L’extrême droite vole au secours des femmes!

La chronique féministe • Parmi tous les propos entendus après les événements du Nouvel An à Cologne, dans d’autres villes allemandes, comme à Zürich et probablement ailleurs, ceux de l’extrême droite volant au secours des femmes m’insupportent particulièrement.

Parmi tous les propos entendus après les événements du Nouvel An à Cologne, dans d’autres villes allemandes, comme à Zürich et probablement ailleurs, ceux de l’extrême droite volant au secours des femmes m’insupportent particulièrement.

Comme je l’ai dit dans ma dernière chronique, le parti populiste AfD s’est précipité dans la brèche xénophobe qu’ont ouverte, béante, les attitudes de certains hommes, majoritairement étrangers, parmi lesquels des émigrés. En France, Marine Le Pen et ses affidé-e-s n’ont pas eu de mots assez durs pour stigmatiser ces étrangers qui ne respectent pas les femmes. «Nos femmes , devrait-on dire, celles qui vivent sur «notre» territoire, comme si elles étaient «nos biens». Il ne s’agit pas de défendre les droits des femmes pour le FN, même s’il est actuellement dirigé par une cheffe, Marine Le Pen, et que sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, y occupe une place importante, mais de taper sur les étrangers. En effet, ce parti avait annoncé, lors de la campagne électorale, que s’il arrivait au pouvoir, une des premières mesures serait la fermeture des centres de planning familial.

La relégation des femmes à la «noble tâche» de la procréation a toujours été l’obsession des partis d’extrême droite et des dictatures. Qu’on pense aux dérives des politiques d’Hitler, de Ceaucescu, du général Pétain, qui fit guillotiner en 1943 la «faiseuse d’anges» Marie-Louise Giraud. Non seulement il faut donner des enfants à la mère Patrie, mais surtout, éviter que les femmes s’émancipent, quelle horreur! Pour ce faire, on n’a pas trouvé de moyen plus efficace que de les assigner à la maternité, avec interdiction d’avorter, c’est-à-dire de choisir son destin. Rappelons que la dépénalisation de l’avortement dans nos pays est très récente: 1975 en France, 2002 en Suisse. Grosso modo, les pays du Nord (+ l’Afrique du Sud) l’autorisent, alors que les pays du Sud l’interdisent, avec ou sans exceptions.

Le racisme est généralement lié au sexisme. Aujourd’hui encore, certains hommes considèrent que la norme est un occidental, de race blanche et de sexe masculin. Par conséquent, les «autres», les gens de couleur, qui représentent 70% de la population mondiale, et les femmes, 52%, sont «inférieurs» par essence. Le raciste dénie à l’étranger, le sexiste à la femme, d’avoir des droits égaux aux siens, au nom d’une fausse idée de ce que serait la Nature. C’est le fonds de commerce de tous les partis de droite, qui s’érigent sur la haine de l’étranger et la peur de l’autre, comme le Front National en France (fondé début 1972) et l’UDC en Suisse (fondé en 1971). D’abord parti des paysans, il tourna extrême droite avec l’arrivée de Christoph Blocher, défenseur de l’apartheid et opposé à tout rapprochement avec l’Union européenne.

L’UDC ne cesse d’attaquer les droits des femmes. Elle a combattu le nouveau droit matrimonial (1985), la loi de l’égalité (1995), réclame depuis des années la liquidation du Bureau fédéral pour l’égalité, affirme, au mépris des faits, que la question des salaires n’est plus une question de sexe. Considérant l’égalité comme une idéologie qui vise à l’éclatement des familles et contribue à l’insécurité (!), elle a voté contre toutes les mesures concrètes pour faire appliquer la loi sur l’égalité. Elle s’est opposée ces dernières années à la décriminalisation de l’avortement, à l’assurance maternité, au congé paternel, au partenariat enregistré pour les couples homosexuels. A Genève, elle a combattu le subventionnement de l’association Viol-Secours. L’UDC participe en première ligne au démantèlement social, qui pénalise tout particulièrement les femmes, comme c’est le cas pour de la dernière révision de l’AI. En outre, ce parti porte peu de femmes sur ses listes; au final, elles ne sont que 11 élues sur 70 représentant-e-s en novembre 2015, soit 17% (le PLR fait pire avec 15%!)

Ueli Maurer, quand il fut élu Conseiller fédéral, en 2008, préfaça le livre Nestwärme für Kinder de Rösli Zuppiger, épouse du conseiller national UDC, qui célèbre les vertus des femmes au foyer. Maurer y compare les humains aux chevreuils: c’est la femelle qui s’occupe du faon, pas le mâle. Et le tour est joué! Les femmes n’ont qu’à rester à la maison et s’occuper des enfants. En Suisse, les femmes ont actuellement un taux de fécondité de 1,5. Il est donc aberrant de les réduire à leur seule fonction reproductrice.

Avant de pousser des cris d’orfraie contre les harceleurs étrangers, les partis d’extrême droite feraient bien de regarder leur nombril. Leur argument hypocrite de «respect des femmes» fait vomir.

Au-delà de ce qui s’est passé durant la Saint-Sylvestre, le harcèlement de rue et dans les transports publics est un fléau planétaire qui concerne toutes les femmes. Tapez «harcèlement de rue» sur Internet: c’est édifiant. Des pays ont légiféré: la Belgique, l’Argentine, tout récemment le Portugal. C’est donc contre le machisme généralisé qu’il faut lutter, dès l’enfance. Rappelons quelques chiffres. En Suisse, une femme sur 5 subit de la violence physique ou sexuelle de la part de son conjoint au cours de sa vie, dans toutes les couches de la population. Pour les femmes de 16 à 44 ans, la violence domestique est la principale cause de décès et d’invalidité, avant le cancer, les accidents de la route et même la guerre (Déclaration de l’Organisation mondiale de la santé). Parmi ces harceleurs et ces maris violents, il y a donc forcément des hommes de l’AfD, du FN, de l’UDC…

Pour en revenir aux migrants qui arrivent en Europe, il est évident qu’il faut les aider à s’intégrer, en leur donnant non seulement des cours de langue, indispensables à la communication, mais également de culture, incluant les valeurs et habitudes du pays, ainsi que la notion d’égalité des droits entre femmes et hommes. Mais ces cours devraient aussi être dispensés à l’école, dès les premières années comme dans le cadre de l’instruction civique, à l’ensemble des élèves. Afin que les garçons et les hommes assimilent que les filles et les femmes ne sont pas du «gibier», mais qu’elles ont les mêmes droits qu’eux.