15 ans de marche et plus énergiques que jamais

Luttes féministes • Face à la mondialisation de l’oppression économique et patriarcale, il faut mondialiser la résistance des femmes. Retour sur les origines de la Marche mondiale des femmes, de passage à Genève du 23 au 25 mai 2015.

L’idée d’appeler à une marche mondiale des femmes est née en 1995 au Québec, suite à longue «marche pour du pain et des roses» (200 km en 10 jours), à laquelle ont participé plusieurs milliers de femmes, rejointes devant l’Assemblée nationale par près de 15’000 personnes venues faire pression avec elles sur le gouvernement pour qu’il mette enfin en place une politique plus respectueuse des besoins des femmes. Encouragées par le succès de cette marche «pour du pain et des roses», les organisatrices lançaient dès le lendemain un appel via internet à toutes les femmes du monde pour les encourager à s’organiser au niveau national, en vue de coordonner en l’an 2000 une marche mondiale contre la pauvreté et les violences faites aux femmes, qui aurait lieu entre le 8 mars, journée internationale des femmes et le 17 octobre, journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Des femmes de 165 pays et régions, situés sur les 5 continents, ont répondu à cette invitation. Des manifestations nationales et continentales ont lieu partout dans le monde de mars à octobre, avant la grande marche commune du 17 octobre, organisée à Washington devant la Banque mondiale et à New-York devant l’ONU. Heureuses (et aussi un peu surprises) d’avoir réussi à être si nombreuses, et du monde entier, les femmes se sont engagées le 17 octobre 2000 à prendre soin de ce réseau féministe mondial et à se donner les moyens d’organiser, 5 ans plus tard, une nouvelle action planétaire. Chose promise, chose faite.

De Porto Alegre au Burkina Faso
Il y a dix ans, en juin 2005, la deuxième marche mondiale des femmes traversait comme aujourd’hui toute la Suisse. Partie le 8 mars de Porto Alegre, au Brésil, elle s’est terminée au Burkina Faso après sept mois de pérégrination. Le but de cette deuxième Marche planétaire était de populariser la Charte mondiale pour l’humanité adoptée entre-temps par la représentation internationale des militantes MMF en décembre 2004 à Kigali (Rwanda). Il s’agissait de défendre ensemble cinq valeurs communes à toutes les femmes réunies dans la MMF: la paix, la justice, l’égalité, la solidarité et la liberté. A chaque étape, dans chaque pays ou région, les femmes ont cousu un carré formant ainsi une courtepointe mondiale.
Lors de sa troisième action planétaire en 2010, la MFF a fait un pas de plus en définissant, dans une optique anticapitaliste et antipatriarcale, quatre champs d’intervention: Biens communs et services publics; lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes; économie féministe et autonomie financière des femmes; paix et démilitarisation. En 2012, lors de la neuvième rencontre internationale qui a eu lieu à São Paulo, la décision a été prise par les déléguées venues du monde entier de transformer la marche mondiale des femmes en un mouvement d’actions féministes permanent. Un défi majeur.

2015: construire un mouvement autonome
En 2015, la nouvelle marche planétaire s’inscrit dans cette volonté commune de construire un mouvement autonome des femmes, permanent, capable d’organiser à la fois les femmes de la base, tout en continuant à travailler avec des organisations amies, comme la Via Campesina, Amnesty international, Attac, les syndicats, le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM), etc. Une des caractéristiques de cette quatrième action internationale est que chaque continent a été invité à définir et à inventer sa propre façon de participer à cette quatrième action, tout en respectant des dates et des échéances communes. Ainsi est née l’idée d’une caravane féministe européenne. Le but est de créer des liens entre toutes les femmes qui luttent en Europe contre la pauvreté et les violences et d’établir une mémoire de leurs résistances individuelles et collectives.