100% Girrrl Rocker!

Spécial 8 mars • Dans le rock, la pop ou le jazz, les femmes sont une infime minorité. Une situation que l'association Helvetiarockt a décidé de prendre en main, notamment en organisant des ateliers pour encourager les jeunes musiciennes à monter sur scène.

Lynn Maring, des groupes The Chikitas et Disagony, fait partie de la minorité de femmes sur la scène rock, pop et jazz. © Stéphane Schmutz

Une femme batteuse? Bassiste? Guitariste? Vous avez déjà vu ça? Lorsqu’on observe un groupe de rock, de pop ou de jazz sur une scène, le plus souvent, il n’y a que des…mecs! Ou alors une chanteuse, parfois une pianiste ou une guitariste. C’est le constat qu’ont fait les fondatrices de l’association Helvetiarockt. «Il est difficile d’avoir des statistiques précises sur le sujet, mais actuellement, il y aurait seulement 5 à 10% de femmes instrumentistes dans les domaines jazz pop et rock», explique Alexandra Tundo, coordinatrice pour la suisse romande de l’association. Créée en 2009 par deux musiciennes de Suisse alémanique, elle vise à renforcer la présence des femmes sur les scènes suisses, notamment via des projets de soutien à la relève, la mise en réseau des musiciennes, et le lobbying dans les programmes de politiques culturelle. «Notre objectif est de faire passer la proportion de femmes à 30% au moins», précise la coordinatrice.

Il y a un manque de modèles femmes

Mais pourquoi aussi peu de femmes dans les musiques actuelles? Pour Alexandra Tundo, les facteurs de socialisation jouent un rôle important, comme du reste dans d’autres domaines professionnels: «de par leur éducation et socialisation, les femmes sont moins invitées à se mettre en avant, doutent plus de leurs compétences, alors que le leadership est plus encouragé et valorisé chez les hommes. Dans les groupes, les femmes sont souvent chanteuse, domaine où la place leur est laissée, car la voix féminine est unique. Mais sitôt qu’elles jouent d’un instrument, elles sont en concurrence avec les hommes. La place des femmes est plus légitime en tant que chanteuse, même si elles sont également minoritaires dans ce registre. En tant qu’instrumentiste, on les juge plus durement, elles doivent plus faire leurs preuves. Par ailleurs, il y a un manque de modèles femmes».

Si l’association ne se définit pas forcément comme féministe, elle veut jeter la lumière sur ce phénomène, tenter d’y remédier et susciter des questionnements. «Parfois, les gens ne se rendent même pas compte que le monde musical est majoritairement masculin et c’est nous qui leur ouvrons les yeux!», commente Alexandra Tundo.

Des ateliers spécialement destinés aux musiciennes
Outre la mise en contact des musiciennes avec des programmateurs et programmatrices, un des projets phares de l’association est les Femalebandworkshops, des ateliers encadrés par des musiciennes confirmées, qui visent à encourager les jeunes femmes de 15 à 25 ans qui font de la musique à monter sur scène. Depuis 2014, des ateliers ont été mis en place dans 11 cantons suisses. «Les groupes ne sont composés que de filles, car on constate que si il y a des hommes, ceux-ci ont tendance à prendre naturellement le leadership. Les filles se remettent plus facilement en question, ont tendance à se sous-estimer, à dire qu’elles ne jouent pas suffisamment bien, et laisseront la place à un homme. Notre travail est de les encourager et de les outiller» explique Alexandra Tundo.

Les ateliers, qui se tiennent une fois semaine, portent sur la musique, la technique, mais aussi l’affirmation de soi dans un groupe et le management. «Pour monter un atelier, le plus difficile est de trouver des percussionnistes et des bassistes. Il y en a peu et elles sont très prises! Il y a donc un travail de fond à effectuer» ajoute encore la coordinatrice.

« L’industrie musicale impose une caricature marketing de la femme, très sexualisée »
Lynn Maring, qui anime l’atelier genevois, est membre du duo rock féminin «the Chikitas», du groupe «Disagony», et travaille aussi sur un projet solo. Dans le cadre de son parcours, elle dit ne pas avoir ressenti de barrière particulière en tant que femme. «J’ai toujours eu une volonté très profonde de faire de la musique, pour moi c’était comme une évidence», se souvient-elle. Au contraire, elle regrette parfois d’être toujours cantonnée à ce rôle. «Les journalistes nous posent beaucoup plus de questions sur notre position de femme que sur le contenu de notre musique!» Si elle se sent donc clairement musicienne et artiste avant d’être femme ou porteuse d’un combat féministe, elle constate tout de même «qu’il manque des femmes dans les musiques actuelles, et surtout des femmes qui ne sont pas des produits ou des interprètes. L’industrie musicale impose une caricature marketing de la femme, très sexualisée, ce qui n’aide pas».

Pour elle, les Femalebandworkshops représentent avant tout un lieu d’entraide et d’appui aux jeunes talents, mais le fait qu’ils soient réservés aux femmes «donne aussi l’occasion de lutter contre les clichés, de discuter du fait qu’il n’y a pas besoin d’être comme Rihanna ou Beyonce pour faire de la musique». Justement, être une femme, faire du rock, et ne pas correspondre à ces clichés, est-ce que cela dérange? «J’ose espérer que oui! Répond Lynn Maring. Cela contribue à changer l’image des femmes, car elles ne se comportent pas comme la société l’aimerait!»

Samedi 7 mars 2015 à 19h à l’Abri, Genève, soirée Musiciennes en scène avec la projection du film «The Punk Singer» de Sini Anderson, qui retrace le parcours de Kathleen Hanna, chanteuse du groupe punk «Bikini Kill» et du trio «Le Tigre», militante féministe et égérie du mouvement des riot grrrl. Le film sera suivi d’une discussion animée par Helvetiarockt et dès 21h30 par un concert 100% féminin avec Kind of Whisper (Folk), Lynn Maring (Blues) et le Red Collectif (Hip-Hop)

Plus d’informations sur Helvetiarockt: www.helvetiarockt.ch