David Payot, un hyperactif tranquille

Portrait • Derrière les airs de garçon calme et discret de David Payot, candidat popiste à la succession de Marc Vuilleumier à la municipalité de Lausanne, se cache un jeune homme avide de savoir, intéressé par tout et déterminé à ne pas renoncer à ses valeurs pour entrer dans un jeu «politicien» qu'il déplore, ceci sans pour autant renoncer à se faire entendre.

Dans son salon, David Payot cache de nombreuses pépites, comme ce disque-livre qui compile photos et enregistrements de chants de prisonniers aux Etats-Unis.

Voir également notre interview de David Payot, parue le 21 novembre dernier.

Au bout du chemin du Bois-Gentil, sympathique allée de petites maisonnettes dans les hauts de Lausanne, en face d’une vieille cabine de téléphérique bleue arrivée là par le plus grand mystère, j’ouvre la porte du numéro 58, grimpe un escalier, et sonne à la porte. Et là, surprise, ce n’est pas sur David Payot que je tombe mais sur sa femme Sarah Frund, qui semble interloquée, avant de se souvenir avoir été avertie de ma venue. Quelques minutes plus tard, l’intéressé arrive, tout désolé. C’est que sous ses airs de garçon tranquille, David Payot, jeune candidat de 36 ans à la municipalité lausannoise, c’est un peu un hyperactif. Entre son travail à l’AVIVO à 80%, le conseil communal de Lausanne, le POP, et divers engagements associatifs, il semble toujours un peu courir d’un endroit à l’autre, sans s’en plaindre pour autant. «Je suis quelqu’un qui a besoin d’être actif», explique-t-il. Et de donner un exemple: «Durant les vacances de Noël, nous sommes allés dans des bains thermaux, c’est agréable pour se détendre, mais au bout d’un moment cela me lasse, je peux ressentir un certain vide», dit-il en esquissant un rire. Heureusement, sa tendre moitié, également engagée au POP par le passé, semble accro au même rythme! Mais attention, pour le jeune candidat, pas question de faire n’importe quoi. «J’ai besoin que cela ait du sens!» Il préfère ainsi dévaler les pentes lausannoises à vélo, parce que cela lui permet de se rendre au travail tout en entretenant sa condition physique, plutôt que de faire du ski, parce que descendre juste pour le plaisir de remonter et redescendre, il n’en voit pas trop l’intérêt!

Le POP, une histoire de famille?

Le POP, était-ce une évidence pour le fils de Pierre Payot, député durant 30 ans et conseiller communal à Lausanne durant 15 ans sous la même bannière? «Il ne s’agissait pas forcément de suivre ses traces. Nous nous sommes plutôt retrouvés sur un certain nombre de points», relate David Payot, confortablement installé dans le salon du petit trois pièces qu’il partage avec sa femme. Il adhère ainsi au parti en 1997, à 17 ans, et entre au conseil communal en 2005, peu après avoir pris la présidence de la section lausannoise. Ce qui lui tient à cœur: garder un pied dans la réalité concrète, notamment en s’impliquant dans les milieux associatifs. Il se souvient en particulier des mouvements «En 4 ans on prend racine» et des «523», qui avaient abouti à la régularisation de plusieurs centaines de requérants d’asile déboutés. «La question politique de la gestion des frontières se mêlait avec la nécessité de savoir comment installer une douche dans une salle paroissiale. Il y avait un élément très concret, il ne s’agissait pas seulement d’élaborer des principes!», se souvient David Payot. C’est d’ailleurs également par souci d’ancrage dans la réalité qu’il a choisi d’étudier la psychologie: «Je voulais mettre en pratique une politique, pas la théoriser». A l’AVIVO, où il travaille depuis 2008, il a trouvé la combinaison idéale: «Il s’agit à la fois d’orienter des personnes dans le labyrinthe complexe des assurances sociales et d’effectuer un travail de revendication collective», résume le jeune politicien.

«Beaucoup se profilent en attaquant les autres»
Politicien, justement, certains lui reprochent presque de ne pas l’être assez. Il y a quelque temps, dans la presse vaudoise, certains de ses collègues du conseil communal le décrivaient ainsi comme «discret, presque effacé». David Payot reconnaît ne pas aimer spécialement se mettre en avant «parce qu’il n’en voit pas les raisons». «Souvent, on attend d’un politicien qu’il se mette en scène comme ayant toutes les compétences, l’autre ayant toutes les incompétences. Dans un conseil communal, beaucoup essaient de se profiler en attaquant les autres. Ce n’est pas ma façon de voir les choses», explique tranquillement le jeune candidat, qui avoue trouver parfois difficile de travailler ans une ambiance où «souvent, les personnes vous écoutent principalement pour pouvoir vous contredire mais pas vraiment dans une optique constructive. Il y a beaucoup de confrontation. Or, je suis plutôt une personne de dialogue, j’aime le jeu collectif». Mais attention, il ne va pas se taire pour autant. Sa façon a lui d’attaquer, c’est sur le fond. Dans son entourage, on le dit d’ailleurs bosseur et connaisseur des sujets. «Je peux devenir virulent quant il s’agit du fond des dossiers. Pour moi, se profiler, ce n’est pas attaquer les autres mais plutôt avancer sur des thématiques». Et puis, «approfondir les dossiers, c’est aussi une manière de convaincre les gens sans entrer dans une confrontation stérile!», commente-t-il. Une attitude qui, dit-il, peut aussi lui amener un certain respect de la part de ses adversaires politiques. «Mes critiques peuvent être plus prises en compte car elles sont perçues comme participant au débat de fond et non comme une querelle de pouvoir».

Corée, punk, philosophes et chanson française

Pour David Payot, creuser les sujets, c’est d’ailleurs loin d’être une corvée, du moins aux dires de son entourage. «Il a soif de connaissances, il veut toujours apprendre, que ce soit sur un sujet politique, une nouvelle langue ou pour se changer les idées», nous confiait quelques heures plus tôt Céline Misiego, secrétaire du POP Vaud. Et cela ne s’applique visiblement pas qu’à la politique. Dans les loisirs aussi, aucune des minutes de David Payot ne semble gaspillée. Ainsi, s’il dit aimer cuisiner, tâche dont il se charge dans le ménage, il le fait en écoutant les cours de contre-histoire de la philosophie de Michel Onfray. Et durant son temps libre, il a appris l’allemand, l’espagnol et… le russe! Dans le salon où nous sommes installés, les marques de cette curiosité étendue sont du reste multiples. Sur une étagère, la bande dessinée «Je suis communiste» du coréen Park Kun-woong, qui explore l’histoire de la Corée à travers le parcours d’un communiste ayant passé 36 ans dans les geôles sud-coréennes, un disque-livre d’Alan Lomax, enregistrements de chants de prisonniers aux Etats-Unis, ou encore une compilation des meilleurs titres punks des années 70, «la musique de ma jeunesse», nous confie-t-il. Les disques, en quantité impressionnante, recouvrent d’ailleurs la moitié d’une paroi entière. Là encore, il ne s’agit pas seulement d’écouter. Il y a une petite histoire pour chacun d’eux. «J’aime savoir d’où ça vient, comment les auteurs sont arrivés à ce qu’ils font». Une de ses découvertes, le poète, parolier et chanteur français Allain Leprest. «Il semble qu’il s’affichait comme communiste mais je ne l’ai appris qu’après, il a beaucoup tourné dans les salles avant de faire un premier disque. Il était plus orienté vers la scène que vers un score au hitparade…», commence David Payot. C’est passionnant, on pourrait y passer des heures, mais déjà il est temps de partir. Une dernière question. Quels sont ses défauts? «Parfois, vouloir faire trop de choses pour tout faire bien», lâche le candidat. On le croit volontiers.