Des « Architectes du Temps » aux montres sans horlogers

la chaux-de-fonds • La marque Ebel reflète les dérives de la recherche effrénée du profit.

La marque Ebel reflète les dérives de la recherche effrénée du profit.

Le 28 juin est décédé le fondateur de Swatch, Nicolas Hayek. C’était un patron, certes, mais il connaissait l’horlogerie et vouait toute son énergie à faire fructifier le travail des salariés des diverses entreprises qu’il dirigeait. Tous n’agissent pas ainsi au sein du monde des mesureurs du temps. Ainsi, l’histoire de la marque Ebel mérite une attention attentive car elle résume très bien les dérives occasionnées par la recherche du profit maximum.

En 1986, cette manufacture renommée de La Chaux-de-Fonds occupe plus de 700 salariés. Elle fabrique ses propres calibres (mouvements) ainsi qu’une grande partie des composants de la montre. La marque complète son nom par l’appellation « Les Architectes du Temps ». Mais les difficultés économiques qui ont marqué toute l’industrie horlogère n’épargnent pas la manufacture familiale. Après quelques aventures financières, le jeune patron Pierre-Alain Blum vend l’entreprise que lui avait léguée son père. C’est LVMH, groupe de luxe français, qui reprend la marque. Les nouveaux dirigeants ne sont pas horlogers, ils ne connaissent que les affaires. Après 3 ans, les résultats financiers ne répondent pas aux objectifs fixés et une nouvelle vente a lieu. Cette fois, c’est le gérant d’un comptoir horloger des Etats-Unis qui achète Ebel, le groupe Movado. Un peu d’espoir renaît au sein du personnel. Mais la logique des affaires l’emporte sur le savoir-faire. Si les mouvements proviennent d’autres entreprises horlogères suisses, tous les composants proviennent désormais d’Extrême Orient, en particulier de Chine.

Le constat est indélébile. Des 700 salariés de 1986, Ebel n’en occupent qu’environ 160 aujourd’hui. Selon nos informations, il ne pourrait rester prochainement qu’une vingtaine de salariés sur le site puisque Movado envisage de ne conserver à La Chaux-de-Fonds que la partie commerciale de ses activités.

Actuellement, en toute discrétion entre deux matchs de football, les quelques horlogers encore en activité se voient proposer des solutions de reclassement dans des entreprises de la branche.

Ebel fêtera son centenaire l’année prochaine, mais dans quel état ? Des « Architectes du Temps » qui fabriquent des montres sans horlogers.