Aylan Kurdi et d’autres enfants victimes de la folie des hommes

Le chronique féministe • Il y a des images qui nous hantent sans répit. Celle du petit Aylan, un enfant kurde de 3 ans, sur une plage turque, mort noyé le 3 septembre 2015, a choqué le monde entier...

Il y a des images qui nous hantent sans répit. Celle du petit Aylan, un enfant kurde de 3 ans, sur une plage turque, mort noyé le 3 septembre 2015, a choqué le monde entier. Cet enfant, encore potelé, le visage à moitié dans l’eau, les chaussures bien parallèles sur le sable, en short bleu et pull rouge, les bras le long du corps, comme s’il faisait une sieste, sans blessures apparentes, mais mort. Mort noyé, comme des milliers et des milliers d’autres qui traversent la Méditerranée pour fuir la violence, la guerre, l’oppression…

On pense au Dormeur du val de Rimbaud.
«… il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.»

Là, on parle d’un soldat mort à la guerre. Ici, d’un enfant mort à cause de la guerre. Il n’a pas été tué par balles, mais par noyade. Il ne repose pas dans un trou de verdure, mais sur une plage. Ses pieds ne sont pas dans les glaïeuls mais sur le sable. Lui aussi a froid, la température de son corps est déjà tombée au-dessous de celle de la mer dont il vient et qui ne fait plus frissonner sa narine. On aimerait qu’il se relève, qu’il court vers ses parents, vers son avenir, mais il est déjà mort, comme son frère, comme sa mère. Le père a tenté de les retenir, jusqu’au bout. Désormais, ses larmes sont plus salées que la mer. Mer de perdition pour tant de malheureux.

Cette triste histoire est pourtant celle de millions de familles de Syrie, poussées à quitter leur famille à cause de la barbarie du régime Assad, puis de l’apparition progressive des fondamentalistes islamistes de Daech. Cette situation est notamment la conséquence de la lâcheté de la «communauté internationale», incapable de soutenir le peuple syrien qui se soulevait contre son oppresseur. Il aurait fallu lui fournir des armes et surtout des systèmes anti-missiles, pour se protéger des bombes déversées par Assad. De même, les forces occidentales, en intervenant en Irak et en Libye sans se soucier des conséquences, ont déséquilibré la région et fait le nid des fous de Daech.
Et quand les habitants de ces pays fuient la guerre, la communauté internationale leur tourne le dos. L’Europe se montre particulièrement égoïste et pusillanime. Les Etats, tétanisés par les mouvements d’extrême droite, ne parviennent pas à mettre au point une politique d’accueil cohérente.

Ce sont toujours les femmes et les enfants les premières victimes de la folie des hommes. Daech enlève systématiquement des écolières pour en faire des esclaves sexuelles. Et les enfants de tous les pays en guerre souffrent sous les bombes, qui leur ôtent tout projet d’avenir. Ils sont les victimes innocentes de conflits menés pour le pouvoir ou de guerres coloniales.

Nous ne pouvons pas non plus oublier la photo de la fillette vietnamienne qui court, nue, en hurlant de douleur pour avoir été brûlée au napalm le 8 juin 1972. Sur le plan large, on voit une route, le fond envahi par un nuage de fumée, un garçon en premier plan, habillé d’un short et d’une chemise à manches courtes, le poing droit serré, la bouche grande ouverte et les traits crispés. Derrière lui, des enfants courent, au troisième rang, quatre soldats casqués, fusil en main, et tout au fond, un autre soldat. La fillette, entièrement nue, est au milieu de la photo et des enfants, on ne voit qu’elle, les bras écartés, le visage tordu de douleur. On ne comprend pas pourquoi elle a perdu ses vêtements. Furent-ils arrachés par la violence de la bombe au napalm ou les a-t-elle enlevés parce qu’ils la torturaient? Cette nudité accentue la détresse de cette enfant qui ne comprend pas ce qui se passe, celle de ces cinq enfants qui semblent repoussés par les soldats armés, de tous les orphelins que provoquent toutes les guerres depuis la nuit des temps. Sur la photo, les enfants sont seuls, les seuls adultes sont les soldats. Cinq soldats pour cinq enfants. Un déploiement de force démesuré, une aberration, toute l’absurdité de la guerre en un cliché.
L’immense émotion que suscita cette photo n’est sans doute pas pour rien dans le fait que la paix fut signée un peu plus tard, le 27 janvier 1973, après 8 ans d’une guerre aussi sanglante qu’inutile menée par les USA.

Cette fillette s’appelle Phan Thị Kim Phúc, née en 1963 dans le village de Trang Bang. Elle fut soignée, elle guérit, fit des études, et est devenue Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO en 1997. Ayant décidé de consacrer sa vie à promouvoir la paix, elle a créé à cette fin la Fondation Kim Phuc, qui aide les enfants victimes de la guerre en leur offrant un soutien médical et psychologique, afin qu’ils puissent surmonter leurs traumatismes.

Aujourd’hui, Kim Phuc vit au Canada avec son mari et ses enfants et finance des projets d’écoles et d’hôpitaux dans le monde entier, comme en Ouganda, au Timor, en Roumanie, au Tadjikistan, au Kenya, en Afghanistan.

Espérons que le petit Aylan ne sera pas mort pour rien et que la communauté internationale, notamment européenne, se mobilisera pour accueillir les victimes de conflits qu’elle a elle-même provoqués.