Une communiste succède à l’abominable roi des neiges népalais

Népal • Après la fin de la monarchie et l’instauration de la République en 2006, la militante Bidhya Devi Bhandari, plusieurs fois ministre, prend la présidence du jeune Etat himalayen. (Paru dans l'Humanité)

Par Lina Sankari, paru dans l’Humanité

Dans un pays où les femmes demeurent des citoyennes de seconde zone, prisonnières du patriarcat, des discriminations et des pires violences, l’élection de Bidhya Devi Bhandari à la tête de la toute jeune République népalaise permettra-t-elle de se débarrasser des derniers vestiges féodaux? À 54 ans, Bidhya Devi Bhandari quitte son poste de vice-présidente du Parti communiste du Népal (CPN-UML, marxiste-léniniste) pour embrasser les plus hautes fonctions. Issue d’une famille de la classe moyenne de Bhojpur (Est), la nouvelle présidente connaît ses premières expériences militantes avec le mouvement étudiant de 1979. Une fronde qui fut le premier coup porté à l’institution monarchique en ce qu’elle s’attaquait aux privilèges existants dans le système scolaire. En rejoignant le CPN, Bidhya Devi Bhandari entre en clandestinité. Veuve du dirigeant communiste Madan Bhandari, mort dans un mystérieux accident de voiture, elle n’a jamais cessé d’œuvrer au renversement de la monarchie, qui intervient en 2006. Élue députée par deux fois en 1994 et 1999, elle devient ministre de l’Environnement et de la Population au cours de la même décennie avant d’être nommée ministre de la Défense de 2009 à 2011.

Engagement féministe… et ambiguïtés
Son soutien actif à la nouvelle Constitution promulguée en septembre, marque pour certains le point d’orgue de son engagement féministe, mais révèle sa part d’ambiguïtés pour d’autres. Côté pile, après un long combat, ce membre du comité central du CPN obtient l’inscription dans la nouvelle loi fondamentale de l’obligation pour l’exécutif d’avoir une femme pour président ou pour vice-président. Chaque comité gouvernemental doit également s’assurer qu’une femme siège au sein de l’instance. Enfin, au moins un tiers du Parlement doit être composé de femmes. Côté face, les mères célibataires ou mariées à des étrangers n’obtiennent pas le droit à la transmission de la nationalité népalaise à leurs enfants. Cette disposition, qui poussa de nombreux mouvements féministes dans la rue cet été, a ainsi été défendue par Bidhya Devi Bhandari: «Que l’on soit d’accord avec cela ou pas, dans la tradition et la culture orientale, une femme est entièrement dévouée à son mari. Cela peut être un système discriminant, mais notre société a toujours fonctionné ainsi.» Et Guna Raj Luitel, rédacteur en chef du quotidien népalais Nagarik Daily de tempérer: «Certains pourraient dire qu’elle n’est pas la personne la plus féministe à devenir présidente. Mais elle est une femme célibataire dans une société dominée par les hommes qui a fait un sacré parcours en politique et c’est assez louable.»