Syriza, de la puissance d’opposition à la difficulté à gouverner

Grèce • Il y a un an, les Grecs portaient Syriza au pouvoir. Retour sur les origines de la montée en puissance de ce parti et les attentes qu’il a suscitées, pour beaucoup déçues.

Lors des élections législatives du 25 janvier 2015, Syriza obtenait 35,7% des suffrages, devançant de huit points son principal concurrent de la Nouvelle Démocratie. Le parti communiste grec (KKE) refusait alors, hélas, de collaborer avec Syriza pour faire face ensemble aux graves problèmes du pays. Pire, durant toute la campagne électorale, il avait traité Syriza d’ennemi principal, tout comme l’Aube Dorée et la droite. Au bénéfice de la règle électorale attribuant un bonus de 50 sièges au vainqueur du scrutin, Syriza put placer 149 députés dans un parlement de 300. Alexis Tsipras n’avait cependant pas la majorité absolue dans un hémicycle dominé par des forces qui lui étaient hostiles (KKE, sociaux-démocrates et centristes, droite traditionnelle, Aube Dorée) et il dut s’allier aux «Grecs Indépendants», un parti conservateur souverainiste mais farouchement opposé aux mesures d’austérité.

Les origines du succès
Syriza a été créé en 2004 en vue des élections nationales, où il réussit à dépasser le quorum et envoyer six députés au parlement. La coalition de gauche radicale était composée de formations héritières du PC de tendance eurocommuniste et de groupes et individus engagés pour l’écologie, les droits des femmes et la solidarité internationaliste. Aux élections de 2007, la formation obtenait 17 sièges, occupés par des hommes et des femmes bien préparés. Leurs connaissances approfondies des dossiers leur permirent de faire des interventions pertinentes sur des questions aussi diverses que le droit du travail, les libertés des citoyens, la protection de l’environnement, la politique agricole ou la création artistique. Ils ne descendaient pas des grands clans politiques ni des financiers, c’étaient des «gens comme nous». Compétents et convaincants, issus de différents coins du pays, pas forcement avocats, mais aussi médecins, ingénieurs en génie civil, infirmières, dactylos ou ouvriers, et souvent jeunes, ces députés ont fait exploser la popularité de Syriza face à une Nouvelle Démocratie minée par les scandales (flirts avec l’extrême droite, pots-de-vin, évasion fiscale massive).

Porté au pouvoir par une population qui attendait du gouvernement qu’il libère le pays de la pression des créanciers et de l’austérité, le parti a dû gérer la multitude de problèmes accumulés par les gouvernements précédents. Une administration archaïque, la corruption infiltrée à tous les niveaux et un système fortement clientéliste. Une perception des impôts qui ne brillait pas par son efficacité, ni l’encaissement des cotisations sociales auprès des employeurs. Des syndicats souvent corporatistes, privilégiant l’intérêt sectoriel avant la défense globale de tous les salariés; défendent «la bouche qui te nourrit» plutôt que les biens sociaux.

Le but des eurocrates est de faire tomber le gouvernement
Il serait faux d’affirmer que Syriza n’était pas préparé. Depuis 2012, il devenait clair que le parti serait appelé à gouverner tôt ou tard, ses «ministres» suivant déjà les dossiers de leur ressort. Le parti aurait-il sous-estimé les forces de réaction nationales et les omnipotents organismes internationaux? Depuis un an, Alexis Tsipras lutte pour obtenir l’allégement de la dette publique, mais les négociations avec la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, FMI) n’amènent à rien. En fait, le but des eurocrates n’est pas de soutenir la Grèce, mais de faire tomber ce gouvernement qui a l’insolence de vouloir réellement mener une politique de gauche.

Dans un reportage écrit pour Gauchebdo il y a un an, tout en me réjouissant de la victoire de la gauche radicale, j’exprimais la crainte que le nouveau gouvernement Syriza ne soit dépassé par les multiples problèmes qu’il rencontrerait. Malheureusement, c’est ce qu’il s’est passé. Le temps en Grèce est actuellement très nuageux, le risque de tempêtes et orages élevé. Il reste cependant quelques espoirs d’éclaircies, des espoirs qui peuvent se révéler justifiés, si la solidarité internationale s’intensifie. Pour nous en Suisse, c’est l’occasion de montrer que nous ne sommes pas des valets de banquiers receleurs mais capables d’actions de solidarité.