlr), d’un ou deux représentant-e-s du service de la santé publique, d’un-e représentant du service juridique de l’État et d’un ou deux représentants de la direction générale de l’HNE. Il recevra l’appui ponctuel du service financier et du service des bâtiments de l’État pour les questions relevant de leur domaine de compétence», précise le communiqué.

Sortir de l’économie marchande
Si ces différentes mesures doivent être saluées, il semblerait encore plus judicieux d’associer à la réflexion menée l’ensemble des sensibilités et des régions. Ainsi, pourquoi ne pas réunir les communes du bas avec celles du haut? Ou encore inclure des représentants du personnel dans le groupe de travail qui sera prochainement constitué? Pour établir un nouveau projet consensuel, il sera en effet indispensable que les différentes sensibilités concernées par la santé publique trouvent ensemble les meilleurs moyens pour servir la population en dehors des arcanes de l’économie marchande. L’espoir de retrouver la sérénité dont le canton a besoin passe par ce rassemblement des forces.

Concernant la crainte de voir des cohortes de médecins quitter le navire en raison du choix populaire qui vient d‘être fait, c’est faire fi de tous ceux qui sont partis dans le cadre de la direction actuelle car jamais ils n’ont pu se faire entendre par leur hiérarchie. Gabegie il y a eu et elle ne provient pas des initiants, mais de ceux qui se sont distancés de la population et qui n’ont pas voulu l’écouter.
Espérons que les travaux initiés par le Conseil d’Etat se feront en tenant compte de ces différents éléments et que, cette fois, la décision de la population ne sera pas trahie.
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Après HNE, l’Hotel judiciaire…
Alors que le canton sort à peine d’une campagne qui a fortement divisé Haut et Bas, une nouvelle votation qui pourrait attiser les rancœurs s’annonce. Ce mercredi, les opposants à la construction d’un nouvel hôtel judiciaire à La Chaux-de-Fonds ont en effet déposé leur référendum, qui a récolté 9000 signatures sur les 4500 requises. Le projet prévoit de rassembler sur un même site les tribunaux régionaux (basés actuellement à La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel et Boudry), ainsi que le Ministère public. Le Tribunal cantonal, lui, restera à Neuchâtel. L’opposition la plus forte à ce projet provient, selon les médias neuchâtelois, d’une partie des avocats installés sur le Littoral.
La construction de cet hôtel judiciaire avait été envisagée par certains comme une forme de compensation au projet de réorganisation spatiale d’HNE, qui prévoyait de centraliser les soins aigus à Neuchâtel, mais qui a été rejeté dimanche.