« Misterioso-119 », l’amour à vie, à mort

théâtre • La pièce de l'Ivoirien Koffi Kwahulé, inspirée par l'improvisation du jazz, met en scène un chœur de douze femmes.

La pièce de l’Ivoirien Koffi Kwahulé, inspirée par l’improvisation du jazz, met en scène un chœur de douze femmes.

On aime cette pièce quelque peu déroutante ou on ne l’aime pas ; on choisit de rire ou on est choqué par la sanguinolente scène finale, parodie outrancière d’une eucharistie. Reste que Misterioso-119 de Koffi Kwahulé, mis en scène par Cédric Dorier à la salle René Gonzalez du théâtre Vidy-Lausanne crie, danse et raconte l’éternel drame d’aimer : « aimer s’apprend », répète l’une des douze femmes (douze, nombre symbolique s’il en est !) enfermées dans une prison en un huis clos qui exacerbe les rêves et les fantasmes, mais protège aussi. Aimer à tuer, tuer d’aimer, aimer jusqu’au sacrifice, au-delà du bien et du mal. Une intervenante artistique au rapport ambigu avec l’une des détenues monte un spectacle de « pom-pom girls » et comme ces prédécesseuses n’échappera pas la mort, une mort consentie. C’est la mise à nu cruelle, sans pitié jusqu’à la drôlerie, de destins tragiques, de désirs, de peurs, de tensions, avec des moments de gaieté, et même de fierté au travers du show qui se prépare.

Le titre de la pièce fait référence au célèbre morceau de jazz de Thelonious Monk dont on parle tout le temps sans l’entendre jamais. Il sous-tend la construction de la pièce tout en laissant, comme dans le jazz, une part d’improvisation, non du texte, mais de sa réalisation scénique. Il y a des dialogues, des monologues bouleversants, des « chœurs » à la grecque ; la langue forte, charnelle, où résonnent bruit et fureur, tendresse et colère, béance et frustration, amour et haine (sœurs jumelles, d’où la référence au 11 Septembre !), joue comme en musique avec des rythmes, des répétitions thématiques. Si les répliques sont écrites, elles ne sont pas attribuées, le nombre d’actrices pouvant changer, et aucune didascalie n’impose une quelconque vision a priori de cet univers érotique, violent, drôle et dramatique tout à la fois, qui questionne sans répondre.


Misterioso-119, Théâtre Vidy-Lausanne, jusqu’au 30 mars.


(Photo Mario Del Curto)