Un peuple qui ne crèvera pas sans rien dire

Palestine • La situation en Cisjordanie est de plus en plus tendue. La réaction d'un peuple asphyxié par l'occupation et qui obtient pour seule réponse encore plus de répression. (Paru dans l'Humanité)

Par Pierre Barbancey, paru dans L’Humanité

Les affrontements sont toujours plus meurtriers à Jérusalem-Est encerclée, en Cisjordanie et maintenant à Gaza. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, ne répond que par plus de répression. La colère palestinienne est alimentée par la perte de tout espoir dans une solution négociée alors qu’Israël n’est jamais sanctionné dans sa violation du droit international et son non-respect des accords d’Oslo.

Il y a quelques semaines, du haut de la tribune des Nations unies, à New York, le président palestinien, Mahmoud Abbas lançait un appel solennel au monde entier. Outre le fait qu’il ne se sentait plus lié par les accords d’Oslo dans la mesure où les Palestiniens étaient les seuls à les respecter, il rappelait la situation de son peuple, soumis à la colonisation, l’occupation, l’asphyxie économique et financière, l’humiliation permanente (lui-même doit obtenir l’accord des Israéliens pour quitter les territoires palestiniens !). «Je demande à l’ONU, à son secrétaire général, à l’Assemblée générale, d’assurer la protection du peuple palestinien. Nous en avons besoin. Nous sommes attaqués de tous côtés. Nous n’avons personne pour nous protéger. Nous vous implorons. Nous avons besoin d’une protection internationale», déclarait-il alors, non sans émotion. Une protection physique et politique. Un appel qui commence à peine à être entendu.

Ce qu’il se passe actuellement dans les rues de Jérusalem, en Cisjordanie, à Gaza, et qui gagne même les villes israéliennes comme Tel-Aviv, est l’illustration terrible de l’appel de Mahmoud Abbas. Un peuple est en état d’étranglement mais qui ne crèvera pas sans rien dire. À l’orée de Ramallah, devant des barrières qui rappellent des herses, protection de la colonie illégale de Beit El, il ne se passe plus un jour sans que les jeunes ne manient la fronde ou, à mains nues, ne jettent des pierres sur la soldatesque déployée. Des cailloux face aux fusils. Un remake de la révolte palestinienne. Remake de la colonisation: ces colons armés qui descendent de «leurs» collines pour brûler les plantations palestiniennes ou des maisons, sous l’œil bienveillant de ces mêmes soldats. Lorsqu’un bébé palestinien a été brûlé vif, l’émoi a été à son comble, dans le monde. Qui pense encore aujourd’hui qu’il ne s’agit pas d’un fait isolé pour les Palestiniens mais d’une histoire qui se répète? D’ailleurs, personne n’a été inculpé en Israël pour cet assassinat. Le fort dénonce toujours la violence du faible. Là-bas comme ici.

Plus d’armes, moins de sécurité
On aura vite fait de parler de «l’Intifada du couteau», maintenant que les attaques à l’arme blanche se multiplient. On parle moins en revanche des armes qui circulent en Israël. Sait-on, par exemple, que la loi israélienne stipule qu’en dehors des forces de sécurité, les civils qui habitent ou travaillent dans des zones jugées «à risques», comme les colonies de Cisjordanie et Jérusalem, sont autorisés à porter une arme à feu? Ces derniers jours, les armureries israéliennes ne désemplissent plus. Le nombre de morts palestiniens est, depuis le 1er octobre, quatre fois plus important que celui des Israéliens tués. Et l’écart va s’amplifier. Le maire juif de Jérusalem, Nir Barkat, a donné l’exemple. Cet ancien parachutiste, arme automatique en bandoulière au volant de son 4×4, a invité les télévisions locales à le suivre pour une patrouille dans les quartiers chauds de Jérusalem-Est occupée et annexée. En Cisjordanie occupée, une majorité de colons, hommes et femmes, portent leur calibre à la ceinture, ou coincé dans l’élastique du pantalon dès qu’ils franchissent la barrière et les barbelés qui entourent leur implantation. «À long terme il est évident que plus d’armes sur la place publique, c’est plus de danger, pas plus de sécurité », met en garde Smadar Ben Natan, avocate israélienne, en citant en exemple le cas d’un juif qui en a poignardé un autre mardi parce qu’il l’avait pris pour un Arabe! Combien faudra-t-il encore de morts pour que les Etats réagissent sérieusement?