La droite vaudoise s’attaque aux locataires

Vaud • Le Conseil d'Etat à majorité de gauche concrétise une idée issue du PLR en défendant le remplacement de la LDTR et de la LAAL, qui "protègeraient trop les locataires", par une nouvelle loi ruisselante de compromissions pour la gauche.

Le Grand Conseil s’est emparé de la discussion sur le logement qui subit une crise endémique depuis des lustres. Il s’est agi tout d’abord du contre-projet gouvernemental à l’initiative de l’ASLOCA «Stop à la pénurie de logements», que le Conseil d’Etat voudrait voir retirée. L’initiative donne de l’urticaire aux promoteurs et à la droite en proposant, parmi d’autres mesures, l’expropriation par les collectivités pour construire des logements à un prix abordable. Le contre-projet lui oppose la création d’un droit de préemption, considéré par le PLR comme «pire que l’expropriation». Le débat fut acharné. L’initiative n’a été soutenue que par 12 voix, dont celles du groupe POP-solidaritéS, 6 abstentions contre 112 votes négatifs. Et le contre-projet du Conseil d’Etat a fini par être soutenu majoritairement au fil des débats.

Fusionner LDTR et LAAL
Le deuxième volet de ces modifications légales consiste en une nouvelle loi qui en abroge deux autres. Le groupe POP solidaritéS a formulé ses critiques les plus vives contre l’abolition des lois LDTR et LAAL*, qui protègent fortement les locataires contre les abus dans les transformations ou démolitions et le développement des logements loués meublés ou sortis du parc locatif pour être vendus. Ces deux lois sont fondues dans un  paquet ruisselant de compromis, pour ne pas dire de compromissions: la LPPL (Loi sur la préservation du parc locatif).

Le rapporteur de minorité Jean-Michel Dolivo s’est battu fermement, soutenu la plupart du temps comme la corde soutient le pendu par des socialistes discrets et des verts ligotés par leur loyauté à leur conseillère d’Etat, Béatrice Métraux, en charge du dossier. Il a démontré combien ce sont les locataires qui vivent dans d’anciens logements depuis longtemps, et qui seraient prêts à accepter des rénovations douces, qui vont faire les frais de la nouvelle législation. Il a fustigé la créativité gouvernementale qui paraît s’inspirer du titre «50 Nuances de Gris» et classe les régions et les districts selon qu’ils sont victimes d’une pénurie tout court ou d’une pénurie accentuée.
Sous prétexte de simplifications administratives, il y a dix ans que la droite bataille pour assouplir les lois de protection des locataires. Il n’est pas sûr que la fin de la longue saga et les déchirements sur ce thème vont résoudre aujourd’hui l’épidémie des logements trop chers et trop rares.

En 2005, une motion radicale proposait la suppression des deux lois. Elle fut enterrée en 2009 en même temps que son contre-projet gouvernemental. A ce moment, la rapporteuse socialiste Anne-Marie Depoisier déclarait: «Proposer aujourd’hui d’abolir la LDTR et la LAAL , c’est vraiment faire fi d’une situation actuelle de pénurie de logements comme celle qui fut l’origine de la LDTR» et plus loin: «Il semble qu’il faille absolument faciliter la vie des investisseurs aux dépens des futurs habitants!». En 2015, la situation des locataires ne s’est guère améliorée, mais c’est la majorité du Conseil d’Etat qui s’est modifiée…

Jolie victoire tout de même
Signalons quand même une jolie victoire pour un important amendement Dolivo, qui s’est beaucoup battu pour améliorer le projet. Par 66 voix contre 63, il a obtenu que: «Le mandataire a l’obligation d’informer de ses projets par écrit les locataires et de les consulter lorsqu’il a l’intention d’exécuter des travaux de démolition, transformation et rénovation d’un bâtiment existant. Il les informe de la répercussion probable sur leurs loyers. Il leur impartit un délai de 30 jours au moins pour présenter leurs observations et suggestions.»

Le débat se poursuivra mardi. L’ASLOCA maintiendra-t-elle son initiative? On sent l’ association très partagée. Qu’en pensent les locataires qui restent sur le carreau ou, étranglés par leur loyer, sont obligés de chercher des logements hors du canton ou à des kilomètres de leur lieu de travail?

* LDTR : loi concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d’habitation, ainsi que l’utilisation de logements à d’autres fins que l’habitation
LAAL : loi concernant l’aliénation d’appartements loués.