Les malades psychiques ont aussi des droits

L'univers psychiatrique continue à susciter craintes, préjugés et fantasmes de tout ordre. Ce qui justifie l'utilité d'associations comme Psychex. Fondée en 1987 en Suisse alémanique, elle a ouvert un bureau en Suisse romande en 2000. L'avocate Ghislaine de Marsano-Ernoult, secrétaire de Psychex-Romandie revient sur les objectifs et actions de l'organisation

L’univers psychiatrique continue à susciter craintes, préjugés et fantasmes de tout ordre. Ce qui justifie l’utilité d’associations comme Psychex. Fondée en 1987 en Suisse alémanique, elle a ouvert un bureau en Suisse romande en 2000. L’avocate Ghislaine de Marsano-Ernoult, secrétaire de Psychex-Romandie revient sur les objectifs et actions de l’organisation

Comment est née votre association et quelle est finalement sa nécessité ?
Ghislaine de Marsano-Ernoult L’association a été créée dans la mouvance de l’antipsychiatrie des années 1980. En réaction à la Loi fédérale sur la privation de liberté à fins d’assistance de 1978, intégrée dans le code Civil aux articles 397 et suivants. Cette loi précise le cadre juridique dans lequel l’Etat a la possibilité d’ordonner une privation de liberté à des fins d’assistance contre la volonté des personnes qui souffrent de maladie mentale, d’alcoolisme, de toxicomanie ou de grave état d’abandon. Conformément à la Convention européenne sur les droits de l’Homme, cette loi prévoit un contrôle judiciaire et garanti le respect des droits fondamentaux de procédure : droit d’être entendu, droit d’être informé de son droit d’en appeler au juge. La personne en cause doit pouvoir faire recours contre une décision d’hospitalisation contre son gré et solliciter l’intervention d’un avocat. Psychex met à disposition des personnes concernées des avocats qui les renseignent et les aident à faire recours, en sollicitant, le cas échéant, l’assistance juridique

Comment se passe un internement ? Qui peut décider une telle mesure ?
Toute personne peut signaler un cas d’internement d’un tiers. La famille ou le voisinage peuvent lorsqu’une personne a un comportement dangereux, faire appel à la police C’est cette dernière, une fois sur place qui selon les circonstances sollicitera l’intervention d’un psychiatre de garde, qui décidera s’il y a lieu d’ordonner une hospitalisation dans un établissement psychiatrique. Si la personne n’accepte pas volontairement d’être hospitalisée ou si son état de santé est trop grave, le médecin peut ordonner l’hospitalisation contre la volonté de la personne en cause ce qui correspond à une privation de liberté à des fins d’assistance qui peut être contestée par un recours. A Genève, l’organe de recours est la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits de patients. Au sein de cette commission, une délégation composée de deux psychiatres, d’un juriste et d’un représentant des organisations de défense des droits des patients examine les recours déposés contre les décisions d’hospitalisation, mais également ceux contre les décisions de refus des médecins de l’hôpital d’autoriser une sortie ou les recours contre les mesures de contrainte. Celles-ci sont les mesures limitatives de liberté comme la mise en chambre de sécurité, un enfermement dans l’enfermement. Dans sa démarche de contestation, la personne internée ou contrainte peut donc être soutenue par une association comme Psychex.

Dans quelles conditions une médicamentation imposée peut-elle être décrétée. Comment une association comme la vôtre peut s’y opposer ?
Dans la loi genevoise, imposer un traitement contre la volonté d’un patient capable de discernement, est illégal. Une médicamentation ne peut être imposée, sauf en cas d’urgence ou de danger vital. Dans ce dernier cas, le médecin doit demander au juge une curatelle de soins, soit une autorisation de soigner le patient en l’absence de son consentement ou malgré son opposition. Le médecin doit convaincre le juge qu’il existe un danger vital. Le juge nomme un curateur, généralement un psychiatre qui examine le patient est donne au médecin, si les conditions sont remplies, un consentement en lieu et place du patient. Il s’agit d’une autorisation strictement ponctuelle.
Il faut aussi noter qu’il n’y a pas de définition légale du danger. L’appréciation du danger se fait de cas en cas mais j’ai constaté que la notion devient de plus en plus large. Elle englobe des situations qui auparavant n’étaient pas considérées comme dangereuses. Les médecins sollicitent des demandes d’hospitalisation ou de traitement plus tôt dans l’évolution de la maladie.

Comment vous contactent les patients ?
Les clients contactent Psychex en appelant la permanence téléphonique. Ils exposent leur situation. Cela implique que le patient soit capable de faire la démarche nous contacter et de dire qu’il veut sortir de l’hôpital. Psychex répond aux demandes de renseignement et si le client entend faire un recours, un avocat du réseau va examiner le dossier et l’assister dans sa défense. Lorsqu’un tiers nous demande d’intervenir, nous faisons toujours confirmer cette demande par la personne en cause. Rien ne se fait sans son accord.

Combien de temps peut s’écouler entre un recours et une décision ?
Pour les recours contre les hospitalisations non volontaires et contre les refus de sortie des médecins, la décision peut être rendue en moins d’une semaine. Pour obtenir la levée d’une mesure de contrainte, cela peut prendre 3 à 4 jours. En revanche, le traitement des plaintes contre les traitements forcés ou la violation du secret professionnel peut durer de deux à trois ans, devant la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, ce qui est inadmissible. Quand la décision est rendue, elle est devenue le plus souvent sans objet. Les textes légaux existent mais la protection n’est pas effective.

Une nouvelle Loi fédérale est prévue pour 2013. Quels seront les changements ?
Il faut rappeler que loi fédérale actuelle ne règle que le cas de l’hospitalisation des personnes internées contre leur gré. Toutes les autres dispositions relatives à l’hospitalisation de jour, au traitement ambulatoire ou à l’administration de médicaments, relèvent des législations cantonales. A partir de 2013, une nouvelle loi fédérale sur la protection de l’adulte et de l’enfant va entrer en vigueur. Elle réglementera uniformément les hospitalisations stationnaires, ambulatoires et les traitements obligatoires, permettant une harmonisation des pratiques cantonales. Psychex craint les effets de nouvelle loi fédérale qui donne aux institutions des cadres et des moyens d’intervention auprès des personnes fragilisées plus larges qu’auparavant, particulièrement à Genève.

Est-ce que votre association s’investit aussi dans des activités législatives ?
A Genève, depuis 2004, Psychex est reconnue comme une organisation de défense des droits des patients. Elle a été auditionnée à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la santé votée le 7 avril 2006. Elle a été entendue par le groupe de travail pour l’élaboration de la nouvelle loi cantonale sur la protection de l’adulte et n’a pas manqué de faire part de ses nombreuses inquiétudes quant à la manière dont seront traitées les personnes fragilisées dans le nouveau droit. Psychex travaille également avec les autres membres du monde associatif dans le cadre du Groupe de réflexion et d’échange en santé psychique (Grepsy), qui regroupe les associations qui s’occupent de troubles psychiques.


Psychex-Romandie : case postale 3508, 1211 Genève 3, tél 022 310 60 60, fax 022 210 60 68.