Corbyn le rouge passe haut la main!

Grande-Bretagne • Après la déroute des travaillistes en mai dernier, Jeremy Corbyn, la figure de proue de l’aile anti-austérité du Labour vient d’être élu à la tête de l’opposition au Royaume-Uni, malgré une campagne médiatique assassine à son encontre.

Par son discours anti-austérité et ses positions de renforcement de l’Etat social, Jeremy Corbin rallie de plus en plus les foules et fait revenir des membres au parti travailliste.

Il ne paie pas de mine Jeremy Corbyn. Pourtant son élection la semaine dernière à la tête du Labour provoque déjà une tempête politique et médiatique comme on en a rarement vu en Grande-Bretagne. Le discret député travailliste de 66 ans, réélu sans discontinuer dans sa circonscription londonienne depuis 1983 n’est jamais apparu aux yeux des observateurs comme un leader potentiel pour le Labour. Pire que ça, sa candidature ne semblait être justifiée que pour diluer un peu le conformisme attendu de ces primaires où des libéraux travaillistes concourraient avec des travaillistes libéraux. En cause bien sûr, les positions «radicales» de Corbyn en matière d’économie et de politique étrangère.

Pourtant, celles-ci ne semblent pas trop éloignées du programme du Labour des années 70 et 80, avant que la thatcherisation des esprits ne fasse dériver le parti à l’origine du «welfare state» vers le néolibéralisme le plus crasse. Parmi ces propositions, Jeremy Corbyn veut entre autres renationaliser les chemins de fer et le secteur énergétique, abolir les taxes universitaires, instaurer un revenu minimum ou augmenter les impôts des plus riches. Il propose également un «quantitative easing populaire», c’est-à-dire une émission de monnaie par la Banque d’Angleterre qui au lieu de servir à renflouer des spéculateurs, permettrait à des coopératives et des organismes municipaux de construire et de rénover plus de logements sociaux, d’écoles et d’hôpitaux. Parallèlement, il s’est opposé à la guerre en Irak, a soutenu le Venezuela bolivarien et s’est prononcé en faveur d’un referendum sur l’autodétermination de l’Ecosse et la réunification irlandaise, tout en étant un adversaire déclaré de la monarchie.

Le député le moins dépensier
Au fur et à mesure que sa candidature prenait de l’ampleur et que ses positions se renforçaient dans les sondages, des articles de presse et des déclarations assassines de l’«establishment» britannique se sont succédé afin de torpiller cette ascension, Tony Blair parlant de «catastrophe» et de «tragédie» à propos de la possible victoire de Corbyn, alors que les caciques du Cabinet fantôme travailliste annonçaient ne pas vouloir collaborer avec lui au cas où les militants le choisiraient. Las, plus les médias se montraient agressifs et dénigrants, plus la popularité de celui qui s’était fait connaître comme l’un des députés les moins dépensiers, à la suite d’une enquête parlementaire consécutive à un scandale en 2013, grimpait. En quelques mois, le nombre d’adhérents d’un Labour moribond, lessivé et en charpies après la cinglante défaite des législatives de mai dernier, a doublé, passant de 200’000 à 400’000. Et c’est avec une majorité écrasante de 60% des votants que Jeremy Corbyn a été choisi comme leader de l’opposition ce samedi.

Bien que le chemin reste encore long, cette victoire peut s’avérer déterminante pour la dynamique du front anti-austérité qui tente de s’organiser en Europe. Tsipras semble s’embourber en Grèce et les chances de Podemos cet automne apparaissent comme toujours aussi hypothétiques, marquant ainsi un coup de frein pour la stratégie des coalitions hétéroclites, le nouveau meneur travailliste devra donc s’arracher pour convaincre une majorité de Britanniques et l’ensemble des sympathisants européens. Deux différences cependant avec le cas Syriza, Corbyn n’est pas Tsipras, il n’a plus de carrière à faire et le Royaume-Uni n’est pas la Grèce. Bémol cependant, les prochaines législatives en Grande-Bretagne sont prévues pour 2020, des tonnes et des tonnes d’eau peuvent encore passer sous les ponts d’ici là…