La Gauche européenne et la Grèce

Solidarité • Discussion publique à Genève autour de la situation grecque et des luttes contre l’austérité avec des militants de Die linke et du NPA.

Lors d’une soirée-débat organisée le 29 octobre par l’Association de soutien au peuple grec, Manuel Kellner ( Die Linke) et Antoine Pelletier (Nouveau parti anticapitaliste (NPA)) ont fait part des réactions de leurs camarades en Allemagne et en France, et Jérôme Duval (CADTM France-Espagne) a analysé le mécanisme de l’endettement. Le modérateur était Benito Perez du Courrier.

Manuel Kellner nous explique que l’échec du gouvernement Syriza d’appliquer son programme divise la gauche de son pays. Alors que les uns cherchent des arguments pour défendre Alexis Tsipras, victime des chantages de la Troika, d’autres dressent la liste d’erreurs auxquelles l’ont amené ses illusions réformistes. Ces divergences n’empêchent pas les militants allemands de faire preuve de solidarité avec le peuple grec. Ils informent du bien-fondé des revendications concernant les réparations de guerre: l’Allemagne doit toujours 278,8 milliards d’euros à la Grèce. Des parrainages sont mis sur pied entre localités de même taille des deux pays, entre syndicats et travailleurs du même secteur, entre hôpitaux et entre établissements culturels. Des syndicats expriment leur solidarité par des visites sur place et par l’envoi de matériel médico-sanitaire. Ils apportent leur soutien aux salariés qui sont en lutte, font la grève ou occupent leurs lieux de travail comme ceux qui occupent l’usine VIO.ME».

Antoine Pelletier livre une analyse globale de la situation des pays européens traversés par la crise de surproduction et dénonce les conséquences de la crise financière de 2008, qui se solde par une accélération des attaques contre les services sociaux. Il souligne la montée des extrêmes-droites en Europe, le recours de plus en plus fréquent à des méthodes de direction non démocratiques contournant la volonté populaire (gouvernements non élus formés d’«experts», directives européennes) et à la répression des mouvements sociaux. Il constate que suite à l’effondrement des régimes des pays de l’Est et l’affaiblissement des PC, il y a un vide politique que les formations de la gauche radicale n’arrivent pas à combler. Cette situation a favorisé le développement de Syriza, qui a vu très vite se multiplier le nombre de ses militants, en grande partie parmi la jeunes, sans beaucoup d’expérience ni formation politiques, le parti restant peu armé pour s’affronter aux instances.

Attaques contre la démocratie
Jérôme Duval dénonce la logique du sauvetage des banques, dont les dettes sont transférées à l’État, qui se rembourse sur la population par des mesures d’austérité violentes imposées à l’aide d’attaques contre la démocratie. Les représentants élus sont contournés, et on constate un défaut général de transparence. Ainsi, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International, érigés en gendarmes des finances, font la pluie et le beau temps aux pays qui «bénéficient» de leur soutien. Au gouvernement de gauche grec ils ont refusé la restructuration de la dette du pays, qu’ils ont accordée à l’Ukraine. Insolents, la BCE et le FMI ont imposé au gouvernement grec leur délégué chargé de contrôler les lois proposées au parlement, pour que celles-ci respectent la rigueur budgétaire.

Dès que le parole était donnée au public, on s’est précipité sur le micro pour exprimer l’inquiétude face au récent vote xénophobe de beaucoup de jeunes en Suisse et au succès électoral de l’UDC. On a dénoncé le thatcherisme helvétique qui vise la diminution des dépenses publiques, la réduction des impôts directs et l’abandon d’une politique de subvention aux collectivités et aux petites entreprises locales. Au niveau européen, on a constaté que dans certaines localités l’on applique des mesures d’austérité, alors même que les comptes sont positifs. C’était le moment pour un des militants de la fonction publique genevoise d’annoncer la grève imminente du mardi 10 novembre.

Podemos et les autres
De nombreuses questions ont été adressées à Jérome Duval, qui avait mentionné les résistances des Ibériques. On l’interrogeait sur Podemos et sur les autres mouvements de contestation en Espagne. Pablo Iglesias continue à vouloir donner un soutien inconditionnel à la direction actuelle de Syriza, alors que de nombreux militants du parti ont une oreille sensible aux critiques formulées par les camarades en Grèce. Parlant des élections communales récentes, J.D. souligne l’apparition d’une multitude de petits partis, souvent locaux, qui se considèrent à gauche de Podemos. Leurs représentants ont été élus à Madrid, à Barcelone, à Cadiz, à Saragosse, au Pays Basque, où ils entendent faire participer les habitants à la gestion de la municipalité. A Madrid, un audit des dépenses de la ville est envisagé. Les militants qui demandent un audit de l’Etat de Genève ne seraient donc pas seuls…