« Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux ! »

L'antifranquiste Dolorès Ibarruri (1895-1989) figure sur les cartes de membre 2012 du PST-POP.

L’antifranquiste Dolorès Ibarruri (1895-1989) figure sur les cartes de membre 2012 du PST-POP.

C’est une tradition depuis 1999 qu’une personnalité du mouvement ouvrier et communiste – homme ou femme en alternance – figure sur les cartes du PST.*

Le personnage de La Pasionaria a été quasi divinisé. Essayons d’en brosser un portrait, avec ses lumières et ses ombres, sans tomber donc dans l’hagiographie complaisante. Dolorès Ibarruri est née en Biscaye dans une famille de mineurs. Elle participe très tôt aux luttes sociales du bassin de Bilbao. Elle adhère en 1917 au Parti socialiste ouvrier espagnol, s’enthousiasme pour la Révolution russe et entre, dès sa fondation en 1920, au Parti communiste. En 1930, elle s’installe à Madrid comme rédactrice du journal Mundo Obrero. Elle fait un séjour en Union soviétique en 1934. Son charisme, ses dons d’oratrice sont mis en valeur par l’appareil du Komintern. Mais c’est la guerre civile espagnole qui va en faire une figure de légende. Dès le 19 juillet 1936, elle lance son fameux slogan « No pasarán ! » Elle a un sens extraordinaire de la formule. On lui doit des phrases célèbres : « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux ! » ou encore « Mieux vaut être la veuve d’un héros que la femme d’un lâche ! ». Par ses discours enflammés à la radio ou dans les manifestations, elle joue un rôle capital pour le moral et la pugnacité au combat des milices populaires. Son appel « Les hommes au combat, les femmes au travail » n’est, en revanche, pas précisément une manifestation de féminisme…

Dolorès Ibarruri a eu six enfants (dont deux ont survécu) d’un humble travailleur. Toujours vêtue de noir, elle veut incarner la femme espagnole traditionnelle, celle que décrit André Malraux dans des pages sublimes de L’Espoir. Son surnom « La Pasionaria » renvoie à la Vierge Marie, dont Dolorès est le substitut laïque. Ilya Ehrenbourg, journaliste aux Izvestia, écrit à son sujet : « La bonté et la sincérité rayonnent d’elle comme d’une vraie sainte du peuple. » La mort héroïque de son fils, le capitaine Ruben Ruiz, devant Stalingrad, concourra à son image brechtienne de Mère Courage de l’antifascisme.

Un exemple de détermination

Après la victoire franquiste, elle s’exile en effet en Union soviétique, où elle restera trente-huit ans. Cette période de sa vie est, il faut le dire, moins glorieuse. Elle s’est éprise en 1937 d’un apparatchik espagnol beaucoup plus jeune qui la rejoint en URSS, et son mari est envoyé dans une usine lointaine en Sibérie. Lorsque son amant la quitte, elle l’accuse de « fractionnisme », accusation grave en pleine époque stalinienne, qui le conduit à des autocritiques successives. Dolorès Ibarruri est alors totalement instrumentalisée par le Parti, reçoit l’Ordre de Lénine et autres distinctions soviétiques. En 1974, elle participe au grand rassemblement antifranquiste de Genève : interdite de parole par les autorités suisses et ne pouvant prononcer un discours, elle chante… Après la mort de Franco, en 1975, elle revient en Espagne. En 1977 elle est élue aux Cortes, où elle avait déjà siégé en 1936. Elle meurt à Madrid en 1989, à l’âge de nonante-trois ans.

La Pasionaria reste pour nous un exemple de détermination dans la lutte contre le fascisme et, à ce titre, a pleinement sa place sur la carte de membre 2012. Cela d’autant plus à l’heure où le juge Baltasar Garzón est mis en accusation pour ses enquêtes sur les crimes du franquisme ! On se gardera cependant d’idéaliser Dolorès Ibarruri et de la transformer en sainte icône : une tentation qui a déjà fait trop de mal à notre parti dans le passé…


Source principale : Bartolomé Bennassar, La guerre d’Espagne et ses lendemains, éd. Perrin, Paris 2004.

* De 1999 à 2011, y ont figuré successivement : Karl Marx, Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci, Alexandra Kollontaj, Nazim Hikmet, Charlotte Muret, Patrice Lumumba, Gladis Marin (secrétaire du PC chilien), Che Guevara, Gaby Antognoni (camarade tessinoise), Jean Vincent, Marcelle Corswant et à nouveau Antonio Gramsci.