Les locataires vaudois n’ont qu’à attendre!

Vaud • Le Grand Conseil vaudois devait entamer mardi dernier le 2ème débat sur le logement, mais l'ensemble du projet en discussion, sous l'influence de la droite, a été renvoyé en commission. C'est la question du droit de préemption qui a fait débat.

Le débat portait sur une loi qui représente un contre-projet à l’initiative de l’ASLOCA «Stop à la pénurie de logements» et une nouvelle loi censée remplacer deux lois de protection des locataires. Depuis le premier débat, la droite (PLR, UDC vertlib.), dopée par quelques succès électoraux, a été prise d’états d’âme et imagine déjà voir scintiller en 2017 une reconquête de la majorité au Conseil d’Etat. De plus, on a pu entendre dans la presse le représentant de la Chambre vaudoise immobilière, le conseiller national PLR Olivier Feller, fraîchement réélu, affirmer qu’il’ «était tombé de sa chaise» en apprenant que la majorité du Parlement avait accepté en premier débat un droit de préemption, soit la possibilité pour les communes et l’Etat d’acheter en priorité un bien immobilier ou un terrain, mais seulement si le propriétaire désire le vendre, ceci afin de favoriser la construction de logements à prix abordable (à noter que l’initiative de l’ASLOCA proposait, elle, un droit d’expropriation). Une pratique que connaissent pourtant déjà Neuchâtel et Genève. C’était comme si la campagne électorale l’avait frappé d’amnésie, alors qu’il avait été consulté comme les milieux immobiliers sur ce projet dont on parle depuis plusieurs mois.
Aussi, de grenouillages en conciliabules, la droite s’est mise à évoquer un referendum. Et le Vert’Libéral Régis Courdesse a proposé mardi, sous prétexte de consolider dans le calme un soi-disant consensus, de renvoyer par motion d’ordre les lois à la commission, celle qui avait déjà multiplié les séances de discussions. Bon gré mal gré, une acceptation de ce renvoi se faisait jour au sein du Parlement avec la seule opposition du groupe POP solidaritéS qui n’y voyait qu’une façon de tenter d’édulcorer encore un contre-projet déjà bien faiblard.

L’arrogance des milieux immobiliers
C’était sans compter sur le Président du groupe PLR Jean-Marie Surer, boute-feu aguerri. Il a offert une diatribe acerbe contre le droit de préemption et une morale aussi paternaliste que menaçante à l’endroit des Vert’Libéraux. Il a aussitôt été appuyé par l’UDC, qui voit dans le droit de préemption «une solution pire que l’expropriation initialement proposée par l’initiative de l’ASLOCA». Le débat s’est emballé. Ce qui permet de croire que le magnifique consensus, dont certains se targuaient lors du premier débat laisse la place à des rancœurs, des rognes et des dogmatismes, prémisses à d’inévitables règlements de comptes et à des compromissions. La conseillère d’Etat Béatrice Métraux a fait bonne mine à mauvais jeu et déclaré vouloir triturer suffisamment son agenda pour permettre à la commission de siéger en décembre encore. Par 95 voix contre 17 et 22 abstentions, le Grand Conseil a donc renvoyé à nouveau le «paquet logement» à sa commission. Les locataires qui cherchent en vain à se loger, ceux qui ne trouvent aucun logement à «un prix abordable» comme le chantent les projets de loi peuvent attendre…

Au fond, ces atermoiements ne seraient-ils pas d’excellents arguments en faveur d’un référendum de gauche contre l’abolition des lois de protection des locataires, qui fait également partie du projet, et un soutien inattendu à l’initiative de l’ASLOCA? Les Vaudois, qui comptent 70% de locataires, pourraient, en votant, mettre un terme à l’arrogance des milieux immobiliers qui n’ont jamais, au fil des ans, réussi à combattre l’endémique pénurie de logements dans le canton.