Pour le climat, c’est l’état d’urgence permanent!

Conférence internationale • La COP21 de Paris vise à limiter la hausse des températures globales à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Un objectif inatteignable aujourd’hui et largement insuffisant.

Du 30 novembre au 11 décembre, les dirigeants de 147 pays se retrouveront au Bourget à Paris pour la COP 21, 21ème conférence des signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, ratifiée au Sommet de la terre de Rio de Janeiro en 1992. L’objectif du rendez-vous parisien est d’arriver à conclure un accord universel visant à limiter la hausse des températures globales à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, en limitant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane.

Pour l’heure, on est loin du compte. La réduction des émissions de gaz à laquelle les Etats se sont engagés pour la période 2020-2030, soit leurs contributions prévues déterminées au niveau national, va conduire à une augmentation du réchauffement planétaire de l’ordre de 3 à 3,5% et non de 2% comme le réclame le Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC). «Cet écart de 1,5% institue un véritable crime climatique, qui va interdire à des millions de personnes de continuer à habiter, cultiver ou travailler où ils vivent. C’est inadmissible», relève Maxime Combes, économiste, membre d’Attac-France et auteur de l’ouvrage Crime climatique Stop! Sortons de l’âge des fossiles, manifeste pour la transition.

La Suisse est elle-même loin d’être un modèle. Elle a annoncé qu’elle voulait réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Une réduction de 30% est prévue au plan national, les 20% restants devant être réalisés par le biais de la compensation en participant à des projets de réduction des émissions à l’étranger. C’est insuffisant selon l’Alliance climatique, qui regroupe Alliance Sud, Greenpeace et le WWF Suisse, qui exige une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 60% d’ici 2030, et uniquement sur le territoire suisse.

«Les Etats instaurent un principe de procrastination»
Le jugement de Maxime Combes est sans appel. «Avec la COP 21, on restera à des années-lumière de ce qu’il faut faire. Cette conférence va instaurer une politique climatique qui institue la procrastination, en repoussant à demain ce qui devrait être fait aujourd’hui», dénonce le militant altermondialiste.

Plusieurs points sont hautement problématiques. Tout d’abord, les engagements des Etats seront volontaires et non contraignants et ne seront pas revus à la hausse sous l’effet des négociations de Paris. Le texte en discussion ne fait mention nulle part des énergies fossiles, qui sont pourtant l’origine de plus de 80% des émissions de CO2. «En plus de vingt ans de négociations de l’ONU sur le changement climatique, il n’a jamais été question de laisser tout ou partie des réserves d’énergies fossiles dans le sol. Aucun Etat, aucune multinationale et aucune institution internationale ne propose de limiter à la source la production de charbon, de gaz et de pétrole», rappelle Maxime Combes. Le texte n’aborde pas les secteurs de l’aviation et du fret maritime, qui représentent respectivement 5% et 3% des émissions mondiales de CO2 et qui sont en perpétuelle croissance. Il ne prévoit pas non plus de plan de développement des énergies renouvelables.

Que dire du projet de Fonds vert, lancé au sommet de Copenhague en 2009 qui demandait que les pays développés versent 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions et à s’adapter aux changements climatiques? Il compte à peine 12 à 13 milliards pour les quatre prochaines années. «Les Etats font de tours de passe-passe en additionnant des prêts, des ressources normalement allouées à la politique du développement. On déshabille Pierre pour habiller Paul», constate Maximes Combes. «Les contributions devraient être fournies conformément au principe du pollueur-payeur. Par exemple, via des redevances sur les énergies fossiles ou sur les transports aériens et maritimes internationaux, via les gains provenant du commerce des certificats d’émissions ou encore via une taxe internationale sur les transactions financières», estime Alliance climat.

Un droit de désobéissance civile
Pour Maxime Combes, le seul point positif à attendre de la COP21 réside dans la probable signature d’un nouvel instrument juridique qui remplacera le Protocole de Kyoto, ratifié par une cinquantaine d’Etats en 2005. «Cet outil pourra servir de moyen de pression pour la société civile afin d’imposer ses exigences de changement aux Etats», commente le militant. Pour Alliance climat, l’accord doit aussi stipuler comme objectif la reconversion complète de l’approvisionnement énergétique à partir de sources 100% renouvelables et sans carbone d’ici 2050 au plus tard, dans le but d’envoyer aussi les signaux appropriés au secteur privé et aux investisseurs.

Pour Maxime Combes, il faut aller plus loin, en remettant en cause «cette formidable machine à réchauffer qu’est l’économie mondiale, emmenée par les filières de l’énergie fossile», d’autant plus que les règles du commerce international édictées par l’OMC ou les traités de libre-échange transatlantique comme Tafta priment sur le droit de protection du climat. Il importe, par exemple, de montrer les expériences pleines de succès de relocalisation de la production et de favoriser des préfigurations d’alternatives comme le mouvement Alternatiba, qui a essaimé de Bayonne au reste du monde. «Si la COP21 ne proclame pas l’état d’urgence climatique, nous serons alors en état de nécessité et nous avons un droit de désobéissance civile», prévient Maxime Combes.