Nelly Wicky, première Genevoise à sièger au Conseil national

histoire • Il y a quarante ans, dix femmes faisaient leur entrée au parlement fédéral. Plein zoom sur la Genevoise Nelly Wicky.

Il y a quarante ans, dix femmes faisaient leur entrée au parlement fédéral. Plein zoom sur la Genevoise Nelly Wicky.

Le père de Nelly Wicky était employé de bureau aux CFF, et sa mère couturière. Nelly naquit en mars 1923 dans le canton de Genève, second enfant du couple. La famille déménagea par la suite à Genève et s’installa dans le quartier de Plainpalais. Sans être aisés, ils avaient un train de vie satisfaisant. Nelly évoque rarement sa mère, mais parle avec beaucoup d’admiration de son père. Il a donné à sa fille le goût pour l’engagement politique. Lorsqu’en 1939 intervint la scission du Parti socialiste, son père se reconnaissait dans le camp de Charles Rosselet, la tendance sociale-démocrate. Robert, le futur mari de Nelly, par contre, était « nicoliste », la tendance proche des communistes et prosoviétique qui fonda le Parti du Travail (PdT). A ce moment, il suivait une formation de ferblantier, elle se préparait pour l’enseignement primaire. Elle fut nommée en 1946 et exerça ce métier pendant plus de 30 ans dans des quartiers ouvriers de la ville ou dans des communes suburbaines de Genève. Robert de son côté avait un poste de monteur de câbles PTT. En 1950, le couple eut son premier enfant et le deuxième ne tarda pas à venir. Tant Nelly que son mari avaient un bon emploi, mais aussi des raisons de s’inquiéter. La directive fédérale visant à « épurer » l’administration des employés membres d’une organisation communiste planait comme une épée de Damoclès sur leur existence puisque Robert était membre fondateur du PdT et Nelly y avait également adhéré. Le mari écopa de douze ans de « provisoire » : il perdit la qualité de fonctionnaire et n’eut plus qu’un contrat de travail précaire. L’institutrice ne fut cependant pas ennuyée.

Femme politique

Pendant toute la durée de son activité professionnelle, Nelly a milité à la VPOD, le Syndicat des services public. Grâce aux bons contacts qu’elle entretenait avec les parents de ses élèves, elle connaissait fort bien les conditions de vie des familles ouvrières et leurs préoccupations. Ainsi, elle put faire des interventions bien ciblées au Conseil municipal de Genève où elle avait été élue en 1963. Elle y resta une trentaine d’années.

En 1971, elle se porta candidate au Conseil national et fut brillamment élue en faisant mieux que ses colistiers Jean Vincent et Roger Dafflon, à leur grand étonnement. Quelles discussions de cette assemblée l’ont-elles marquée ? Sans hésiter, elle parle des débats sur le statut des objecteurs de conscience. Elle trouvait scandaleux de voir punis comme des délinquants de droit commun des gens qui refusaient l’armée pour être conséquents avec leurs idées antimilitaristes. La mise sur pied d’une assurance maternité lui a toujours tenu à cœur et elle est intervenue à ce sujet. La présence de Nelly au National a été brève. Elle-même avait envie de continuer mais ne fut pas réélue en 1975. Elle suppose que les électeurs l’ont biffée pour éviter un échec de Roger Dafflon et de Jean Vincent. Sa présence aurait été très opportune les années suivantes, les débats ayant porté à plusieurs reprises sur des questions concernant les droits des femmes, dossiers que l’institutrice maîtrisait parfaitement. Il fallut attendre l’année 1996 pour trouver de nouveau une femme du Parti suisse du Travail au National, ce fut Christiane Jaquet. Entre-temps, les socialistes consolidaient leur présence féminine au Parlement.

La militante Nelly allait se concentrer davantage à la lutte extra-parlementaire. Elle prit part à de nombreuses mobilisations féministes des années 70 et 80 (dépénalisation de l’avortement, droits égaux, maternité). Dotée d’une bonne qualité d’écoute, sachant aplanir les divergences sans perdre de vue le but, elle constitua un élément central du groupe dans lequel elle milita. Elle savait conseiller sans devenir cassante. Son engagement en faveur de l’initiative « pour la protection efficace de la maternité » fut total. Fruit de collaboration entre le mouvement féministe et les partis de gauche, l’initiative fut refusée en votation, mais ancra la conviction qu’il fallait créer une telle assurance. A travers cette collaboration les féministes découvraient qu’on pouvait travailler avec la gauche sans se faire instrumentaliser. La gauche, de son côté, réalisait que les revendications féministes pourraient être en grande partie les siennes.

Sensibiliser les camarades hommes

A l’intérieur de son parti, Nelly a été soucieuse de familiariser ses camarades hommes aux problèmes féminins et de créer pour les femmes un espace institutionnel de débat et d’échanges. Nous la voyons animer en 1980 une rencontre des femmes du Parti suisse du Travail sur le thème « Faut-il ou ne faut-il pas des groupes femmes au sein du parti ? » En réalité, le débat donna l’occasion à des militantes de s’exprimer sur l’homosexualité, la famille, le partage des tâches ménagères, leur place dans le parti et l’autonomie du mouvement féministe.

Nelly est actuellement active dans le groupe de retraités du Syndicats des services publics et dans de nombreuses associations. Restée veuve en 1983, suite à un accident mortel qui emporta Robert, elle a appris à vivre « seule ». Toujours disponible pour aider ses camarades ou amies et bien entourée elle-même, elle déplore l’ostracisme dont sont victimes d’autres personnes âgées. A-t-elle un message pour les jeunes, les femmes en particulier ? « Prendre la relève pour conserver les acquis », répond Nelly.

En 1971, des femmes sont enfin élues aux chambres fédérales

Juste quelques mois après l’obtention du droit de vote, le 31 octobre 1971, les femmes suisses participèrent pour la première fois à un scrutin fédéral, en tant que votantes et candidates. Dix femmes furent élues au Conseil national. Le PDC et le Parti radical eurent chacun trois députées ; les socialistes en firent autant avec Hedi Lang et Liliane Uchtenhagen de Zurich, ainsi que la jeune valaisanne Gabrielle Nanchen. La militante du Parti du Travail Nelly Wicky fut la première Genevoise à siéger dans cette chambre. La radicale Lise Girardin, ancien maire de Genève, obtint le mandat pour le Conseil des Etats. Dix femmes sur un total de 200 membres du National composèrent une petite minorité qui dut lutter au quotidien pour s’imposer.