En politique, les femmes sont assises sur des sièges éjectables

La chronique féministe • Les élections pour le Conseil des Etats ont non seulement marqué un virage à droite, comme pour le National, mais encore un recul des femmes, qui ont passé de 9 à 6, de 19,6 à 13%, soit 6,5% en moins. Ce qui va réjouir Oskar Freysinger, lui qui prône la testostérone en politique! Lui-même a été fustigé par le persifleur Yves Nidegger, UDC genevois: il est homme par ses santiags et femme par ses cheveux longs. Battu comme candidat aux Etats, le même Nidegger a tenu des propos d’une misogynie et d’une goujaterie de choix: «Le PLR finira par délaisser son épouse acariâtre (le PDC) pour la maîtresse pimpante qu’est l’UDC». Je ne sais pas pour vous, mais à moi, l’UDC n’est jamais apparue comme pimpante! Décidément, chez les politiciens masculins, ça vole plutôt bas.

Les élections pour le Conseil des Etats ont non seulement marqué un virage à droite, comme pour le National, mais encore un recul des femmes, qui ont passé de 9 à 6, de 19,6 à 13%, soit 6,5% en moins. Ce qui va réjouir Oskar Freysinger, lui qui prône la testostérone en politique! Lui-même a été fustigé par le persifleur Yves Nidegger, UDC genevois: il est homme par ses santiags et femme par ses cheveux longs. Battu comme candidat aux Etats, le même Nidegger a tenu des propos d’une misogynie et d’une goujaterie de choix: «Le PLR finira par délaisser son épouse acariâtre (le PDC) pour la maîtresse pimpante qu’est l’UDC». Je ne sais pas pour vous, mais à moi, l’UDC n’est jamais apparue comme pimpante! Décidément, chez les politiciens masculins, ça vole plutôt bas. Heureusement que Genève a pu garder ses deux représentant-e-s: la PS Liliane Maury Pasquier, expérimentée, compétente, engagée notamment pour la cause des femmes, et le Vert Robert Cramer, tout aussi chevronné, qui défend notamment la planète.

Les femmes connaissent décidément des parcours chaotiques en politique. Rappelons quelques faits. Ce n’est qu’en 1971 que les Suissesses ont obtenu le droit de vote, après plusieurs refus de leurs concitoyens mâles. A la suite, une femme parvient aux Etats (Lise Girardin, PRD GE) et 10 femmes sont élues au National, dont une Saint-Galloise… qui n’a pas le droit de vote dans son propre canton ! Certains cantons persévérèrent dans la rigidité misogyne pendant près de 20 ans. En 1989, à une courte majorité, la Landsgemeinde du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures accepta le suffrage féminin lors du vote à mains levées. Mais en Appenzell Rhodes-Intérieures, il fallut en appeler au Tribunal fédéral, qui le mit au pas (arrêt du 27 novembre 1990).

Pour le Conseil fédéral, ce fut aussi un chemin de croix. En 1983, le PS décide de présenter une candidate, la brillante Zurichoise Lilian Uchtenhagen. Mais les partis de droite ne l’entendent pas de cette oreille. Après une «nuit des longs couteaux», ils blackboulent son élection et glissent une peau de banane sous ses pieds: le terne Otto Stich. Pour se justifier, certains machos auraient dit que Lilian Uchtenhagen, par son éblouissante intelligence, ne représentait pas la moyenne des Suissesses ! Génial quand on sait qu’on nous balance sempiternellement l’argument des «compétences» dès qu’il s’agit d’élire une femme!

L’année d’après, la droite croit tenir sa revanche en la personne de la radicale Elisabeth Kopp. Mais on la poussera vers la sortie en 1989 à cause de son mari. Elle est soupçonnée de violation du secret de fonction en sa faveur, accusation dont elle sera blanchie par le Tribunal Fédéral en 1990. Son action au Conseil fédéral a pourtant eu des effets positifs sur la condition féminine. Elle a pesé dans la balance lorsqu’il s’est agi, en 1985, de faire passer un nouveau droit matrimonial plus égalitaire et elle a amorcé une révision de la législation en vue de l’égalité des droits entre femmes et hommes. Parmi ses décisions marquantes, on relève la création d’un poste de délégué aux réfugiés, dont le premier titulaire a été Peter Arbenz.

En 1993, ces Messieurs des Chambres humilient Christiane Brunner, candidate du PS au Conseil fédéral, et poussent Francis Matthey à sa place. Mais là, c’en est trop, les femmes se mobilisent, investissent la place fédérale et leur cri de colère s’entend dans toute la Suisse. Matthey se retire, la queue basse, et c’est finalement Ruth Dreifuss qui est élue. Elle sera la première présidente de la Confédération en 1999, année où Ruth Metzler rejoint le CF. Celle-ci en sera éjectée en 2003 par un certain Blocher… qui recevra la monnaie de sa pièce quatre ans plus tard, grâce à une coalition entre le PS, les Verts et le PDC, qui fait élire Eveline Widmer-Schlumpf.

La même année 1999 voit le départ de Ruth Dreifuss et l’élection de Micheline Calmy-Rey, qui sera ministre des affaires étrangères jusqu’en 2011. En lieu et place de Kaspar Villiger, démissionnaire, le parti radical propose une femme entre autres candidats : Christine Beerli. Hélas, c’est Hans-Rudolf Merz qui lui sera préféré. Doris Leuthard suit en 2006. Et en 2010, c’est le tour de Simonetta Sommaruga. A ce moment, le CF est composé de 4 femmes, qui, pour la première fois, sont majoritaires dans l’exécutif fédéral. Un fait qui a été relevé par de nombreux médias étrangers. On a failli en avoir 5, en 2011, avec la candidature de l’excellente Karin Keller-Sutter, mais c’en était trop pour les Helvètes aux bras noueux des deux Chambres, qui lui ont préféré le terne Johann Schneider-Ammann. Quand on voit le résultat, ils peuvent s’en mordre les doigts.

En 2003, lors de l’éviction de Ruth Metzler et la non-élection de Christine Beerli, des féministes ont décidé de faire une «veille» de 9 mois (le temps d’une grossesse), à partir du 8 mars 2004 (date de la Journée des femmes). Des groupes se sont relayés dans une caravane, près du Palais fédéral. Les femmes ont mené diverses actions, tenu un journal. Il en a été tiré un livre, paru en 2005 (cf. www.laveilledesfemmes.ch). C’était merveilleusement festif, des politiciennes sont venues nous saluer, dont Liliane Maury Pasquier lorsque je faisais mon tour.

Mais les femmes se trouvent toujours sur un siège éjectable. Eveline Widmer-Schlumpf a annoncé, le 28 octobre, avec beaucoup de dignité, qu’elle se retirait du Conseil fédéral, à cause du recul de «son» parti, le PBD, et du manque de soutien qui lui restait (merci Christophe Darbellay, girouette patentée du monde politique).

Aujourd’hui, l’UDC revendique un deuxième siège, qui serait dû à son avancée au National, et cherche des candidats qui pourraient rallier une majorité. Le groupe des femmes UDC réclame que le parti propose aussi une femme. Mais il est fort à parier que ce sera un homme. Le Conseil Fédéral ne comptera donc plus que deux représentantes de la gent féminine : Doris Leuthard et Simonetta Sommaruga.

Ça va manquer d’œstrogènes !