L’or sale du monde transite par la Suisse

Cinéma • Dans son dernier documentaire «Dirty Gold War», Daniel Schweizer passe au peigne fin la filière de l'or de son extraction à son utilisation en passant par son raffinage, qui se fait majoritairement en Suisse.

Pollution, manifestations, exploitation, destructions, arrestations, expropriations. Ces six mots résument ce que le plaisir pour quelques-uns de posséder de l’or produit sur les vies de millions d’autres. Pendant plus d’une heure, Daniel Schweizer ne prend pas de gants et vous envoie à la figure les désastres écologiques et sociaux provoqués par l’extraction illégale de l’or en Amérique Latine avant que celui-ci ne soit raffiné en Suisse, premier importateur mondial avec 2500 tonnes par année. Le réalisateur appuie à nouveau et ne rate pas sa cible. Mécaniquement, intervenant après intervenant, il démontre que c’est bien ici que l’or sale du monde est blanchi. Comme par miracle, il repart de la Confédération crédité d’un label invisible de «bonnes pratiques», alors qu’il n’en est rien. L’or présent sur le marché est sale à 95%, son passage en Suisse ne le lave guère. Mais quel est le moteur qui fait tourner cette machine à broyer au cyanure et au mercure, qui ravage des hectares entiers de la planète? L’avidité, la cupidité de certains hommes qui, pensant sans doute s’offrir l’éternité, enferment les lingots dans des coffres-forts de plus en plus grands.

Pour Daniel Schweizer, les Indiens du peuple Yanomami représentent le symbole d’une autre forme de richesse aujourd’hui menacée par les industries aurifères. Ils se considèrent comme les gardiens de la forêt sous laquelle l’or repose après être venu sur terre selon leur mythologie. Son extraction constitue un déséquilibre, une menace. Mais qui écoute ces Indiens? Sûrement pas les grandes multinationales. Soutenus par des ONG, ils se battent pour la reconnaissance de leurs terres et de leur mode de vie. Ils le paient cher, très cher. En 1993, une poignée de garimpeiros, des chercheurs d’or que rien n’arrête, ont détruit un village entier et tués seize Yanomami pour pouvoir continuer leur extraction illégale.

Bien sûr, il existe des mines légales qui offrent des conditions de travail (salaires notamment) correctes à leurs employés mais le documentaire souligne que les méthodes d’extraction utilisées sont les mêmes: toxiques et dangereuses. Pourtant, c’est par ces mines que commence la traçabilité du produit, relayée dans un second temps par la volonté et la conscience des consommateurs. Personne ou presque n’interroge la provenance de l’or de son alliance, alors que ce symbole, puissant dans nos sociétés spécialement, mériterait de ne pas être synonyme de destruction et de mort. Pour Alan Frampton, partisan de l’or vert (provenant de mines légales, dont la production est traçable), c’est un point important, de même que celui de restituer à ces peuples une partie équitable des ressources produites par la vente de l’or. Ce n’est certes pas suffisant mais ce serait un début.
Au générique de fin reste un goût amer et le constat sempiternel que les choses ne changeront que si nous décidons de reprendre nos responsabilités à la fois de manière individuelle et collective.