« Cette loi est de la poudre aux yeux de la population »

Genève • L'association Mesemrom va déposer sa pétition pour en finir avec la loi injuste et coûteuse qui interdit la mendicité. L'argent utilisé par les pouvoirs publics pour la répression pourrait être employé de façon constructive.

L’association Mesemrom va déposer sa pétition pour en finir avec la loi injuste et coûteuse qui interdit la mendicité. L’argent utilisé par les pouvoirs publics pour la répression pourrait être employé de façon constructive.

« On ne peut pas accepter que des personnes qui gagnent 10 francs en huit heures de travail se fassent spolier de leur pécule par les autorités. Cela contribue à enfoncer encore plus les gens qui font la manche dans la pauvreté, de façon complètement inhumaine », lance Alban Bordeaux, membre du comité de Mesemrom. Cette association, qui défend les Roms à Genève, a lancé une pétition pour demander l’abrogation de la loi sur la mendicité, votée au Grand Conseil en 2007, suite à la croisade d’Olivier Jornod sur le sujet. Les pétitionnaires dénoncent une loi discriminatoire, qui viole la dignité humaine, protégée par l’article 7 de la Constitution fédérale. Mais aussi une loi inefficace, car elle n’a pas réduit le nombre de mendiants. Et coûteuse aussi pour les contribuables genevois. « C’est finalement de la poudre aux yeux de la population », résume Alban Bordeaux.

Pour preuve, la réponse qu’a donnée le Conseil d’Etat en réponse à une interpellation urgente de l’écologiste Anna Mahrer l’année dernière. En juin, 2011, le nombre d’amendes pour mendicité était de 13’634 pour un montant total de 1’629’380 francs. Mais pour établir ces contraventions, les coûts des procédures avoisinaient les 1’821’600 francs. Petit décompte : l’établissement d’une contravention par deux gendarmes durait en moyenne 15 minutes ou une heure s’il y avait conduite au poste. Coûts induits : 204’510 francs dans le premier cas, 818’040 francs dans le second. A cela s’ajoutait le traitement des amendes par le service des contraventions. Avec un coût moyen de 15 francs, la facture finale s’élevait à 209’963 francs. Pour quels résultats ? Sur les 13’634 amendes, 1’035 avaient fait l’objet d’une contestation avec des résultats ambivalents « Un contrevenant a tout bonnement été acquitté et un autre a vu le montant de ses contraventions substantiellement réduites – à juste titre – dès lors que sa situation de pauvreté extrême devait obligatoirement être prise en compte », rappelait l’élue verte dans son texte.

Quant aux contraventions envoyées en Roumanie, un reportage de la TSR de 2011 intitulé « Mendiants sur le banc des accusés » avait montré l’inanité de la démarche, puisque le courrier repartait à Genève pour être contesté devant le Tribunal de police.

Pour l’association Mesemrom, l’ensemble des coûts engendrés à la charge des contribuables pourrait avoisiner les 20 millions de francs suisses. « Cet argent devrait être utilisé de manière bien plus constructive et appropriée », note l’association qui déposera sa pétition le 31 mars prochain.

La suppression de l’interdiction de la mendicité ne va-t-elle pas faire un appel d’air ? « Le nombre d’endroits pour mendier n’est pas extensible. Les gens ne vont pas affluer s’ils ne peuvent rien gagner comme le reconnaît lui-même le responsable du secteur social de la Ville de Genève », rappelle Alain Bordeaux. Le militant vient pour la première fois d’aller en Roumanie à l’occasion de l’inauguration de bains publics financés par Mesemrom dans la localité de Aiud et son constat est limpide. « Avec les sommes modiques gagnées par la mendicité à Genève, les Roms ont pu consolider leurs maisons, mais l’eau fait défaut sur leurs terrains, de même que les routes, malgré les crédits alloués par la Communauté européenne. La plupart des Roms préféreraient rester sur place, gagner leur vie par un travail et améliorer le sort de leurs enfants. S’ils se déplacent pour mendier, ce n’est pas par plaisir ou oisiveté, mais par nécessité », explique Alban Bordeaux.

Que pense-t-il des opérations de nettoyage menées à intervalles réguliers par le département de Pierre Maudet contre les campements sauvages des Roms ? « On détruit du matériel ou des couvertures qui ont été donnés par des associations comme Caritas, c’est absurde et inhumain », note le travailleur social. Plus fondamentalement, il considère que la mise en place dans les abris PC de quotas ou de places de lit limitées « contraires à la dignité humaine » pousse les Roms à préférer dormir dehors, sous les ponts ou dans les parcs. « La priorité, c’est aussi que les politiques rencontrent et discutent directement avec cette population », explique Alban Bordeaux. « L’idéal serait que les autorités ouvrent aussi le marché du travail à cette population, pour qu’elle ne soit pas condamnée au seul travail au noir », ajoute-il encore. Tout en faisant un appel à la tolérance. « Dans un pays comme la Suisse, la pauvreté est souvent invisible. La présence des Roms a pourtant permis de prouver qu’elle existait. Mais il ne faut pas banaliser cette misère, ne plus se choquer et inciter finalement à la haine contre cette population », prévient le militant.

Pour signer la pétition : www.petitions24.net/petition_au_grand_conseil

Mesemrom propose des rencontres et des fêtes avec les Roms :
- Mardi 27 mars de 19h à 22h buffet et manele (musique pop-rom roumaine) à la Maison Verte (5, pl. des Grottes) ;
- Samedi 31 mars à partir de 20h concert avec le groupe Kesaj Tchavé à la salle du Môle (22, rue du Môle) ;
- Dimanche 1er avril brunch dès 14h30 avec la troupe Kesaj Tchavé à l’Espace solidaire Paquis (49, rue de Berne).



(Photo Eric Roset)