Philosopher jusqu’à l’absurde

théâtre • A Vidy-Lausanne, « L'homme qui se hait » d'Emmanuel Bourdieu est une errance philosophique ironique et pathétique.

A Vidy-Lausanne, « L’homme qui se hait » d’Emmanuel Bourdieu est une errance philosophique ironique et pathétique.

Philosopher à la folie, dans une errance verbale ironique et pathétique qui mène à l’absurde, telle est la dérive de Peter Winch, ce professeur qui prétend intéresser des auditoires de province, assisté d’un homme et d’une femme dévoués à sa cause. Violent, douloureux, imprévisible, il sombre dans l’échec et le néant, après une marche équilibriste que suivent ses acolytes, pour s’effacer finalement derrière un nuage de fumée. L’homme qui se hait, écrit par Emmanuel Bourdieu, lui-même philosophe, enchaîne théories fastidieuses, épisodes étranges, accès de colère, humour et souffrance, moments de silence et de musique, dans un décor quelque peu kafkaïen, avec mise en abîme des spectateurs dans la salle. Le texte en soi n’a pas de griffe littéraire marquante et le sujet est somme toute banal qui dénonce la langue absconse et l’intellectualisme prétentieux de certains philosophes, fussent-ils sincères dans leur obsession d’absolu ! La haine de soi, la peur de la peur, la désespérance face au vide de sa propre pensée, la soumission d’acolytes subjugués sont des thèmes connus. Mais la mise scène de Denis Podalydès, en collaboration avec l’auteur, est absolument remarquable, et le jeu admirable des acteurs, Pierre Aussedat, Gabriel Dufay (Peter Winch) et Clara Noël fait oublier la longueur d’un texte qui n’est pas vraiment théâtral. On ne s’ennuie pas. On ressent même un instant d’émotion face à ce naufrage humain inéluctable. On admire la performance, l’adéquation physique autant que gestuelle de Gabriel Dufay au personnage qu’il joue, les nuances et les mimiques pleines de justesse de ses deux comparses. Mais cela suffit-il ? Théâtre de l’absurde, théâtre d’acteurs d’abord, la pièce vous laisse en définitive vide au sortir de la salle…


Au chapiteau du théâtre Vidy-Lausanne jusqu’au 24 mars