Trois jeunes filles séquestrées durant 10 ans

Il y a des lieux maudits. Après le scandale des subprimes qui a fortement touché Cleveland, dans l’Ohio (il faut voir ou revoir le film Cleveland contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron, 2010), voici la ville impliquée dans une affaire sordide : l’enlèvement et la séquestration pendant 10 ans de trois jeunes filles : Amanda...

Il y a des lieux maudits. Après le scandale des subprimes qui a fortement touché Cleveland, dans
l’Ohio (il faut voir ou revoir le film Cleveland contre Wall Street de Jean-Stéphane Bron, 2010), voici
la ville impliquée dans une affaire sordide : l’enlèvement et la séquestration pendant 10 ans de
trois jeunes filles : Amanda Berry, 27 ans, Gina DeJesus, 23 ans, Michelle Knight, 32 ans. Elles
avaient respectivement 17, 14 et 22 ans au moment de leur enlèvement…

C’est Amanda qui a donné l’alerte en tentant de sortir de la maison de son bourreau, une maison
ordinaire, en bois, entourée de constructions de même type. Un voisin l’a entendue crier, l’a
aidée et appelé la police, qui trouvait les deux autres femmes à l’intérieur, ainsi que la fille
d’Amanda Berry, âgée de 6 ans, née en captivité. Un peu plus tard, elle arrêtait Ariel Castro, le
propriétaire de la maison, ainsi que ses deux frères, Pedro et Onil, qui ont été relâchés faute de
preuve de leur éventuelle implication. Ces adolescentes ont été enlevées, enfermées, enchaînées
dans des pièces différentes, battues, affamées, violées. Plusieurs grossesses ont été interrompues
par des coups portés par le bourreau.

Ce drame rappelle quelques histoires sordides révélées ces dernières années. La séquestration
de Natascha Kampusch, de 1998 (la fillette était âgée de 10 ans) à août 2006 par Wolfgang Přiklopil.
Il l’avait enlevée sur le chemin de l’école et enfermée au sous-sol de sa maison, dans un
local de 5 m2. La pièce, sommaire et sans fenêtre, était fermée par deux portes, dont une en
acier, doublée de béton, quasiment indestructible. La porte d’entrée était cachée à l’intérieur
d’une armoire dans le garage de Priklopil. Natascha avait 10 ans au moment de l’enlèvement. Le
ravisseur en a fait son esclave, dans tous les sens du terme. Peu à peu, elle réussit à obtenir un
certain nombre d’aménagements, comme le fait de pouvoir monter dans l’appartement, recevoir
des journaux, des livres, la radio, la télévision, ce qui lui permet de se cultiver et de garder
un lien avec le monde extérieur. Son bourreau, en plus de ce qu’il lui faisait subir, l’affamait lorsqu’elle
n’était pas « gentille ». A sa libération, elle ne pesait que 38 kg pour 1,57 mètre. Elle a
publié un livre, 3’096 jours, écrit avec l’aide de deux journalistes (List Paul Verlag, 2010, Lattès
2010). Un film sur son histoire, 3’096 jours de Sherry Hormann, est sorti en février 2013.

On se souvient aussi du sinistre Josef Fritzl à Amstetten, en Basse-Autriche, à 100 km de Vienne,
qui séquestra dans la cave de sa maison en 1984 sa propre fille Elisabeth lorsqu’elle avait 19 ans,
et qu’il abusait depuis ses 11 ans. Sept enfants sont nés de cet inceste, dont l’un est mort prématurément.
L’enfermement dura 24 ans, jusqu’en avril 2008. Trois enfants sont restés enfermés
avec leur mère, trois autres furent « adoptés » par Fritzl, qui faisait croire à sa femme et aux voisins
qu’Elisabeth, prétendument membre d’une secte, les avait déposés devant leur porte ; ces
trois-là purent aller à l’école. C’est lors de l’hospitalisation d’un de ces enfants que les services
sociaux et la police se sont inquiétés de la situation. Lors de sa libération, Elisabeth, 42 ans, en
paraissait 20 de plus. Le 19 mars 2009, après un procès de 4 jours, Josef Fritzl a été condamné à
la prison à vie.

Au-delà du dégoût que provoquent ces épisodes, on frémit en pensant au vécu de ces femmes,
non seulement abusées sexuellement, mais qui portent en elles des enfants de leur tortionnaire.
On pense aussi aux enfants nés de ces viols. Comment peut-on se construire en sachant que son
père est un psychopathe ? Enfin, comment les mères font-elles pour les élever ?

Devant ces affaires, on est sidéré, et l’on se demande s’il s’agit encore d’êtres humains, si l’on a
quelque chose en commun avec ces monstres. Force est de constater qu’il s’agit chaque fois
d’hommes qui abusent de jeunes filles. Des psychopathes, comme les serials killers, dont l’écrasante
majorité sont des hommes. C’est le conte « Barbe Bleue » sans cesse recommencée. Différents
facteurs produiraient la psychopathie : une mauvaise jonction des trois cerveaux (le reptilien
de l’instinct, le limbique des émotions et le cortex de l’intelligence), ce qui conduit à un
manque d’empathie ; des mauvais traitements subis dans l’enfance ; et une production excessive
de testostérone, sécrétée par les testicules, ce qui provoque un excès d’agressivité.

Mais tous les psychopathes ne deviennent pas des « serial killers », des kidnappeurs d’enfants et
des violeurs. Ils représentent 1% de la population et on en trouve parmi les grands patrons,
capables de licencier des centaines de travailleurs sans remords, parmi les avocats (il me semble
que Jacques Vergès en est un bon exemple)… et parmi les présentateurs de télévision ! Cela leur
permet peut-être de déverser sur les téléspectateurs et téléspectatrices, sans frémir, des torrents
de mauvaises nouvelles…