Les migrants réclament de vrais droits

Des organisations de migrants critiquent le Forum mondial sur les migrations et le développement (FMMD).

Des organisations de migrants critiquent le Forum mondial sur les migrations et le développement (FMMD).

Le 5 décembre s’est achevé à Genève le Forum mondial sur les migrations et le développement (FMMD ou GMFD en anglais). Cette plate-forme, proche de l’ONU, qui réunit près de 150 gouvernements chaque année depuis 2007 vise à « maximaliser les profits du développement de la migration, tout en minimisant ses impacts négatifs ». En tant qu’hôte de cette 5ème conférence, la Suisse a ouvert la conférence le 1er décembre par l’entremise de sa responsable du Département de justice et police, Simonetta somaruga. Dans son discours d’introduction, celle-ci a expliqué qu’« en matière de migration, rien n’est tout noir ou tout blanc ». Elle a aussi expliqué que « l’intérêt national était le point de départ de notre politique migratoire », tout en appelant à un politique de coopération internationale plutôt que suivre la voie nationale en solitaire. A titre d’exemple, la conseillère fédérale a rappelé que la Suisse avait récemment signé un accord avec la Guinée pour favoriser la coopération dans la lutte contre le trafic de migrants, mais surtout la réadmission des Guinéens dans leur pays. Au cours de cette conférence annuelle, trois axes thématiques ont été mis en avant sous la présidence suisse d’Eduard Gnesa, ambassadeur extraordinaire chargé de la coopération internationale en matière de migration. S’il faut saluer la volonté du FMMD de mieux protéger les travailleurs domestiques migrants, d’autres ateliers en appelaient ouvertement à « lutter contre la migration irrégulière » ou à « engager le secteur privé dans la planification du marché du travail ». « Ces cinq dernières années, le FMMD est devenu un élément essentiel du dialogue international sur la migration et le développement. Le Forum est à l’heure actuelle la seule enceinte mondiale permanente d’échanges sur ces thèmes. Veillons donc sur lui et améliorons-le », s’est enthousiasmé Peter Maurer, secrétaire d’Etat du Département des affaires étrangères à la conclusion du forum.

« Le FMMD ne parle que de ce qui est bon pour le big business »

Reste que la question est bien de savoir si, sous couvert de coopération internationale, il ne s’agit pas pour les Etats de réguler la migration aux seuls besoins de l’économie. Une interrogation légitime pour les 214 millions de personnes qui selon des chiffres estimatifs de l’ONU vivent de façon permanente ou temporaire en dehors de leur pays. Pour l’Alliance internationale des migrants (IMA), qui a organisé, avec l’appui du Parti du Travail, une contre-manifestation au grand raout voulu par Kofi Annan, la réponse est claire. « Le FMMD ne parle que de ce qui est bon pour les gouvernements et le big business », s’insurge cette organisation qui regroupe près de 108 associations issues de 25 pays. Elle a organisé un piquet de protestation devant les Nations Unies pour dénoncer « la continuation de cet agenda global et néolibéral sur la migration et le développement » et l’exploitation des migrants. « Depuis longtemps, les économies les plus puissantes du monde connaissant les énormes profits qu’elles peuvent tirer de la main-d’œuvre migrante formée et bon marché », explique un militant philippin. « A Mexico en 2010, le FFMD a voulu renforcer les partenariats sous la forme d’accords de travail bilatéraux liés aux accords de libre commerce qui ont poussé comme des champignons ces dernières années. Ce bilatéralisme a ouvert la voie à des plates-formes multilatérales comme celle de l’OMC. Dans le contexte global actuel, ces partenariats entre pays qui envoient de la main-d’œuvre et ceux de destination signifient que les travailleurs migrants sont vendus comme des marchandises et au prix le plus bas, en matière de salaire et de droits », accuse encore l’IMA, qui demande que les pays puissent accéder à leur propre développement.

Accords de travail bilatéraux ? Ceux-ci sont de plus en plus courants et « forts souples », relève l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), basée à Genève. « Ils permettent aux pays récepteurs de cibler des groupes particuliers, de s’adapter aux fluctuations du marché du travail et de partager avec le pays émetteur les responsabilités en matière de contrôle migratoire », précise l’organisation onusienne. Cette migration de travail ne va pas forcément du Sud vers le Nord, mais elle existe aussi au sein de l’UE. L’Allemagne a ainsi conclu des programmes de « travailleurs sous contrat » avec différents pays d’Europe centrale et de l’Est, précise l’OIM. Ces salariés étrangers sous contrat avec leur employeur national viennent en Allemagne pour deux ou trois ans.

Face à cette situation de précarisation des migrants, l’IMA a exigé des droits pour les sans-papiers, dénonçant « leur criminalisation et leur déportation ».

L’association a appelé à la régularisation de tous les migrants sans statut légal tout en rejetant la Directive sur le retour des étrangers en situation irrégulière, ratifiée par le Parlement européen en 2008. Celle-ci fixe des règles communes en matière de renvoi des étrangers clandestins, instituant le principe de rétention avant expulsion. Une pratique qu’a instituée aussi la Suisse avec sa vingtaine de centres de détention administrative répartis sur tout le territoire.

L’Action mondiale des peuples a organisé un contre-forum

Du 29 novembre au 2 décembre s’est tenu un Forum sur la migration, le développement et les droits humains à la Maison des associations de Genève. Celui-ci était organisé par la coalition de l’Action mondiale des peuples qui a aussi lancé un appel à la régularisation de tous les sans-papiers. Pour le Collectif suisse de soutien aux sans-papiers, Alessandro de Filippo a dressé un panorama critique de la politique suisse dans ce domaine, notamment les difficultés de la régularisation au cas par cas, qui est trop restrictive. San Mon, leader des travailleurs sans-papiers du Myanmar en Thaïlande a expliqué que ce dernier pays avait mené une récente campagne de régularisation, mais aussi déploré « ses sévères limitations ». Responsable des Journées de la société civile au Forum mondial sur les migrations et le développement (FMMD) 2011, William Gois de l’association internationale des droits des migrants (MRI), basée à Genève, a évoqué la campagne de l’association auprès de Comité des travailleurs migrants de l’ONU pour que soit organisée une Journée de discussion générale dans l’enceinte onusienne. En septembre 2013, l’ONU organisera ce qu’elle appelle dans son jargon un Dialogue de haut niveau sur les questions de migration et de développement. Le 2 décembre, une centaine de membres de l’Action mondiale des peuples ont aussi organisé une manifestation devant les Nations Unies pour demander que le FMMD respecte le droit des migrants.