Le POP, une lutte inlassable en faveur de la justice sociale

vaud • Le septantième anniversaire de la fondation du Parti suisse du Travail est l'occasion de rappeler l'histoire de sa section vaudoise, dont on a prédit la mort à maintes reprises.

Le septantième anniversaire de la fondation du Parti suisse du Travail est l’occasion de rappeler l’histoire de sa section vaudoise, dont on a prédit la mort à maintes reprises.

Le 21 mai 1943, le Parti Ouvrier et Populaire Vaudois (POP) est fondé à Lausanne. Il est le résultat de la fusion de trois composantes : une minorité issue du petit mais actif Parti communiste d’avant-guerre, de nombreux militants « nicolistes » (socialistes de gauche proches de Léon Nicole) et une majorité d’« inorganisés », n’ayant jamais appartenu à une formation politique. Ces derniers ont adhéré avec enthousiasme au nouveau parti de gauche, dans le double contexte des grandes victoires de l’Armée rouge sur les hordes hitlériennes et surtout d’une profonde volonté de changements sociaux pour l’après-guerre. En premier lieu l’introduction de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS), qui sera le premier grand combat du Parti suisse du Travail (PST). En effet, dès les 14-15 octobre 1944, une structure nationale rassemble les sections cantonales qui se sont créées dans tout le pays. Le PST va disposer en Suisse romande d’un quotidien, la Voix Ouvrière, ancêtre de l’actuel Gauchebdo.

Victoire du « Bloc des gauches »

De 1945 à 1947, dans l’enthousiasme de l’après-guerre, le POP vaudois remporte de spectaculaires succès. Aux élections cantonales de 1945, il obtient – au système majoritaire alors en vigueur – 42 sièges sur 216 au Grand Conseil. Aux élections communales lausannoises, le « Bloc des gauches » (popistes et socialistes) obtient 71 sièges sur 100. Le POP sera présent dans plusieurs municipalités de gauche, notamment à Lausanne, Renens et Yverdon. Au Conseil national, le PST fait en 1947 le meilleur score de son histoire, avec 7 sièges, dont 3 élus vaudois.

Parmi ses membres les plus importants et les plus connus – et sans mentionner des personnes encore vivantes –, on peut citer son secrétaire pendant des décennies, le brillant avocat André Muret (1909-1986), les docteurs Maurice Jeanneret (1886-1953) et Armand Forel (1920-2005), deux « médecins du peuple », ou l’instituteur Fernand Petit (1912-2002), député particulièrement respecté.

A ses débuts, le POP se voulait un parti ouvert de « grand rassemblement populaire », regroupant la classe ouvrière, mais aussi la paysannerie, les artisans et petits commerçants menacés par le grand capital. Cependant, dans le contexte de la guerre froide, il devient de plus en plus un parti communiste orthodoxe et prosoviétique. Cette orientation, ainsi que l’atmosphère d’anticommunisme parfois hystérique dont il est la victime (notamment après la répression par les chars russes de l’insurrection hongroise), vont entraîner une hémorragie de militants. Connaissant des hauts et des bas, des succès et des revers, le POP ne sera plus jamais la force politique qu’il avait été après 1945. A certains égards, on peut dire que la chute du Mur de Berlin et l’implosion du monde communiste à l’Est l’ont « libéré d’un fil à la patte ». On ne pourra désormais plus l’accuser de compromissions avec des régimes répressifs et crier à ses militants « A Moscou ! » Le POP doit cependant assumer et gérer ce passé douloureux. Il le fait, avec lucidité et sérénité.

Les épreuves n’ont donc manqué dans l’histoire du POP. Il a été affecté par des crises internes et des scissions. On a prédit sa mort à maintes reprises, et pourtant il est là, bien vivant ! Comment expliquer cette capacité de résistance ? D’abord, le parti a su, à plusieurs moments de son histoire, se renouveler, attirant de nouvelles générations de militants. Il a fait une place importante aux femmes. Il a été à la pointe de la lutte pour le suffrage féminin. Surtout, il a été et reste très présent sur le terrain, dans les quartiers (par exemple avec ses stands dans les marchés), au contact de la population. Il n’est jamais devenu une secte communiste ou gauchiste se complaisant dans les théories. Il vise l’action concrète, en faveur du progrès social.

Lutte contre la vie chère et pour une retraite populaire

Sur ce terrain, le POP vaudois et le Parti suisse du Travail ont toujours été très présents. Ils ont constamment joué le rôle d’aiguillon pour un Parti socialiste parfois somnolent. Donnons quelques exemples de cette persévérance dans le combat social. Le POP a toujours lutté contre la « vie chère » (coût des loyers, des assurances maladie, des produits alimentaires, des transports publics, etc.) qui frappe les milieux modestes. Il s’est prononcé à réitérées reprises pour une refonte de la fiscalité en faveur des petits et moyens contribuables, notamment des familles avec enfants. Il a défendu et continue à défendre les plus faibles dans notre société, en particulier les personnes âgées au revenu très limité. Il s’est battu pour « une véritable retraite populaire », au lieu du système des deux piliers, et assurant à toutes et à tous une retraite décente. Il s’est opposé aux dépenses militaires exagérées. Avec le Mouvement suisse contre l’arme atomique, il a joué un rôle important dans le retrait par le Conseil fédéral du projet d’acquérir des armes nucléaires. De manière plus générale, le PST-POP a soutenu les initiatives en faveur de la Paix dans le monde. Il a lutté aussi pour la démocratisation des études, qui seule permet aux enfants issus de milieux populaires d’accéder aux études secondaires et universitaires. Il soutient la culture, sous ses différentes formes, une culture qui soit accessible à tous. Il s’est lancé, plus récemment, dans de nouveaux combats, par exemple en faveur de la mobilité douce (transports publics, rail) et d’une agriculture biologique de proximité, de même que pour l’octroi du droit de vote aux immigrés installés. Dans ses luttes, le POP recourt souvent au lancement d’initiatives populaires et de référendums : récemment, sur le plan cantonal, pour une caisse d’assurance maladie unique, pour un salaire minimum et pour l’introduction d’une assurance couvrant les frais dentaires. Il fait connaître ces actions dans le public en diffusant son périodique Résistance.

Un parti internationaliste et antiraciste

Depuis leur création en 1943-44, le POP et le PST sont résolument antifascistes. Ils se sont toujours élevés avec vigueur contre la xénophobie et le racisme, qui constituent aujourd’hui le fonds de commerce de l’UDC. Ils se prononcent en faveur du vote des étrangers. Ils ont fait leur devoir internationaliste en soutenant les peuples en lutte pour leur indépendance et leur liberté : Algériens contre la domination coloniale française, Vietnamiens se battant contre l’intervention militaire massive des Etats-Unis, Sud-Africains contre l’apartheid, etc.

Le POP vaudois ne prétend pas n’avoir jamais commis des erreurs de jugement. Aucune formation politique qui s’engage dans l’action ne « fait tout juste »… Mais il peut être fier de sa lutte inlassable en faveur de la justice sociale, en particulier en faveur des plus faibles, des plus fragiles, des plus démunis dans notre société inégalitaire. Telle a été depuis septante ans, telle est aujourd’hui encore sa raison d’être historique.