Le mouvement altermondialiste en perte de vitesse ?

forum social mondial • Le sommet, organisé cette année à Dakar, peine à déboucher sur des initiatives globales.

Le sommet, organisé cette année à Dakar, peine à déboucher sur des initiatives globales.

Le Forum social mondial (FSM), laboratoire de propositions alternatives au World Economic Forum (WEF) de Davos et à la mondialisation néolibérale, se déroulera du 6 au 11 février à Dakar. Huitième du nom, il doit accueillir plusieurs dizaines de milliers de personnes. La délégation suisse comptera plus de 55 personnes issues de la politique, des syndicats, des ONG et des médias. Alliance Sud et E-Changer coordonnent la délégation. Elle comprend cinq conseillers nationaux écologistes et un socialiste. On ne dénombre aucun délégué de la gauche du PS. Les syndicats suisses seront aussi de la partie. Unia organisera même un atelier sur les droits des migrants. Les problèmes de la faim, du changement climatique, de la crise financière et économique et de l’accaparement des terres (l’achat d’énormes terrains fertiles par des pays ou des multinationales étrangères) vont aussi être abondamment traités, explique la coalition d’ONG d’Alliance Sud. Le FSM continue à lancer des propositions alternatives, mais sont-elles suivies d’effet ? L’altermondialisme n’est-il pas en bout de course ? Isolda Aggazzi, coordinatrice d’Alliance Sud reconnaît que « ce mouvement est un peu en perte de vitesse », mais « attend un réveil » à Dakar. Elle assure aussi que les altermondialistes, notamment des associations comme Attac, sont bien présents dans le Maghreb. De là à faire un lien avec les événements actuels dans cette région…

Pour Eric Decarro, militant genevois, qui a participé à des nombreux forums mondiaux, un des problèmes réside dans le fait que les forums se confinent de plus en plus à des ateliers thématiques auto-organisés. Le mouvement ne cherche plus à trouver une réponse globale « pour rompre avec le capitalisme ». « La crise actuelle économique, sociale et écologique actuelle est globale. On ne peut pas saucissonner les réponses. On a besoin d’une réponse globale », explique l’ancien président du syndicat SSP. A l’intérieur du FSM, il regrette la disparition des grandes conférences, « qui permettent une vraie confrontation d’idées ». Il dénonce aussi l’emprise des grandes ONG dans ce rendez-vous. « Elles sont intégrées dans le conseil international, mais privilégient le travail dans leurs créneaux », souligne le militant. A terme, il considère que ce manque de perspective ouvre la voie aux forces d’extrême droite nationalistes et racistes en Europe, « qui capitalisent sur les peurs et le ressentiment ».

Le danger d’une bureaucratie altermondialiste

Impliqué fortement dans le mouvement, Eric Toussaint, président de l’association belge du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM), relevait dans une interview récente pour l’association E-changer que le Forum social mondial de Nairobi de 2007 avait commis plusieurs faux-pas, notamment en donnant l’exclusivité des communications dans l’espace du FSM à une multinationale. Ou en fixant des prix d’entrée très élevés, impossibles à payer par les participants locaux des secteurs populaires. Le politologue belge entrevoit aussi d’autres menaces pour les FSM. « En premier lieu, celui de créer une “industrie” du FSM. Déjà, des ONG très puissantes structurent des projets autour du FSM, et elles en vivent. » Le danger est « de voir apparaître une sorte de bureaucratie altermondialiste », analyse-t-il. Mais il reste pourtant optimiste, du fait que le FSM est le « seul espace mondial où convergent des mouvements sociaux, des ONG, des organisations politiques de gauche et même des gouvernements progressistes ».

Pour améliorer l’implication de militants de base, des rencontres se sont déroulées en amont au Sénégal en novembre, regroupant plusieurs mouvements populaires. De plus, dans le cadre du FSM, des altermondialistes réunis dans « L’autre Forum » veillent au grain. A l’occasion de ce rendez-vous mondial, ces activistes se proposent d’organiser un espace bien identifié au sein du FSM. Ils veulent aussi rendre possible la participation de certains acteurs qui d’habitude n’accèdent pas aux forums sociaux, « mais qui ont beaucoup de choses à dire ». Et le tout « sans fric et sans demander l’aide de personne d’ailleurs ».


Le Forum social Genève-Dakar-Genève propose tous les jours jusqu’au 12 février des soirées sur les événements du FSM, de 19h à 20h30 à la Maison des Associations (15 rue des Savoises). Infos complémentaires sur www.gdg-fsm.ch