Pousser les villes à construire

élections fédérales • Olivier Forel est musicien professionnel. Ancien député vaudois qui a émigré dans le Canton de Neuchâtel, il est aujourd'hui conseiller général en Ville de Neuchâtel et se présente sur la liste POP-solidaritéS au National.

Olivier Forel est musicien professionnel. Ancien député vaudois qui a émigré dans le Canton de Neuchâtel, il est aujourd’hui conseiller général en Ville de Neuchâtel et se présente sur la liste POP-solidaritéS au National.

Vous dénoncez la pénurie et la cherté croissante du logement. Quelles sont vos propositions en la matière ?
Olivier Forel Il est clair qu’il manque dans ce canton tout comme dans toutes les régions urbaines de ce pays un grand nombre de logements, mais il ne s’agit pas de n’importe quel logement. Ce sont surtout des loyers abordables qu’il faut mettre à disposition de nos concitoyens. Bien sûr, l’immense majorité du parc immobilier appartient au secteur privé, mais ce n’est pas une fatalité. On peut, si on le veut, construire des logements de qualité, qui respectent les normes actuelles en matière d’écologie, mais sans luxe démesuré. Mais on ne le fait pas, pourquoi ?
Il faut donc que les collectivités publiques, et là je pense aux municipalités de gauche, cessent de rêver d’attirer dans leurs communes ces fameuses classes moyennes supérieures, sous prétexte d’améliorer leur budget. Leur responsabilité devrait être de mettre à disposition, sous forme de droit de superficie, par exemple, les terrains qu’elles possèdent encore, et, par un cahier des charges clair et exigeant, forcer les promoteurs à se plier à des normes de construction permettant l’accès à ces logements par les plus démunis également. C’est aussi un leurre de penser qu’en confiant ces réalisations aux caisses de pension, les prix vont baisser ! Une caisse de pension doit faire du rendement… Une autre piste est le partenariat communes-coopératives, là aussi avec un cahier des charges très précis. En suisse alémanique, cela existe depuis longtemps, et on ferait bien de s’en inspirer.

En tant que musicien, comment comptez-vous valoriser les artistes et la culture en Suisse ?
La culture suisse est très riche, les cultures, devrais-je dire. Nous avons un tissu de fanfares, sociétés, clubs, écoles, qui n’a pas son pareil dans bien d’autres pays, et que les acteurs culturels nous envient. Même si le fameux statut d’intermédiaire du spectacle n’existe pas chez nous, et que les conditions, pour le théâtre notamment, se sont gravement détériorées depuis la dernière révision de la Loi sur le chômage, le terreau suisse reste foisonnant en matière culturelle. Si je prends le domaine de la musique, celui que je connais le mieux, l’amélioration des conditions pour les musiciens passe aussi par les mains publiques. Il est de plus en plus difficile de diffuser nos créations. Manque de locaux, tracasseries administratives ou de police, les obstacles mis dans les roues des organisateurs nous pénalisent. C’est la norme qui tue la culture. Il est devenu impossible de créer un lieu sans mise en conformité, (même si les concerts sont occasionnels) avec son lot de règlements, autorisations, respect des normes anti-bruit, anti-incendies, toilettes séparées obligatoires, voire même séparateur de graisses parce qu’on y vend des saucisses… De quoi décourager le plus passionné des organisateurs d’organiser quoi que ce soit…
Bien plus que d’injecter de l’argent dans la culture, il vaudrait mieux « assouplir son fonctionnement », et cesser de croire qu’un artiste digne de ce nom doit aussi être son propre producteur. La tendance, hélas, va dans le sens d’une professionnalisation des acteurs culturels, non pas dans leur discipline, mais orientée vers la manière de se vendre, vers la norme. Une autre facette de la mondialisation…


(Photo Pablo Fernandez)